eta 16 semaine 41 couverture

Se différencier avec des semis modules

Avec des gains attendus importants en maïs grain ainsi qu’en maïs fourrage, les deux cultures font figure de tête de pont pour cette technique de précision qui offre également de nombreux avantages en céréales à paille, colza et autres grandes cultures.

Pallier à l’hétérogénéité des parcelles en adaptant les doses de semences. Cette technique est aujourd’hui automatisable grâce à l’autoguidage et à la réalisation de cartes de consignes. En Normandie, l’ETA Dubois (Manche) et l’ETA Chesnot (Seine-Maritime) entre autres, ont testé cette prestation encore peu développée et qui s’ouvre désormais au maïs fourrage.

Mettre la bonne dose au bon endroit. Pour le semis ça marche aussi d’être précis ! Meilleure compétition de la culture face aux mauvaises herbes, meilleure adaptation du peuplement vis-à-vis des disponibilités en eau et en éléments nutritifs, avec à la clé une meilleure efficacité des engrais apportés, une baisse des besoins en régulateurs de croissance, en herbicide voire même en fongicide. Ce nouveau potentiel économique et agronomique rendu accessible par les nouvelles technologies ainsi que par les recherches sur le végétal, intéresse aujourd’hui évidemment les semenciers, mais aussi les agriculteurs et les entrepreneurs qui souhaitent affirmer leur expertise et leur savoir-faire pour accompagner tous leurs clients y compris les plus exigeants et les plus férus d’agriculture de précision. A l’heure actuelle seul 7 % du parc de semoir serait équipé pour la modulation de semis et encore, ces semoirs équipés ne sont pas tous valorisés dans leur potentiel. Dans ce contexte, certains entrepreneurs y voient ainsi une opportunité pour se différencier et affirmer leur expertise en matière de semis de précision. En Normandie, des ETA comme l’ETA Dubois dans la Manche ou l’ETA Chesnot en Seine-Maritime ont démarré au printemps dernier un travail visant communiquer autour de cette pratique et à en démontrer les intérêts. Avec des gains attendus importants en maïs grain ainsi qu’en maïs fourrage, les deux cultures font figure de tête de pont pour cette technique de précision qui offre également de nombreux avantages en céréales à paille, colza et autres grandes cultures.

La motorisation électrique des éléments semeurs assure une grande réactivité pour moduler la densité et réaliser la coupure de tronçons. Comme ici sur le nouveau semoir tout électrique de Monosem.

Une prestation rentable

Moduler la dose de semis à l’intérieur des parcelles est une opération qui peut être suffisamment rentable pour dégager des gains suffisants à partager entre entrepreneurs et agriculteurs, comme l’atteste son adoption par le réseau d’ETA Cléo. Cela dit comme pour les autres pendants de la modulation (engrais, phytos, etc…), c’est dans les parcelles les plus hétéro- gènes que la technique apporte le plus de bénéfices. Dans les secteurs de cultures irriguées, la modulation a un impact assez limité. La société de semences Limagrain (LG) n’a ainsi pas constaté de gains de rendement du maïs ni d’économie de semences via la modulation de semis en secteur irrigué.

L’expérience acquise dans l’Est de la France par la coopérative la CAC en maïs grain montre une hausse de la marge brute des parcelles hétérogènes en modulation de densité de semis de 140 €/ha, par rapport aux parcelles témoin. Ce à quoi il faut retrancher le surcoût de la prestation de semis et de conseil, de l’ordre de 70 €/ha. Le gain net pour un agriculteur pourrait ainsi être situé à environ 70 €/ ha en maïs grain et plutôt 40 €/ha en maïs fourrage où la technique a été adoptée plus récemment. Selon Limagrain, le gain de rendement est en moyenne de 3 % en parcelles non irriguées. En parallèle de la hausse de rendement une baisse des charges en produits phytosanitaires et en engrais est également attendue. La réduction des charges de semences dépend des choix effectués par l’agriculteur mais elle n’est pas systématique. Pour révéler aux agriculteurs les gains de la modulation de semis, il est possible de prévoir des bandes témoin non modulées en travers de la parcelle et représentative de l’hétérogénéité des sols. La cartographie des rendements permettra ensuite de comparer le rendement « témoin » au rendement modulé.

Du matériel adapté

La modulation de semis peut être facilement adaptée aux semoirs à entraînement électriques ou hydrau- liques si tel n’est pas déjà le cas. Sur les semoirs mécaniques, il est toutefois aussi possible de motoriser les éléments semeurs avec des moteurs électriques. Les nouveaux semoirs mis sur le marché ne sont pas tous dis- ponibles directement en série en version « modulation de semis ». Eux aussi peuvent nécessiter des aménagements plus ou moins coûteux. Une fois le semoir de précision équipé, il peut recevoir des consignes issues d’une carte de préconisation via une console de contrôle présente en cabine du tracteur. Une simple tablette (Ipad) peut parfois jouer ce rôle de console avec l’avantage de pouvoir y associer plusieurs types de matériels différents.

Les producteurs de semences de maïs sont plusieurs à avoir développé leur propre outil de modulation de densité de semis en allant jusqu’à fournir les cartes de modulation issues des analyses d’images par satellites. C’est le cas notamment de Dekalb et de Limagrain (LG).

La plus grande difficulté est de construire les cartes de consignes. Souvent les entrepreneurs de travaux proposent ainsi le service de modulation de semis à ceux qui sont déjà en mesure de fournir une carte compatible (ISO – XML par exemple). Les ETA en tant que collec- teurs de données via les capteurs de leurs machines auront peut-être à l’avenir un rôle de conseil de plus en plus important dans l’établissement de ces cartes. Aujourd’hui les agriculteurs doivent investir environ 100 €/ha pour obtenir les cartes de préconisations issues des cartes de potentiel de leurs sols (cartes incluant la conductivité, les analyses de sols et les analyses de profils culturaux valables entre 5 et 10 ans et les préconisations établies par un conseiller).

La modulation de semis doit prendre en compte la variété notamment en maïs. Les variétés aux grains cornés ont un nombre d’ovules déterminé, alors que les variétés dentées sont capables de compenser positivement le nombre de grains par épi en conditions favorables.

Semer « fort » pour concurrencer des adventices ou compenser un milieu où les levées sont plus difficiles ? Ou au contraire semer « faible » pour réduire la compétition sur la ressource en eau et en engrais dans les petites terres ? Un regard agronomique extérieur dans l’élaboration de ces cartes doit toujours être apporté par l’agriculteur et son conseiller quitte à intervenir pour corriger la carte de consignes.

Le contrôle de la qualité du semis par le chauffeur doit aussi permettre de vérifier que les consignes de densité données à l’outil sont bien respectées.

Dans l’ETA, l’agriculture de précision fait apparaître de nouveaux besoins en formation pour les chauffeurs. Chaque client ayant son logiciel propre de cartographie, il n’est pas toujours évident de faire communiquer les fichiers avec la machine. L’interopérabilité est parfois encore défaillante. Le rôle d’accompagnement et de service du concessionnaire prend ici tout son sens. Malgré la précision les outils ne sont pas infaillibles. Le chauffeur du semoir doit aussi être en mesure de contrôler la qualité du travail et du respect des consignes par la machine. S’agissant de la modulation de semis, ce contrôle qualité par comptage doit se faire sur plusieurs points hétérogènes de la parcelle.

Les chantiers de modulation sont amenés à devenir de plus en plus complexes pour prendre en compte différentes variétés différentes espèces ou la modulation simultanée de l’engrais localisé sur le rang.

Les semenciers courtisent les ETA

Les semenciers ont bien repéré les gains possibles pour les agriculteurs de la modulation de semis intra parcellaire. Pour rester dans la course dans un domaine qui touche de près leur cœur de métier, ils sont nombreux à s’intéresser à la pratique et à effectuer des recherches appliquées en ce sens. Delkab et LG, disposent déjà de leurs propres outils de cartographie et de préconisation. Les deux producteurs de semences de maïs expliquent pouvoir se passer des cartes d’analyses de sol pour réaliser leurs cartes de préconisations. Ils utilisent en remplacement les données satellites historiques du réseau Copernicus (Europe) pour repérer de façon fiable assurent-ils, l’hétérogénéité des parcelles. En culture de maïs la modulation serait néanmoins plus simple à mettre en œuvre de façon automatisée car il s’agit surtout de faire coïncider le peuplement avec la réserve d’eau utile en visant des peuplements plus élevés là où la ressource le permet. Semer « plus faible » en terres superficielles est moins valable en maïs selon Arvalis, car « les conséquences de pertes de rendement par des sous-densités sont souvent plus significatives qu’une légère sur-densité au regard de la disponibilité en eau. (…) Les pertes de rendement par surdensité sont exceptionnelles ». Cela dit en maïs dans les parcelles très hétérogènes, les préconisations de peuplement intra parcellaire peuvent varier du simple au double.

Pour déployer leurs solutions les semenciers ont aujourd’hui besoin d’une expertise technique et d’ambassadeurs sur le terrain et frappent ainsi à la porte des ETA. Les semenciers sont également très demandeurs pour obtenir les cartes de rendements issues de la modulation de semis qui leur permettront de mieux évaluer les gains de cette pratique et la capacité des semences à y répondre favorablement. Côté ETA ce travail avec les semenciers permet de proposer des chantiers modulés aux agriculteurs même à ceux ne disposant pas de cartes de préconisations et de se donner un coup d’avance. Pour communiquer sur cette nouvelle prestation et recruter des clients, l’ETA Chesnot a par exemple organisée des journées portes-ouvertes pour les agriculteurs avec le témoignage d’un expert, en relayant l’invitation sur les réseaux sociaux.

Les cartes de préconisations de doses de semis (maïs) peuvent être établies par certains logiciels sans analyses de sols, en se basant sur l’historique des photographies aériennes des parcelles disponibles via le réseau d’imagerie satellite européen Copernicus.
Même les semoirs modernes ne sont pas tous équipés en série pour la modulation de semis. Des aménagements sont parfois rendus nécessaires.

Texte: Alexis Dufumier

Article Précédent
Article Suivant