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Redécoupage des cantons, « pas de politique à la hauteur des enjeux du territoire »

Christophe Hillairet, président de la Chambre d’agriculture d’Ile de France, pousse un coup de gueule sur le redécoupage des cantons tel qu’il se présente en Ile-de-France. Il développe ses arguments en faveur de la reconnaissance des territoires dans une interview exclusive pour WikiAgri.

La Chambre d’agriculture que vous présidez vient de publier deux communiqués sur le redécoupage des cantons tel qu’il est prévu en Ile de France. D’où vient cette inquiétude ?

C.H. : « Première précision, le constat que je fais pour la région est aussi valable ailleurs en France, partout où se pose la question de la gestion des territoires périurbains. Le redécoupage des cantons tel qu’il est souhaité aujourd’hui prend uniquement en compte la population, et oublie totalement toute notion territoriale. C’est-à-dire que dans un Conseil général, on va avoir 50 à 60 élus urbains pour 5 ou 6 seulement qui représenteront les trois quarts du département. Nous sommes en train d’adopter pour les conseils généraux le système qui prévaut chez les députés. Il y a une centaine de députés en Ile-de-France et seulement deux ou trois dans certains départements ruraux.

Quel est le risque pour l’agriculture ?

C.H. : Ce n’est pas seulement l’agriculture qui est en jeu, mais la ruralité entière. C’est très large. La voix de la ruralité, et de ses problématiques, à l’intérieur des conseils généraux va se faire très rare. Quand on a 10% des élus seulement qui représentent la majorité du territoire, avec son économie et ses besoins, ces derniers ne sont plus ressentis comme prioritaires. Prenons l’exemple du grignotage des terres pour l’agriculture, nous avons des demandes très précises en la matière afin de maintenir une activité agricole sur les territoires : comment pourrons-nous les faire valoir avec une représentativité politique aussi faible ? Notre voix ne sera plus entendue. C’est grave.

« Les maires ruraux lorgnent vers les départements limitrophes »

Les négociations sur ce redécoupage des cantons sont en cours, que peut-il se passer ?

C.H. : Je sais que certains maires ruraux d’Ile-de-France lorgnent vers les départements voisins. Par exemple, ceux des Yvelines vers l’Eure-et-Loir. Car en Eure-et-Loir, la densité urbaine est moins forte, donc le critère unique de la population est davantage dilué, avec un pourcentage plus élevé d’élus représentants la ruralité. Mais est-ce cela que l’on veut, limiter l’Ile-de-France à ses villes et rattacher toutes les zones rurales aux départements limitrophes ?

Et plus politiquement ?

C.H. : Je vais vous dire, j’ai des interlocuteurs à droite comme à gauche, car cela fait partie de mon job de sensibiliser les élus quels qu’ils soient aux problématiques agricoles. Hé bien en ce moment, des deux côtés, ce n’est pas fameux. La gauche propose un redécoupage avec comme unique critère la population ; la droite est contre, mais uniquement parce que les nouvelles lignes la défavorisent par rapport à son électorat. Il n’y a pas de politique à la hauteur des enjeux du territoire. C’est désolant.

Avez-vous des exemples précis ?

C.H. : Prenez Patrick Devedjian, président du Conseil général des Hauts-de-Seine, il souhaite un rapprochement avec les Yvelines, parce que les deux départements ont des sensibilités politiques voisines (Ndlr : à droite) et que leurs populations sont comparables en termes de niveau de vie. Et il le fait en disant qu’il espère ainsi récupérer en Yvelines le foncier dont il a besoin pour étendre ses projets urbains. Alors là, je dis stop ! Non, M. Devedjian, le foncier des Yvelines n’est pas « libre » d’office, sans consultation de ceux qui l’occupent ! Votre information est très relative, et je suis prêt à vous le rappeler le moment venu.

« Des territoires avec des parties périurbaines et rurales, pas selon des choix politiciens »

Dès lors, que proposez-vous dans le débat sur le redécoupage des cantons en Ile-de-France ?

C.H. : Que l’on prenne en compte les territoires, tels qu’ils existent, et non le seul critère de la population. Et encore moins les choix tactiques de politique politicienne. Que l’on regarde la métropole dans son ensemble. Aujourd’hui, regardez, on veut séparer à tout prix l’Essonne, qui est à gauche, des Yvelines, qui sont à droite. Pour cette raison de différence politique. Alors qu’en termes de territoires, les problématiques de ces deux départements sont relativement semblables. On n’a peut-être d’ailleurs pas grand-chose à inventer, mais simplement à regarder notre histoire : en 1969 on avait Seine-et-Oise d’un côté et Seine-et-Marne de l’autre, là on tenait compte des territoires, avec des parties très périurbaines, d’autres très rurales, et donc le moyen de respecter et de s’intéresser à chacune.

Et comment espérez-vous faire entendre votre voix ?

C.H. : On m’a déjà proposé un rôle politique mais je préfère être là où je suis. Je fais partie du bureau de l’APCA (Ndlr : assemblée permanente de chambres d’agriculture, soit l’instance nationale qui gère les chambres d’agriculture), je siège au Conseil économique et social européen, là je peux émettre mon avis. Je rêve de voir un politique qui « rentre dans le lard » et remette les choses en place sans compromission. Ce n’est pas le cas aujourd’hui, ni à gauche, ni à droite.« 

 

En savoir plus : http://www.ile-de-france.chambagri.fr/index.php?page=communiques_presse (les communiqués de presse de la Chambre d’agriculture d’Ile-de-France).

Ci-dessous : portrait de Christophe Hillairet fourni par la Chambre d’agriculture d’Ile-de-France.

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