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Retard du versement des aides agricoles, les logiciels Isis et Osiris ont-ils bon dos ?

Les aides Pac font la Une de l’actualité agricole cette semaine, et cela à plusieurs niveaux : retards de paiement des aides en cours, inquiétudes sur le devenir des bio ou pour les zones défavorisées. Les oreilles du ministre de l’Agriculture de François Hollande, Stéphane Le Foll, sifflent sous les critiques, et l’actuel, Stéphane Travert, a un travail monumental en vue s’il veut éviter d’être submergé.

En répondant à une question posée par le sénateur Michel Raison, le ministre de l’Agriculture Stéphane Travert vient de rendre public l’agenda du rattrapage du paiement des aides Pac. Reste en suspends une question de fond essentielle : les déficiences observées pour le maintien des délais de paiement sont-elles uniquement dues aux difficultés de gestion des logiciels Isis et Osiris ? Car depuis 2014, début du dysfonctionnement dans le paiement des aides, la raison officielle donnée renvoie au fait que nos administratifs de la gestion ne parviennent pas à dominer les logiciels de paiements. Alors que l’argent est bien versé par l’Europe en direction de l’Agence française de paiement. C’est ensuite qu’il tarde à parvenir jusqu’aux fermes… On en arrive même à des situations extravagantes, avec des fonctionnaires officiellement surchargés de travail avec ces logiciels, et à qui l’on a demandé, en raison de la crise agricole, de voir comment faire pour accorder des avances sur les retards de paiements aux paysans les plus en difficulté…

Rattrapage du retard des aides, le calendrier officiel

Concernant le calendrier du rattrapage du retard, regardez cette vidéo :

Ainsi, le ministre affirme que les aides pour le bio et les mesures agro-environnementales et climatiques (Maec) de 2015 seront (enfin) réglées en novembre 2017 (plus exactement, il utilise le terme de « initiées » : « les aides seront initiées en novembre 2017« , dit-il, ce qui laisse supposer que les versements pourront éventuellement courir sur le mois suivant). Les aides bio et Maec de 2016 seront payées « au plus tard en mars 2018« . Sachant que les mêmes aides de 2017 « seront initiées dès juillet 2018« , de façon à ce que l’on retrouve un calendrier normal pour ces aides à partir de 2018.

Concernant les aides du premier pilier, celles de 2017 seront réglées en février 2018 avec un ATR (apport de trésorerie remboursable, une avance sur le dû en quelques sortes) mise en place à la mi-octobre 2017.

Concernant les ICHN enfin, le sénateur Michel Raison a rappelé le calendrier déjà donné avant cette intervention, à savoir le paiement fin juillet 2017 des aides de 2016.

Dans tous les cas, le ministre s’est engagé à « restaurer la parole publique et la parole de l’Etat auprès des agriculteurs » avec le retour au calendrier normal en 2018. « J’ai demandé à l’ASP (Ndlr : agence de paiement) de renforcer sans délai les moyens humains mobilisés sur le traitement » des aides Pac, a-t-il encore précisé.

Mais pourquoi de tels retards ?

Tout cela est bien beau et semble dénoter d’une bonne volonté de la part du gouvernement actuel (à vérifier tout de même que les délais annoncés soient tenus), mais la question demeure : comment en est-on arrivé à l’obligation d’un plan de rattrapage des retards de l’Etat français ?

Car l’Europe a tenu ses engagements. Le chèque européen pour l’ensemble des aides de la Pac en France est toujours arrivé en temps et heure à Paris… Le problème se situe donc chez nous, dans nos services administratifs. En tout cas, c’est ainsi que la chose a toujours été présentée. Ce serait donc les deux logiciels, Isis et Osiris, que les services administratifs décentralisés à Montreuil ne parviendraient pas à dominer suffisamment pour s’affranchir du travail dans des délais raisonnables. D’où, aussi, l’annonce ministérielle reprise plus haut de donner plus de moyens (on comprend « humains » même si le mot n’est pas prononcé) à ces services.

Depuis 2014 donc, date des premiers retards de paiement, rien n’a été entrepris pour régler le problème. Il y a de quoi se poser des questions tout de même ! Et de se demander si Isis et Osiris n’ont pas bon dos, au rayon des excuses. Allons même plus loin : et si ces retards avaient été orchestrés ? Rien aujourd’hui n’autorise à corroborer cette thèse en termes de preuves, disons qu’il existe un faisceau de présomptions. On sait l’Etat français en proie à d’énormes problèmes par rapport, notamment, à sa dette. Pourquoi est-ce qu’un fin stratège de l’ombre n’aurait pas imaginé de retarder les paiements Pac pour entre-temps augmenter les actifs, et qui plus est en n’ayant ensuite pas la même somme à payer plusieurs mois (ou années) plus tard, puisque les agriculteurs ayant cessé leur activité entre-temps ne retrouvent pas les aides dues alors qu’ils étaient en activité ? Il ne s’agit là que d’une supposition, mais ce mécanisme, s’il devait s’avérer que c’en est un, aurait alors tablé (avec un cynisme monumental) sur une déprise agricole d’envergure pour réellement obtenir un gain dans l’opération.

La Coordination rurale demande une commission d’enquête aux députés

Le 3 juillet dernier, le syndicat La Coordination rurale a demandé l’ouverture d’une commission d’enquête à l’Assemblée nationale pour connaitre la vérité sur l’acheminement des aides agricoles. Son communiqué étant ainsi rédigé : « La Coordination rurale a interpellé les députés afin qu’ils demandent l’ouverture d’une commission d’enquête pour faire la lumière sur l’état des versements perçus par la France au titre des aides Pac depuis 2014 et dont la redistribution aux agriculteurs souffre de retards exorbitants. Le syndicat souhaiterait ainsi obtenir la traçabilité des fonds versés par l’Union européenne, au titre de la Politique agricole commune, de l’État jusqu’à l’agriculteur, en passant par l’ASP et les régions. Depuis plus d’un an, la Coordination rurale enchaîne, tant au niveau national que départemental, l’envoi de courriers, les rencontres et les actions au sujet des retards de paiement des aides de la PAC, car même si Bruxelles a versé l’argent à l’État français, ce dernier est en défaut de paiement envers ses propres agriculteurs. À l’heure où la Cour des comptes fait apparaître des « insincérités » dans le budget de l’État, la CR veut savoir à quoi a servi l’argent de l’Union européenne qui était destiné aux agriculteurs.« 

J’ai ensuite joint au téléphone son président, Bernard Lannes, pour un complément d’information. Il s’est déclaré bien plus inquiet pour les aides dues pour la conversion au bio ou pour les zones défavorisées que pour celles du premier pilier. « Les crédits accordés pour les conversions en bio n’ont pas été en rapport avec le nombre d’agriculteurs ayant entamé une telle démarche. Le précédent gouvernement avait ainsi incité à se convertir au bio avec un plan relativement attractif en termes de soutiens, du coup nombreux sont ceux qui, bio dans l’âme ou pas, ont franchi le pas ne serait-ce que pour s’assurer un revenu. Sauf que les aides promises ne sont pas venues, et que leur situation est catastrophique…« 

Il manque 1 milliard d’euros pour les aides de 2019 et 2020, Christiane Lambert monte au créneau !

En revanche, plus près de nous, le paiement des aides de 2019 et 2020 pose un véritable problème, les caisses n’auraient pas été abondées ! Dans une vidéo (interview accordée à AgriBuzz et Jean-Paul Hébrard), Christiane Lambert, présidente de la Fnsea (syndicat majoritaire), chiffre à 853 millions d’euros « l’oubli d’approvisionnement par le précédent gouvernement » les aides pour l’ICHN en 2019 et 2020, plus les conversions bio, plus les Maec… 1 milliard en tout ! Voici cette vidéo, où elle n’hésite pas à parler de « chèque sans provision » de Stéphane Le Foll :

De son côté, le ministre de l’Agriculture actuel Stéphane Travert a tenté de désamorcer une partie de cette annonce sur son compte Twitter, en y déclarant qu’il ne supprimerait « pas les aides à la conversion bio ».

Stéphane Le Foll mis en cause

Le ministre de l’Agriculture au long cours de l’ère Hollande est ainsi montré du doigt pour ses errements par tous les syndicats agricoles (la Confédération paysanne a aussi organisé des manifestations pour réclamer le versement des aides bio). Il est accusé ni plus ni moins de n’avoir rien fait pour abonder les enveloppes qu’il a distribuées pour acheter la paix sociale alors que tous les agriculteurs défilaient et montraient leur désarroi d’une part, mais encore de n’avoir pas, non plus, suivi les directives européennes pour le paiement des aides Pac, sachant que l’argent est régulièrement versé par l’Europe.

Cela fait beaucoup pour un seul homme ! Trop ? En février 2016, une rumeur circulait selon laquelle il frôlait le burn-out… Visiblement, ce ne devait pas être de trop travailler. Sans doute était-il surdimensionné par rapport à l’importance de la mission confiée, elle-même sous-évaluée. Mais pourquoi alors l’avoir laissé en poste les cinq années alors que plusieurs remaniements ministériels ont eu lieu ? Sa mise en cause, évidente selon les informations connues à ce jour, ne doit pas cacher d’autres responsabilités.

Zones d’ombre sur les aides du futur

Autre souci dans le domaine des aides, le montant de l’enveloppe dédiée à l’agriculture par l’Europe pourrait diminuer dans les années à venir. Ainsi, un tout récent rapport du Sénat évoque le chiffre de 10 milliards d’euros en moins pour l’ensemble de l’Europe du fait du Brexit (et de l’arrêt de la contribution britannique). De son côté, la Commission européenne a récemment fait état de différentes hypothèses pour le futur qui incluent de nouvelles missions pour l’Europe (mieux gérer le flux de migrants, la lutte contre le terrorisme, pour ne citer que ces deux exemples) et donc un redéploiement des fonds, forcément défavorable à l’agriculture.

Mais ces inquiétudes là, quelque part, ne sont pas les plus actuelles, elles concernent l’après 2020, voire 2023. Il faut déjà faire vivre sa ferme jusque là…

 

Notre illustration est issue de Fotolia (lien direct : https://fr.fotolia.com/id/104432685) et montre une stèle de l’Egypte antique figurant Osiris, Isis et Ramsès II… Les deux premiers ayant donné leurs noms aux logiciels incriminés pour expliquer les retards de paiement aux agriculteurs des aides Pac.

 

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