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Quelle politique agricole pour l’administration Trump ?

On connaît désormais les acteurs-clefs de la politique agricole d’une administration Trump qui se veut « pro-agriculture ». Mais cela ne rassure pas pour autant les agriculteurs américains qui s’inquiètent de son orientation protectionniste et anti-immigrées.

Aux Etats-Unis et ailleurs dans le monde, la politique agricole qui sera suivie par l’Administration Trump, avec notamment le Farm Bill, c’est-à-dire la loi-cadre agricole qui devrait être adoptée en 2018, suscitent une grande curiosité, une attente pour certains, des interrogations pour d’autres, enfin des craintes pour les derniers.

L’administration Trump, qui est entrée en fonction le 20 janvier dernier, est sans aucun doute l’une des administrations américaines récentes les plus tournées vers le monde agricole et ses préoccupations. Durant la campagne, Donald Trump avait d’ailleurs annoncé que son administration serait « pro-agriculture ».

Les agriculteurs et plus largement le monde rural ont été, en effet, l’une des principales bases de l’électorat de Donald Trump au mois de novembre dernier. Le basculement d’un certain nombre de Swing states dans lesquels il existe un important secteur agricole, comme l’Iowa, la Caroline du Nord et le Wisconsin, a expliqué en grande partie sa victoire finale.

Les agriculteurs semblent avoir été séduits par le discours du magnat de l’immobilier. Celui-ci leur a expliqué, en particulier dans un discours prononcé le 27 août 2016 justement dans l’Iowa, que « les familles d’agriculteurs sont la colonne vertébrale de ce pays » et leur a promis de « mettre fin à cette guerre menée contre l’agriculteur américain » en réduisant leurs impôts et la réglementation, notamment sur l’eau, de l’Agence américaine de protection de l’environnement (EPA), dont, d’après lui, « les réglementations ont été une catastrophe totale ». Ces dernières années, l’EPA est, en effet, devenue quelque peu la bête noire de nombreux agriculteurs. Donald Trump a d’ailleurs nommé à sa tête Scott Pruitt, l’un de ses plus virulents opposants. Cet ancien procureur général de l’Oklahoma est souvent considéré comme un climatosceptique et a surtout été un opposant notoire à l’activisme de l’agence américaine et plus largement aux réglementations environnementales de l’Administration Obama. En tant que procureur général de l’Oklahoma, Scott Pruitt a ainsi attaqué l’EPA en justice près d’une quinzaine de fois.

Les agriculteurs s’interrogent néanmoins car au-delà de la politique agricole annoncée, les politiques commerciale et migratoire de l’Administration Trump ne les rassurent pas. Cette dernière semble être, en effet, tiraillée entre des orientations souvent contradictoires, notamment sur la question du libre-échange. L’une des principales questions qui va se poser à son propos sera de savoir quelle orientation va l’emporter : l’orientation pragmatique et réaliste, susceptible de satisfaire les revendications des agriculteurs et des organisations agricoles professionnelles, ou bien l’orientation idéologique et populiste, visant à répondre aux préoccupations de l’électorat de Donald Trump, en particulier des régions économiquement sinistrées et des zones rurales ?

Une administration à forte connotation agricole

Donald Trump est un citadin qui s’est très peu prononcé sur les questions agricoles et de ruralité durant sa campagne présidentielle et qui y fait peu référence dans ses discours depuis son entrée en fonction. Ainsi, il n’a fait aucune référence à l’Amérique rurale, à l’agriculture ou encore au Farm Bill dans son discours inaugural le 20 janvier 2017 ou dans son premier discours au Congrès le 28 février.

Il a su néanmoins s’entourer de spécialistes et d’élus jugés plutôt crédibles par la profession en mettant en place en août 2016 un Comité consultatif sur l’agriculture et la ruralité composé de 65 membres et qui comptait notamment en son sein les présidents des commissions agricoles du Sénat et de la Chambre des représentants, ainsi que dix gouverneurs ou anciens gouverneurs. Il a ensuite nommé à des postes-clefs de son cabinet des personnalités estimées dans le monde agricole, telles que Mike Pence à la vice-présidence, Sonny Perdue au poste de secrétaire à l’Agriculture et Ray Starling à celui d’assistant du président pour l’agriculture, le commerce et l’aide alimentaire.

Avant d’être vice-président des Etats-Unis, Mike Pence a été un élu de l’Indiana, un important Etat agricole, qui se situe dans ce que l’on appelle outre-Atlantique le Corn Belt (« la région du maïs ») et le Grain Belt (« la région céréalière »). Il en a été d’abord un représentant à la Chambre des représentants, de 2001 à 2013, puis le gouverneur, de 2013 à janvier 2017. Mike Pence est connu pour être un grand défenseur de l’agriculture. Il a été, par exemple, membre de Commission de l’agriculture de la Chambre des représentants de 2001 à 2007. D’ailleurs, Don Villwock, l’ancien président du syndicat agricole Indiana Farm Bureau qui faisait lui-même partie des favoris pour le poste de secrétaire à l’Agriculture, a expliqué en juillet 2016 dès la nomination de Mike Pence en tant que candidat à la vice-présidence qu’« il est véritablement le candidat rêvé pour l’agriculture ».

Mike Pence, qui avait soutenu, dans un premier temps, le candidat ultraconservateur Ted Cruz lors des primaires des républicains avant d’être nommé par Donald Trump, est un ardent défenseur des accords de libre-échange à la différence notable des positions du président. Dans une lettre envoyée à la délégation du Congrès de l’Indiana en avril 2015, il défendait les négociations commerciales devant aboutir à l’Accord de partenariat transpacifique (Trans-Pacific Partnership-TPP) et au Partenariat transatlantique pour le commerce et l’investissement avec l’Union européenne (Transatlantic Trade and Investment Partnership-T-TIP). Néanmoins, on le sait, dès le 23 janvier, le tout nouveau président Donald Trump a annoncé qu’il mettait fin à la participation des Etats-Unis au TPP, qui avait été signé en 2015 par l’Administration précédente et, au total, par douze Etats de la zone Asie-Pacifique, dont l’Australie, le Canada, le Japon, la Malaisie, le Mexique ou le Vietnam.

Une autre personnalité-clef pour l’agriculture dans le cabinet de Donald Trump est bien entendu le Secrétaire à l’Agriculture qui est à la tête du département de l’Agriculture (USDA), l’équivalent du ministère de l’Agriculture en France. Il s’agit de l’un des plus gros départements fédéraux aux Etats-Unis avec un budget de l’ordre de 155 milliards de dollars et des effectifs de près de 100 000 personnes.

Donald Trump a nommé à ce poste le gouverneur de Géorgie Sonny Perdue, qui est lui aussi proche des milieux agricoles. Fils d’un agriculteur de Géorgie et docteur en médecine vétérinaire, il est entré en politique en tant que sénateur démocrate avant de passer dans le camp républicain à partir de 1998. Il a été sénateur de Géorgie de 1991 à 2001, puis gouverneur de l’Etat de 2003 à 2011. A ce titre, en 2002, il a été le premier gouverneur républicain de la Géorgie depuis 1871, soit depuis la période dite de Reconstruction suite à la guerre de Sécession. A partir de 2011, il a été également à la tête de Perdue Partners, une entreprise de conseil et de services en matière d’exportations de produits agricoles et alimentaires. Il est également le propriétaire de deux autres entreprises de commercialisation de céréales et de produits phytosanitaires, AGrowStar et Houston Fertilizer and Grain Co.

Il connaît par conséquent très bien les questions agricoles. Il est considéré comme proche de l’agrobusiness et de l’industrie des biotechnologies, ce que l’on appelle Big Ag aux Etats-Unis. Il a été d’ailleurs nommé gouverneur biotech de l’année en 2009. Il est également connu pour être un partisan du commerce international, comme l’a montré l’activité de son entreprise Perdue Partners, mais aussi un climatosceptique manifestant peu d’intérêt pour les questions environnementales, notamment pour la pollution de l’eau, et enfin, de façon plus anecdotique, pour avoir appelé plusieurs centaines de personnes à prier devant le bâtiment du Capitole de la Géorgie (où se trouve le bureau du gouverneur)… afin de faire revenir la pluie lors d’une terrible période de sécheresse dans l’Etat.

Sonny Perdue a conseillé Donald Trump sur les questions agricoles tout au long de la campagne présidentielle. Sa nomination a été bien accueillie par les sénateurs des Etats agricoles, en premier lieu les sénateurs républicains, mais aussi, par exemple par la sénatrice démocrate du Dakota du Nord Heidi Heitkamp. Il est également le premier secrétaire à l’Agriculture à venir du Sud des Etats-Unis depuis plus de deux décennies, alors que ce poste est généralement occupé par des personnes originaires du Midwest. Les trois derniers secrétaires à l’Agriculture venaient ainsi de l’Iowa, du Dakota du Nord et du Nebraska.

Enfin, la nomination de Ray Starling au poste d’assistant du président pour l’agriculture a été également saluée par une partie importante de la profession agricole aux Etats-Unis. Fils d’un éleveur de porcs de Caroline du Nord qui est toujours en activité, il a grandi dans une ferme, a obtenu un diplôme agricole, a exercé précédemment plusieurs fonctions liées à la politique agricole de l’Etat et a été professeur d’université. Ainsi, selon le président du National Pork Producers Council (NPPC, littéralement le Conseil national des producteurs de porcs), « en choisissant un vrai champion de l’agriculture américaine pour servir dans le rôle clef de conseil, le président Trump envoie un signal clair de son engagement à remettre en cause les réglementations inutiles empêchant les producteurs de porcs et d’autres agriculteurs américains de faire ce qu’ils font de mieux : fournir le monde en nourriture la plus nutritive, la plus abordable et la plus abondante possibles ».

Accueil mitigé des agriculteurs vis-à-vis des premières décisions de Trump

A l’instar d’autres secteurs économiques, le monde agricole a été séduit par la perspective de voir les impôts et la réglementation diminuer. Fin février, il a d’ailleurs bien accueilli la remise en cause par le président Trump de la réglementation Wotus (pour Waters of the US) de l’EPA mise en place par l’administration Obama. Celle-ci était très controversée aux yeux des agriculteurs car elle était vue comme un empiètement fédéral insupportable de leur point de vue dans les droits de propriété privée. En 2016, le Sénat et la Chambre des représentants à majorité républicaine avaient déjà voté en faveur de la remise en cause de cette réglementation, mais le président Obama avait alors opposé son veto.

Ce même monde agricole se montre cependant beaucoup plus sceptique, voire inquiet vis-à-vis des décisions de l’administration Trump sur l’immigration, en particulier l’annonce de la construction prochaine d’un mur à la frontière avec le Mexique, et sur le libre-échange, avec le retrait du TPP (Trans-Pacific Partnership, avec les pays de part et d’autre du Pacifique, tels l’Australie, la Nouvelle-Zélance, la Malaisie, le Chili…) et l’annonce d’une renégociation de l’Accord de libre-échange nord-américain (Alena) avec le Canada et le Mexique, qui devrait porter notamment sur les questions agricoles comme le suggère un rapport de la Banque nationale du Canada publié fin janvier 2017. Celui-ci estimait, en effet, que « l’administration Trump a récemment annoncé qu’elle enverra une demande officielle au Canada et au Mexique en vue de renégocier l’Alena. Les points les plus litigieux entre le Canada et les Etats-Unis concerneront probablement l’agriculture et le bois d’œuvre ».

Cette position ambivalente d’une partie de la profession agricole vis-à-vis de la politique de l’administration Trump était déjà perceptible dès le début de la campagne présidentielle. Lors de la réunion annuelle des membres de l’American Farm Bureau début 2016, le principal syndicat agricole américain, qui compte environ 6 millions de membres, appelait à une réforme de la réglementation sur la gestion des eaux (Wotus). En même temps, il dénonçait, par l’intermédiaire de son président d’alors Bob Stallmann, la position de « repli sur soi » défendue par Donald Trump qui n’était à ce moment-là que candidat aux primaires républicaines en mettant en avant la nécessité d’exporter et en soutenant l’adoption du TPP. L’American Farm Bureau défendait également une réforme de la réglementation sur l’immigration afin que les agriculteurs puissent accueillir de façon durable des travailleurs immigrés. Le syndicat est d’ailleurs opposé à l’idée de construction d’un mur à la frontière mexicaine. En clair, les agriculteurs revendiquaient alors moins de réglementations, mais plus de débouchés à l’exportation et une plus grande sécurité dans l’emploi de migrants sur les exploitations, en particulier de fruits et de légumes et dans l’industrie laitière.

Tout au long de la campagne présidentielle, la plupart des candidats se sont opposés au TPP, y compris Hillary Clinton qui l’avait pourtant soutenu lorsqu’elle était secrétaire d’Etat sous l’Administration Obama et alors même qu’en 2012, le parti républicain estimait que la signature du TPP devait être une priorité. Dans un tel contexte, de nombreuses associations professionnelles agricoles (comme les producteurs de viandes ou le secteur laitier) ont milité en faveur d’une adoption rapide du traité. Celle-ci leur apparaissait d’autant plus nécessaire que l’United States International Trade Commission (USITC) estimait dans une étude publiée en 2016 que les secteurs agricole et agroalimentaire seraient les principaux bénéficiaires du traité, en facilitant en particulier l’accès aux marchés du Japon et du Vietnam alors que ceux-ci sont protégés par des droits de douane élevés. C’est la raison pour laquelle, en dehors du syndicat agricole minoritaire National Farmers Union (NFU), la plupart des autres acteurs du monde agricole ont été déçus de l’abandon du TPP par l’administration Trump.

Plus récemment, le lobbying du monde agricole en faveur du libre-échange a été également intense. Ainsi, le 6 janvier 2017, 16 associations professionnelles agricoles, dont l’American Farm Bureau et les associations de producteurs de soja et de maïs, ont adressé un courrier à Donald Trump en tant que président-élu pour lui rappeler que la remise en cause des exportations agricoles américaines vers la Chine, le Canada et le Mexique serait catastrophique pour l’agriculture du pays : « un revenu agricole positif ne serait pas possible sans l’accès à des marchés étrangers, la promotion du commerce et des accords commerciaux ».

Le 23 janvier, 133 organisations et entreprises agricoles ont également envoyé une lettre au président américain pour défendre l’Alena, tout en soulignant l’existence de barrières aux exportations américaines. La plupart des associations professionnelles agricoles ne sont pas opposées au principe d’une renégociation de l’Alena, mais à condition d’en préserver un certain nombre d’acquis alors que les exportations agricoles américaines vers le Canada et le Mexique ont quadruplé depuis 1993.

Enfin, dans une lettre du 12 janvier, différents groupes, dont l’American Farm Bureau, ont également exercé une pression en faveur du développement des exportations agricoles américaines en direction de Cuba afin que l’Administration Trump ne remette pas en cause l’amélioration des relations entre Washington et La Havane que l’on a pu connaître sous l’Administration Obama. Ce marché potentiel apparaît d’autant plus important que Cuba importe 80 % de son alimentation.

Ces inquiétudes relatives à la politique commerciale de l’administration Trump s’expliquent assez aisément. Même si seulement 20 % de la production agricole américaine est exportée, certains secteurs spécifiques sont très dépendants des exportations. C’est le cas du coton (70 %), des fruits à coques (70 %), du soja (> 60 %), du riz (> 50 %) ou du blé (> 50 %). Il n’est donc pas étonnant, par exemple, que l’Association américaine du soja (American Soybean Association) soit particulièrement inquiète de l’évolution de la politique commerciale de la nouvelle administration américaine. La grande crainte des agriculteurs américains est que le retrait du TPP, une renégociation de l’Alena et des tensions commerciales potentielles avec la Chine provoquent des « guerres commerciales » avec les Etats qui sont les principaux partenaires commerciaux des Etats-Unis sur le plan agricole, à savoir la Chine, le Canada et le Mexique, et donc une restriction des débouchés pour les exportations agricoles américaines.

Or, ceci apparaît d’autant plus préoccupant pour les agriculteurs américains que la situation du secteur agricole aux Etats-Unis est déjà compliquée depuis quelques années comme l’a bien rappelé un article du Wall Street Journal du 9 février dernier. Une baisse des revenus agricoles est ainsi anticipée pour 2017, et ce, pour la quatrième année consécutive, ce qui est sans précédent depuis la Grande dépression des années 1930. Le nombre d’exploitations, qui était de 6 millions en 1945, atteint un peu plus de 2 millions en 2015. La part de marché des exportations américaines de céréales est passée de 65 % au milieu des années 1970 à 30 % aujourd’hui. Les données fournies par l’USDA confirment les difficultés de l’agriculture américaine. Les exportations agroalimentaire des Etats-Unis ont baissé de près de 20 % entre 2014 et 2016 et l’année dernière, le solde commercial a atteint son plus bas niveau depuis 2006. Le revenu agricole net aurait baissé d’un peu plus de 17 % entre 2015 et 2016 pour atteindre son plus bas niveau depuis 2009. Enfin, à l’instar de la situation française, une étude menée en 2012 montre que les agriculteurs sont la profession où les taux de suicide sont les plus élevés.

A l’instar de la politique commerciale, la politique migratoire de l’administration Trump fait également l’objet d’inquiétudes de la part des agriculteurs américains. De nombreux secteurs agricoles ont, en effet, besoin d’une importante main-d’œuvre immigrée alors que les Américains sont peu intéressés par l’idée de travailler dans le secteur agricole. C’est le cas en particulier pour la viticulture, l’arboriculture, le maraîchage ou encore le secteur laitier. Selon certaines estimations, entre 1,5 et 2 millions de migrants illégaux travailleraient ainsi chaque année dans l’agriculture américaine, notamment en Californie. 70 % des salariés agricoles aux Etats-Unis seraient nés à l’étranger, en particulier au Mexique. En 2014, l’American Farm Bureau avait d’ailleurs commandé une étude sur l’impact pour l’agriculture américaine d’une fermeture des frontières aux migrants. Elle concluait qu’une telle fermeture constituerait un facteur de baisse de la production céréalière (de -3 %), de viande (-27 %), de légumes (-31 %) et de fruits (-61 %) ; d’accroissement des coûts et de baisse du revenu net des agriculteurs (de 30 à 40 %) ; et d’accroissement du prix de l’alimentation pour le consommateur américain (de 5 à 6 %). La Fédération nationale des producteurs de lait estime également de son côté que le prix du lait pourrait doubler sans travailleurs immigrés, ceux-ci contribuant à 80 % de la production de lait aux Etats-Unis.

En définitive, aux yeux de la profession, sans débouchés pour les exportations et sans main-d’œuvre immigrée, l’avenir de l’agriculture américaine serait menacé. C’est dans un tel contexte incertain que se profile la perspective de renouvellement du Farm Bill en 2018. A ce stade, il y a encore peu de visibilité sur ce que pourrait être son contenu, d’autant que Donald Trump y a peu fait référence dans ses discours jusqu’à présent.

Il existe néanmoins quelques certitudes. La première est que le Farm Bill est une attribution du Congrès et non de la Maison Blanche. En 2008, par exemple, le Congrès a passé outre le veto de George W. Bush sur le Farm Bill. En clair, le Farm Bill de 2018 ne sera donc pas uniquement influencée par Donald Trump et son administration. Cette loi-cadre sera également le fruit de longues et de difficiles négociations entre les différentes parties prenantes. Compte tenu des contraintes budgétaires, il paraît aussi évident que les montants alloués au monde agricole ne devraient pas augmenter. Enfin, Donald Trump, durant la campagne électorale, avait dit vouloir renforcer les dispositifs assurantiels dont bénéficient les agriculteurs américains. On doit noter également que l’American Farm Bureau a décidé lors de son dernier Congrès début 2017 de soutenir le principe de conditionnalité environnementale pour l’obtention de subventions instauré dans le Farm Bill 2014, même si le syndicat était initialement divisé sur le sujet.

Quel impact cela peut-il avoir pour les agriculteurs français ? A ce stade, il est bien entendu très difficile de le savoir. La politique de Donald Trump pourrait avoir à première vue deux conséquences plutôt positives pour les agriculteurs français avec la suspension des négociations sur le traité de libre-échange transatlantique, auquel ils s’opposaient en masse, et une éventuelle levée des sanctions vis-à-vis de Moscou et donc de l’embargo russe sur les importations agricoles et agroalimentaires, qu’ils appellent de leurs vœux.

Mais, au-delà, il ne faut pas se faire beaucoup d’illusions sur ce que l’on peut attendre de l’Administration Trump qui va défendre bec et ongles les intérêts des agriculteurs américains au nom du principe édicté par le président américain lors de son discours inaugural : « nous suivront deux règles simples : acheter américain et embaucher américain ».

On peut ainsi supposer qu’à un moment donné, l’Union européenne sera dans l’œil du cyclone trumpien, ce qui ne semble pas être le cas pour le moment, compte tenu du déficit commercial agricole important des Etats-Unis vis-à-vis de l’UE. Il s’élevait à 12 milliards de dollars en 2015, alors que les exportations américaines à destination de l’UE ont diminué entre 2014 et 2015. L’Administration Obama se plaignait déjà des restrictions d’accès au marché et des barrières tarifaires des Européens. On peut imaginer que l’Administration Trump en fasse l’un de ses chevaux de bataille à un moment ou à un autre. Dans un tel contexte, il est évident que de telles négociations commerciales ne seront pas faciles à mener pour les Européens. En outre, la politique menée par l’administration Trump pourrait avoir un impact indirect sur l’agriculture française ne serait-ce qu’en termes d’évolution du taux de change dollar-euro ou des taux d’intérêt (en l’occurrence à la hausse). Enfin, le contenu du prochain Farm Bill pourrait éventuellement avoir aussi un impact sur la façon dont les politiques agricoles et en particulier la PAC pourraient évoluer dans les prochaines années, comme c’est souvent le cas.
 

Sur le même sujet : https://wikiagri.fr/articles/y-aura-t-il-un-effet-trump-sur-lagriculture-mondiale-/12907 (vidéo).

En savoir plus : www.wikiagri.fr/articles/donald-trump-a-obtenu-le-soutien-massif-des-agriculteurs-americains/11349 (article publié dans la rubrique « Réflexions » de Wikiagri.fr consacré au vote des agriculteurs à l’élection présidentielle américaine de novembre 2016) ; www.politico.com/story/2016/08/full-text-trump-227472 (discours prononcé par Donald Trump le 27 août 2016 dans l’Iowa qui était consacré à l’agriculture) ; www.agri-pulse.com/articles/7269-trump-vp-pick-draws-rave-reviews-from-agriculture (source de la citation de Don Villwock sur Mike Pence) ; www.agri-pulse.com/ext/resources/pdfs/g/o/v/d/e/Governor_Pence_Letter_to_Congressional_Delegation_Regarding_Trade.pdf (lettre envoyée par Mike Pence à la délégation du congrès de l’Indiana en avril 2015) ; www.wattagnet.com/articles/29971-trump-names-starling-special-assistant-for-agriculture?v=preview (source de la citation du président du National Pork Producers Council à propos de Ray Starling) ; www.bnc.ca/content/dam/bnc/fr/taux-et-analyses/analyse-economique/geopolitiquebref_31jan2017.pdf (rapport de la Banque nationale du Canada sur l’Alena) ; http://fr.franceintheus.org/IMG/pdf/flash_agri_zone_alena_213_.pdf (source des informations sur la réunion annuelle de l’American Farm Bureau de début 2016) ; www.usitc.gov/publications/332/pub4607.pdf (étude de l’United States International Trade Commission-USITC sur le TPP) ; www.nmpf.org/files/Letter%20to%20Trump%20Administration%20on%20Trade%20–%20Final.pdf (lettre de 16 associations professionnelles à Donald Trump et Mike Pence) ; http://corn.org/wp-content/uploads/2017/01/North-America_FoodAG-Letter_Pres.Trump_170123-FINAL.pdf (lettre de 133 organisations et entreprises agricoles au président Trump) ; https://soygrowers.com/wp-content/uploads/2017/01/Cuba-letters.pdf (lettre de groupes agricoles au président Trump sur Cuba) ; www.wsj.com/articles/the-next-american-farm-bust-is-upon-us-1486572488 (article du Wall Street Journal du 9 février 2017 sur la situation des agriculteurs aux Etats-Unis) ; http://fr.franceintheus.org/spip.php?article1824 (source des données de l’USDA mentionnées dans l’article sur la situation actuelle de l’agriculture aux Etats-Unis) ; www.fb.org/files/AFBF_LaborStudy_Feb2014.pdf (étude de l’American Farm Bureau sur l’impact pour l’agriculture américaine d’une fermeture des frontières aux migrants) ; http://edition.cnn.com/2017/01/20/politics/trump-inaugural-address/ (discours inaugural de Donald Trump).
 

Notre illustration ci-dessous est issue du site Fotolia, lien direct : https://fr.fotolia.com/id/112577222

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