La Chambre d’agriculture d’Eure-et-Loir a lancé une série de rencontres dans différentes communes d’Eure-et-Loir pour dialoguer sur l’usage des pesticides avec les riverains. WikiAgri a assisté à celle de Tremblay-les-Villages.
Nous sommes au commencement d’une nouvelle ère de dialogue ouverte entre agriculteurs et citoyens. A l’origine, le contrat de solutions porté par la Fnsea et signé par de nombreuses organisations professionnelles agricoles (OPA) et autres organismes visant à informer davantage la population sur l’usage des phytosanitaires. Plusieurs objectifs, dont atténuer les peurs, ouvrir le dialogue, éviter les actes d’agribashing… La 36e proposition de ce contrat de solutions consiste en la signature d’une charte de bon voisinage, avec des engagements notamment de la part des agriculteurs d’être respectueux de leurs voisins dans leur utilisation de pesticides. A ce jour, selon Campagnes et Environnement, 18 départements ont signé cette charte.
Pour faire vivre cette charte, il a été décidé au niveau de la Chambre d’agriculture d’Eure-et-Loir d’aller à la rencontre des riverains, directement dans leurs communes. Une première rencontre a eu lieu à Arrou (près de Châteaudun), la seconde ce jeudi 5 décembre à Tremblay-les-Villages (entre Chartres et Dreux). La prochaine est prévue à Epernon, le lundi 16 décembre.
La réunion de deux heures s’est articulée en une première partie de présentation de la réalité agricole d’aujourd’hui dans l’usage des phytosanitaires, et surtout dans un échange avec la salle, composée en l’occurrence d’une centaine de personnes, majoritairement des agriculteurs tout de même (ce que déplore l’organisation qui souhaite multiplier les échanges, de fait une réflexion existe pour accentuer les invitations des riverains), mais aussi tout de même de citoyens locaux non impliqués dans le milieu agricole.
Etienne Fourmont, qui communique habituellement sur Youtube à travers sa chaine AgriYoutuBeurre, fut ainsi mandaté pour assumer la première partie. Après les mots d’accueil de Christelle Minard (maire de Tremblay-les-Villages, issue d’une famille d’agriculteurs et agricultrice elle-même) puis d’Eric Thirouin (président de la Chambre d’agriculture d’Eure-et-Loir), il a exposé une série d’informations et d’arguments sur l’usage des phytosanitaires, sur la prise en condition du risque, sur les progrès effectués au fil des années, sur la volonté des agriculteurs d’aller dans le sens de comportements environnementaux. Aussi dynamique que dans ses vidéos, Etienne Fourmont a ainsi eu le mérite de mettre un visage d’utilisateur sur cet exposé, de poser la problématique en s’appuyant certes sur un PowerPoint informatif, mais en l’agrémentant de ses commentaires, humains, d’éleveur sarthois.
Les premiers échanges avec la salle ont mis en évidence une réticence sur l’usage des phytosanitaires, allant jusqu’à une remise en cause d’une partie des informations fournies dans la première partie, reposant sur des études sur la dangerosité « faible » des pesticides, ce qui fut donc contesté en l’occurrence. Les arguments contraires ont été échangés en toute courtoisie, un responsable de la Msa et un ancien chercheur de l’Inra apportant leurs connaissances à ce débat, dans l’esprit d’une réponse au contradicteur sans remise en cause de sa formulation.
Ce bon esprit est d’ailleurs à souligner, à aucun moment, malgré des opinions diverses, le ton ne fut élevé. Et c’est sans doute là la force de cette réunion. Elle ouvre le dialogue, elle expose des arguments, mais sans chercher à convaincre à tout prix, ce qui entrainerait des réactions d’opposition encore plus forte. Alors que là, en définitive, chacun a pu se montrer satisfait d’avoir pu exposer son point de vue.
Un consensus s’est même ouvert sur certaines pratiques, comme ajouter des haies pour limiter l’impact des pesticides au-delà du champ d’utilisation agricole. Christelle Minard a repris la parole pour exposer l’exemple de sa commune de Tremblay-les-Villages où, en prolongement de l’effort d’une productrice qui a planté une haie, le Conseil départemental (où elle est également élue) en a ajouté une.
La question du bio fut abordée à différents moments dans la discussion. L’a priori sur la solution idéale qu’il représenterait s’est atténué au fil des échanges, lorsque l’auditoire a appris que, oui le secteur est bien en forte expansion en Eure-et-Loir, mais ne représente encore qu’une infime partie de la surface agricole utile du département. Et cela, par absence de débouché, le consommateur-citoyen étant (les chiffres le démontrent) en contradiction entre ses intentions affichées lors des enquêtes et son comportement lors de l’achat.
Pour autant, si le 100 % bio fut donc écarté, si l’autre solution du « manger local » fut plutôt bien accueillie, le bio reste une solution d’avenir avec de plus en plus d’exploitations en cours de conversion. Eric Thirouin a signalé tout de même un retard de la part des services de l’Etat dans le versement des aides à la conversion, ce qui retarde la concrétisation de plusieurs projets.
Autre aspect important, les agriculteurs étaient donc nombreux dans la salle. Et on senti chez certains d’entre eux une envie de communiquer, de dire qu’ils n’étaient pas des empoisonneurs. Qu’ils ne se sentaient pas différents des autres. Une jeune productrice, se présentant comme la quatrième génération d’agriculteurs sur son exploitation, a ainsi exprimé : « Nous sommes des professionnels, nous avons besoin de vulgariser nos pratiques pour que vous compreniez ce que c’est. [elle met en cause les médias dans l’image désastreuse colportée sur les agriculteurs et les pesticides, « alors qu’ils ne font pas que ça« ]. Que nous soyons en bio ou en conventionnel, nous en arrivons à un état où nous devons justifier notre métier. Nous sommes les seuls dans ce cas. Il n’y a pas une soirée pour les maçons, pas une soirée pour les peintres. Ils n’ont pas à justifier leur métier. Alors qu’il en faut une pour les agriculteurs…«
Effectivement cette réunion répond à une problématique propre à la profession agricole, celle de son rapport avec la société remis en cause par le fait que l’usage des phytosanitaires ait été montré du doigt. Le salut est dans l’échange, les rapports humains. Remettre l’humain au coeur de toutes les discussions évitera toujours bien des problèmes…
Ci-dessous, la vidéo des échanges entre riverains et agriculteurs à Tremblay-les-Villages prise par Etienne Fourmont (AgriYoutuBeurre) et diffusée dans un premier temps en direct :
Ci-dessous, près de 100 personnes ont participé à la réunion de Tremblay-les-Villages.
Ci-dessous, Christelle Minard, maire de Tremblay-les-Villages et agricultrice.
Ci-dessous, Eric Thirouin, président de la Chambre d’agriculture d’Eure-et-Loir.
Ci-dessous, Etienne Fourmont, un « youtubeur agricole » qui devient conférencier pour l’occasion.
Ci-dessous, l’affiche de la réunion.