Le 12 juillet 2023, le Parlement Européen a voté à une courte majorité le projet de loi sur la restauration de la nature qui prévoit de ramener au moins 20 % des terres et des mers dégradées du Vieux Continent à leur état d’origine d’ici à 2030, et d’ici à 2050 d’étendre ces mesures à tous les écosystèmes qui doivent être restaurés.
D’emblée, il convient de s’interroger sur la notion « d’état d’origine ». A quel niveau l’Europe situe-t-elle cet état d’origine ? Au paléolithique, au moyen âge ou avant la révolution industrielle ? Cette question est importante, car affecter 20% des surfaces terrestres ou marines à ce retour brutal et drastique ne sera pas sans conséquences graves qui ne semblent pas prises en compte, ni même envisagées, dans aucun des textes prônant cette révolution.
Cet objectif est ambitieux, car il prévoit de multiplier par dix les surfaces actuellement protégées (zones Natura 2000, zones des conservatoires naturels de l’environnement..)
Selon la source : « À l’échelle mondiale, 75 % des espèces cultivées pour l’alimentation dépendent de la pollinisation animale et 50 % des terres cultivées de l’UE dépendantes des pollinisateurs sont déjà touchées par un déficit de pollinisation. »
Bien que les sources de ces assertions ne soient pas citées, tout observateur honnête peut remarquer que la production des surfaces en céréales (blé, orge, maïs, riz…) pas plus que les prairies naturelles et les betteraves ou les vignes ne sont inféodées à la pollinisation des insectes. La diminution des insectes pollinisateurs est multifactorielle et il n’est pas certain que l’interdiction totale des insecticides permette un rapide croissance de leur nombre, tant la présence de nouveaux insectes invasifs soit néfaste et difficile à combattre sans insecticides (cochenilles, cicadelle de la flavescence, Drosophila Suzukii…).
L’interdiction totale de produits de défense des récoltes se traduira par une perte totale de beaucoup de productions. La polémique sur les néonicotinoïdes et les betteraves sucrières en est un exemple évocateur. La lutte contre les pucerons prédateurs par des coccinelles est une utopie : quand les coccinelles arrivent pour manger les pucerons, les dégâts sur la culture sont déjà irréversibles.
La promotion de l’utilisation des insectes pour remplacer les protéines animales dans l’alimentation humaine est une entreprise hasardeuse : dans les pays où les criquets se reproduisent naturellement de façon incontrôlée, ce sont dans ces endroits où les populations sont les plus soumises à la famine.
Certes ce sont des pollinisateurs, mais les agriculteurs savent que ces lépidoptères ne sont pas des fervents visiteurs des arbres fruitiers et des plantes potagères. Il ne faut donc par trop compter sur eux pour améliorer les rendements des productions de fruits et légumes. La PAC a déjà prévu de les favoriser en imposant des jachères faunistiques qui peuvent favoriser les abeilles avec des plantes spécifiques, mais dont les surfaces viennent en déduction de celles de productions vivrières.
Si l’on prend en compte l’estimation officielle de 2014, les milieux potentiellement humides couvrent 23% du territoire métropolitain soit près de 13 millions d’ha. Le 4ème plan national des milieux humides prévoit de doubler les surfaces de milieux humides intégrés dans des zones de protection forte, soit une augmentation de 110 000 ha pour la métropole et de procéder à l’acquisition de 8 500ha de zones humides d’ici à 2026.
Alors que des hommes ont sué sang et eau pour assainir des marécages afin d’éradiquer les maladies transmises par les moustiques, alors qu’aujourd’hui on tente de supprimer tout réservoir d’eau stagnante qui favorise la prolifération des moustiques qui envahissent notre pays et nous inoculent la dengue, le chikungunya, nos instances européennes veulent multiplier les zones humides… Cherchez l’erreur !
Les zones humides sont présupposées être des zones de stockage de carbone. L’évolution de l’épaisseur végétale d’une tourbière est estimée à 5 cm par siècle. C’est une des facultés qui est considérée comme bénéfique par le stockage du carbone issu du CO² de l’air.
Cependant, on peut tenter de comparer cette captation avec une plante cultivée, allez, soyons provocateur : le maïs. J’ai déjà prouvé la capacité de cette culture : un ha de maïs capte annuellement 16,32 tonnes de CO² de plus qu’un ha de forêt. Cette captation engendre la production d’environ 15 tonnes d’hydrates de carbone, dont 7 tonnes de tiges et racines pour une densité d’environ 105 Kg au m3 qui sont restituées au sol. Ce qui donne une épaisseur annuelle d’environ 0,66 cm de masse végétale répartie sur l’hectare… 66 cm par siècle soit 13,2 fois plus de stockage de carbone que la tourbière.
D’autre part une tourbière, qui se comporte comme une roche végétale, peut retenir 80% de sa masse en eau. Selon les défenseurs des zones humides, celles-ci peuvent donc restituer progressivement cette eau mais déduction faite de l’évapotranspiration des végétaux qui la composent. Cette évaporation est largement plus conséquente que celle d’une retenue collinaire qui s’y substituerait, et qui permettrait d’irriguer les cultures environnantes pour nourrir les populations. Restaurer une zone humide dans un espace qui a été drainé pour permettre des cultures est-il judicieux dans un contexte de risque de pénurie alimentaire ?
Autre lubie de nos experts en morphologie des cours d’eau : supprimer tous les barrages ou ouvrages sur les berges afin d’améliorer la continuité écologique de l’eau vers son aboutissement final : la mer.
Plusieurs prétextes sont avancés pour supprimer ces barrages :
Il est curieux que les barrages qui permettent d’alimenter les moulins, qui chacun pourraient produire de l’électricité, empêchent aujourd’hui plus qu’hier la circulation des poissons. Depuis des siècles qu’existent les moulins, les salmonidés auraient dû disparaître depuis bien longtemps. En ce qui concerne l’envasement, la réglementation actuelle prévoit les curages et leurs modalités. La suppression d’un barrage ou d’une retenue collinaire sur un ruisseau peut conduire à l’assèchement total en été, alors que la retenue maintenait une zone en eau durant tout l’été, bénéfique à la faune et à une végétation aquatique. Les retenues d’eau en amont du barrage d’alimentation d’un moulin conservent, en période d’étiage, des poches d’eau qui permettent à quantité de poissons d’attendre le retour du flux de la rivière avec les pluies d’automne. En ce qui concerne les digues, suite aux inondations de zones urbanisées construites dans des zones inondables, il est préconisé de supprimer certaines digues pour permettre aux rivières de s’étaler sur les terres agricoles avec comme corollaire des dégâts aux cultures et pollution éventuelle.
Autre question : nos écologistes vont-ils supprimer les barrages des castors ?
De fait, la raison majeure, et cachée, de la volonté d’accélérer au maximum l’écoulement des cours d’eaux ne serait-il pas d’évacuer au plus vite la pollution des stations d’épuration qui se déversent dans le milieu naturel ?
Dans le premier pays agricole de l’UE, on ne peut que s’inquiéter de la volonté obstinée d’une minorité agissante, bien structurée, n’hésitant pas à employer des méthodes violentes et dévastatrices (Ste Soline, train de céréales…) pour monopoliser l’actualité médiatique et faire avancer une idéologie soi-disant écologique qui vise à restreindre les surfaces cultivées, et contraindre les paysans à des méthodes de culture du 19ième siècle.
Peu importe que la France devienne totalement dépendante alimentairement des importations, pourvu que l’espace rural devienne un jardin de loisirs pour citadins libres de toute retenue ?
Armand PAQUEREAU
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C’est quoi l’état d’origine de la nature :
l’état en 2000, en 1980, en 1950, en 1920. En un siècle, la nature s’est regénérée au moins 2 ou 3 fois avec de nouvelles espèces en 2000 par rapport à 1920. La sauvegarde des habitats a stabilisé ou amélioré la population d’espèces, de façon lente mais sure. De nouvelles espèces ont remplacé des espèces communes. Beaucoup de corvidés ont pris la place de petits granivores, des espèces introduites ont pris la place d’autres espèces plus endémiques. Entre 1920 et 1975, plusieurs lacs artificiels d’étiages ont été créés dans les départements de la marne et de la haute et une faune et une flore nouvelle s’y est progressivement implantée et développée. faut-il revenir avant 1920 pour restaurer ? Que perdrions nous, que gagnons nous ? Par essence, la nature est vivante, elle est donc évolutive. Au lieu de parler de restauration, il faudrait parler de préservation et d’accompagnement de l’évolution.