Le 7 avril 2022, SEMAE a réuni plus de 100 participants à l’occasion de la réunion de la filière des semences céréales à paille & protéagineux. Varenne de l’eau & Changement climatique, Cours des matières premières & impacts semences ainsi que Nouveaux usages & nouveaux marchés ont été au coeur des échanges. Jean Cordier, professeur émérite en économie à AgroCampus Ouest, en a été le grand témoin.
Thierry Momont, président de la section Céréales à paille et protéagineux de SEMAE a ouvert cette rencontre en rappelant que: “la génétique et sa diffusion sont des leviers incontournables face au dérèglement climatique, dans un contexte d’évolutions réglementaires et de tensions internationales. A ce titre, je ne peux que me féliciter du récent renouvellement de l’accord sur le financement de la recherche en céréales. Il conviendrait, également, qu’en matière de protéagineux, nous parvenions à une augmentation des moyens consacrés à l’amélioration variétale, source de compétitivité permettant de répondre aux besoins stratégiques de la France et de l’Union européenne de développer les productions de protéines végétales. Le progrès génétique doit être équitablement financé et partagé par tous.”.
Varenne de l’eau & changement climatique : adapter les pratiques agricoles
“La démarche du “Varenne de l’eau” a été particulièrement structurante et a réintroduit le terme de science dans les débats ” s’est félicitée Anne-Claire Vial, agricultrice et présidente d’Arvalis – Institut du Végétal. La mise en place du plan “France relance” et “France 2030” permettra aux instituts techniques d’accéder à des fonds de recherche avec pour principal objectif de mettre les acteurs de la recherche appliquée au contact de la recherche fondamentale et ainsi accélérer l’innovation.
Tristan Mathieu, délégué général de la FP2E (Fédération professionnelle des entreprises de l’eau) souligne l’intérêt d’une approche décloisonnée de la problématique de la gestion de l’eau. “On estime, aujourd’hui, que 20 % des eaux usées traitées peuvent être recyclées pour un usage nouveau”.
Serge Zaka, docteur en agroclimatologie, quant à lui, souligne la nécessité d’une agriculture régénératrice, d’une irrigation intelligente, connectée et préconise de modifier les pratiques culturales afin de préserver les réserves utiles en eau des sols. Cette agriculture de résilience doit être accompagnée par l’Etat. “Ce dernier doit être remis au centre des débats pour l’intérêt général” insiste Anne-Claire Vial.
Dans le cadre du Varenne de l’eau, Thierry Berlizot, Président de la section CTPS céréales à paille rappelle que “La création variétale a été intégrée comme solution nécessairement combinée à d’autres leviers. Le recours aux nouvelles techniques de recherche se fera sur la base d’une concertation multi-acteurs pour aboutir à un consensus intra-espèces et avec la société. Aujourd’hui, les axes de la recherche variétale sont principalement la résilience au stress hydrique et thermique et la gestion de nouveaux bioagresseurs”.
Cours des matières premières & impacts semences : les facteurs climatiques et géopolitiques
Sébastien Abis, directeur du Club Demeter et chercheur associé à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris) a souligné que la variable géopolitique et climatique avait des incidences fortes sur les marchés agricoles indépendamment du travail des agriculteurs et des attentes des consommateurs. Il insiste sur le fait qu’avant février 2022, la planète agricole et alimentaire n’était ni stable, ni sereine et que la guerre en Ukraine s’installe sur un terrain déjà fragilisé. “Le risque d’insécurité alimentaire est devant nous. La tension, au niveau mondial est structurelle indépendamment du contexte COVID et de la guerre russo-ukrainienne. Le réarmement de la Russie, au niveau agricole et alimentaire est à l’oeuvre depuis longtemps”. Il a ensuite apporté quelques éléments clefs de prospective : triple effet cascade du conflit actuel (géographique/sectoriel/temporel), recherche d’autonomie stratégique, capacité alimentaire au niveau européen… et rappelé que l’équilibre était encore à trouver entre la production nourricière et la gestion climatique.
“La France, premier exportateur de blé en Europe, contribue à la sécurité alimentaire mondiale. La performance et l’excellence des semences françaises doivent être plus que jamais réaffirmées. L’agriculture c’est le futur !”.
En ce qui concerne les cours des matières premières agricoles : “ils vont rester assez durablement sur des niveaux élevés à cause de la hausse des prix de l’énergie, des engrais, etc…” explique Michel Portier, directeur général d’Agritel, société de conseil sur les marchés. Etienne Regost, directeur général d’Excelience, l’un des principaux producteurs français de semences de céréales à paille, demeure, quant à lui, confiant et rappelle que l’interprofession des semences et plants a fait ses preuves en terme d’organisation et de sécurisation et est en capacité de garantir l’approvisionnement en semences.
Nouveaux usages & nouveaux marchés : les semences et plants au coeur des transitions
Le réchauffement climatique, la réduction des gaz à effet de serre sont au coeur des préoccupations de tous, consommateurs et citoyens. L’agriculture, trop souvent montrée du doigt, fait pourtant partie intégrante de la solution, notamment à travers la captation du carbone ou la méthanisation. Selon Julien Bournaison, agriculteur et président d’EUROSEM, “il est nécessaire de procéder à une analyse, à l’échelle du territoire de ce qui fonctionne en matière de captation de carbone. Cela va de l’augmentation des couverts produisant plus de biomasse au développement des cultures associées”. Nicolas Dagorn, ingénieur R&D Bioressources chez Arvalis, rappelle qu’il existe un certain nombre de projets au niveau du territoire français permettant de concilier production alimentaire et production d’énergie (méthanisation). “Il faut développer des cultures intermédiaires à vocation énergétiques (CIVE) comme le seigle, les triticales, l’avoine ou l’association de légumineuses, évaluer la place qu’elles peuvent prendre et choisir la meilleure espèce pour produire de la biomasse”. Enfin, en matière de production de protéines végétales, destinées à l’alimentation humaine, selon Vincent Béguier, directeur général d’Agri-Obtention, les filières de légumineuses en cours de structuration, telles que FILEG ou LEGGO y ont toute leur place. “La plante est l’avenir de l’homme, donc il faut la travailler. La biologie est la science de demain. L’interprofession a la responsabilité de concilier le court et le long terme” a conclu Jean Cordier. A l’issue de cette matinée d’échanges, Thierry Momont déclare : “Nous sommes à l’écoute des attentes sociétales : manger à un prix raisonnable est un droit, sécuriser l’approvisionnement en semences est un devoir. A la société de nous aider à y répondre en contribuant à la création variétale”.