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Réchauffement climatique – En 2050, le Kazakhstan ne sera plus le grenier à blé d’Asie centrale

Le réchauffement climatique affectera les conditions de cultures au Kazakhstan. Dans moins de vingt ans, le pays ne fera plus partie des grands pays exportateurs de blé de la planète. Il n’aura plus les moyens d’approvisionner ses voisins d’Asie centrale en céréales.

Les très bonnes années, le Kazakhstan produit jusqu’à 24 millions de tonnes (Mt) de céréales dont (18 Mt du blé et 3 à 5 Mt d’orges) et en exporte près de la moitié (10-11 Mt de blé 1 -2 Mt d’orges). Les rendements ne dépassent pas 1,5 tonne de grains par hectare. Mais les années de sécheresse, la production de céréales du pays est inférieure de moitié. Le Kazakhstan est alors contraint de se replier sur son marché intérieur.

En 2022, il avait même importé 2 Mt de blé russe et instauré un moratoire sur ses exportations, ce qui avait plongé le Tadjikistan et le Kirghizstan, ses voisins, dans le chaos. L’inflation des prix à la consommation avait alors généré des soulèvements populaires sanglants dans toute la région. Le régime alimentaire des populations repose en grande partie sur la consommation de céréales.

Dans l’urgence, certains pays d’Asie centrale comme le Kirghizstan ont diversifié leurs sources d’approvisionnement mais le Tadjikistan continue à se reposer sur son voisin kazakh pour se fournir en blé.

Le Kazakhstan est peuplé de 19 millions d’habitants et est étendu sur 2,48 millions de kilomètres carré (5 fois la France environ). Il partage ses frontières au nord et à l’ouest avec la Russie. A l’Est, la Chine est sa principale voisine. Au sud, il côtoie la quasi-totalité des ex-républiques de l’Union soviétiques en « Tan », regroupés comme lui au sein de la Communauté des Etats indépendants. Enfin, la Mer Caspienne lui donne accès à l’Iran et à l’Azerbaïdjan.

Au fil du temps, la position centrale du Kazakhstan est devenue un atout. Ses voisins sont tous des pays importateurs de céréales, la Russie mise à part.

L’Iran achète chaque année entre 2 et 4 Mt de blé et environ 1,5 Mt d’orges à la Russie et au Kazakhstan. Et les  pays voisins en « Tan » de la CIE se font livrer jusqu’à 9 Mt de grains. L’Afghanistan importe aussi du blé kazakh, en partie sous forme de farine, car sa production est insuffisante. Toutes origines confondues, Kabul importe l’équivalent de 4 Mt de grains.

Parmi tous ces pays, seul l’Iran importe massivement du maïs chaque année (9 Mt). Ailleurs, la région ne se prête pas vraiment à la culture de cette céréale.

L’ensemble de ces importations de céréales pallient les productions structurellement déficitaires de ces pays d’Asie centrale et d’Orient pour des raisons démographiques (l’Iran) ou par choix.

Une dépendance risquée

Selon Michael Levystone, auteur de l’article « Réveil d’Asie centrale : conformer ou disparaître » paru dans le Démeter 2024 (1), le Tadjikistan et le Kirghizstan ont préféré se consacrer à la culture de denrées agricoles à forte valeur ajoutée : melons, abricots, oignons et tomates pour le premier, pommes de terre, betteraves à sucre, haricots, produits laitier pour le second, et s’en remettre au Kazakhstan pour pourvoir à leurs besoins en céréales.

Or cette stratégie s’avère de plus en plus risquée. Dans les années à venir, les conditions de cultures de la campagne 2022 sont appelées à devenir la norme.

« Les experts de PNUD s’attendant à ce que les régions du nord du Kazakhstan voient leur production de blé se réduire d’un tiers dès les années 2030 et même 50 % en 2050 », explique encore le contributeur du Demeter 2025.

Dans le sud du pays, où les cultures sont irriguées, le changement climatique réduira les aires de pâturage du pays de 10 % d’ici 2030 puis 15 % vers 2050, selon le contributeur.  La demande supplémentaire de 10 % à 14 % en eau des cultures irriguées attendue à l’horizon de 2050 pourrait ne pas être satisfaite.

Ces baisses de production affecteront les capacités d’exportations du Kazakhstan. Aussi, le pays dédiera l’essentiel de sa récolte à son marché intérieur (environ 9-10 Mt de grains). Au sud, ses cultures irriguées, fruitières et fourragères, seront  aussi affectées par des baisses de rendements. Les zones semi-désertiques et désertiques s’étendront.

Un réchauffement bien plus prononcé

L’Ouzbékistan (35 millions d’habitants), le pays le plus peuplé d’Asie centrale, enregistra un déficit de productivité de 41 % à 57 % pour le blé, rapporte Michael Levystone. Mais aussi de 39 à 63 % pour les pommes et de coton, une activité majeure de ce pays.

En fait l’Asie centrale sera victime d’un réchauffement du climat bien plus prononcé qu’à l’échelle mondiale avec des températures qui  pourraient augmenter jusqu’à 4,7°C d’ici 2050.

En fondant, les principaux glaciers montagneux du Kirghizistan et d’Ouzbékistan apporteront dans un premier temps des inondations puis une baisse des débits des fleuves qui y prennent leurs sources. L’Asie centrale deviendra alors une région en danger.

De 10 % à 15 % d’ici 2050, la baisse du débit du fleuve Syr-Daria, qui traverse  le Kazakhstan, pourrait atteindre 50 % les décennies suivantes. Sur l’Amou-Daria qui s’écoule au Turkménistan et en Ouzbékistan, le recul attendu atteindrait 40 %.  La mer d’Aral ne sera plus qu’un souvenir. Les tempêtes de sable s’accentueront.

En 2100, le Kirghizstan sera recouvert de zones arides sur plus d’un quart de son territoire. Or les deux tiers de la population résident en zone rurale et vivent de l’agriculture (40 % de la population active).  Aussi, le changement climatique va appauvrir la population et déstabiliser le pays. Le Tadjikistan est dans le même cas de figure. 

 « L’aggravation des sécheresses fait craindre aux experts de la banque mondiale l’apparition dans une région où le phénomène migratoire reste encore essentiellement dicté par des impératifs professionnels, de quelque 5 millions de migrants climatiques d’ici 2050», relate Michael Levystone. Un chiffre qui pourrait être bien supérieur puisque 12 millions de personnes habitent à ce jour dans les zones sujettes à de forts risques de sécheresse. Or la population en Asie centrale aura atteint la centaine de million d’habitants contre 75 millions actuellement. 

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