La maîtrise de la dérive a longtemps reposé sur le respect des conditions d’application, dont la vitesse du vent, et le recours à la buse adaptée. Mais les technologies de guidage de rampe ouvrent un nouveau champ d’optimisation.
Définie comme la quantité de produit phytopharmaceutique emportée hors de la zone soumise à la pulvérisation sous l’action des courants d’air (selon la norme ISO 22866:2005), la dérive affecte les êtres vivants non ciblés, l’applicateur quand les embruns reviennent vers la cabine et, éventuellement, les parcelles contiguës. Et bien sûr, elle pénalise l’efficacité de l’intervention, en particulier dans le cadre de stratégies à bas volume.
Par ailleurs, sa maîtrise peut permettre – si attestée – de réduire les zones exclues réglementairement. Si la buse a longtemps été au cœur de la lutte contre le phénomène, les technologies pour réduire la distance entre la rampe et la culture cible portent aujourd’hui leurs fruits.
Variable incontournable, le risque de dérive se gère au regard de la formulation des produits et des adjuvants, des débits et pressions de pulvérisation, de l’angle et du type de buses retenus… Sans oublier la vitesse du vent. L’arrêté du 4 mai 2017 interdit d’ailleurs la pulvérisation lorsqu’il dépasse 19 km/h (force 3 Beaufort).
Quand les conditions atmosphériques sont réunies, la première règle est de retenir une buse adaptée aux pressions et doses retenues, ce que des applications telles qu’Optibuse (par Syngenta; en téléchargement gratuit sur App Store et Google Play Store) garantissent désormais.
Il reste ensuite à s’assurer régulièrement de leur état pour conserver une forme de jet idéale et un débit homogène sur toute la largeur de la rampe.
Les buses à fente classique sont conçues pour fonctionner dans une plage de pression généralement comprise entre 2 et 3 bars, tout comme les buses à pastille de calibrage disposant d’une chambre de décompression pour faire baisser la pression et former des grosses gouttes. Ces dernières ont ainsi été qualifiées de « buses à limitation de dérive ».
L’assistance de l’air
L’apparition de buses chargeant la bouillie en air par un effet venturi, et engendrant à pression égale des gouttes de calibre supérieur, a depuis permis à la dérive de baisser jusqu’à 75 %.
Ces buses figurent aujourd’hui en bonne place dans la liste des équipements pour réduire les zones non traitées. Contraignantes dans le cadre de stratégies à bas volume, ces buses à injection d’air ne constituent pourtant pas le seul moyen sur lequel peuvent s’appuyer les professionnels afin de réduire la dérive.
Conçues pour améliorer la pénétration du produit dans le feuillage, les rampes à assistance d’air (par exemple le système Hardi Twin développé dès les années 1980, ou le système Agrifac AirFlowPlus avec caisson et ventilateurs tous les trois mètres lancé en 2012) autorisent aussi une orientation du flux d’air en fonction du sens du vent.
Selon une étude réalisée il y a deux ans par l’université danoise d’Aarhus, pour des vitesses d’avancement de 8, 12 et 16 km/h, le système Hardi Twin induit une réduction de dérive de 80 %. La couverture accrue ouvre par ailleurs la possibilité d’une réduction de dose de l’ordre de 30 %. Mais le coût d’acquisition de tels systèmes ne leur a pas permis de s’imposer.
La réduction des zones non traitées
Dès juin 2014, un amendement à la loi d’avenir agricole disposait que l’usage des produits phytosanitaires à proximité des établissements tels que les écoles, les crèches, les hôpitaux ou encore les maisons de retraite devrait faire l’objet de mesures empêchant la dérive des produits phytopharmaceutiques.
Une première incitation existe depuis 2016, avec la possibilité de se rapprocher de la zone de nontraitement (ZNT) incompressible de 5 mètres vis-à-vis des cours d’eau et habitations tiers au lieu des 20 ou 50 mètres standard, via des buses homologuées ZNT.
Leur liste est régulièrement mise à jour et publiée par le ministère de l’Agriculture. Récemment, on a notamment pu noter le relèvement des pressions homologuées de buses auparavant approuvées pour 1 ou 1,5 bar minimum.
Au plus près de la cible
L’apparition des porte-buses à sélection automatique assure l’utilisation optimum de la plage de pression des buses. Et le changement automatique de buse permet de conserver une taille de goutte optimale en courbe, comme en attestera bientôt l’AmaSelect CurveControl d’Amazone.
Mais c’est finalement le développement de composants (gyroscope, vannes proportionnelles) capables de piloter la position de la rampe avec une réactivité sans pareille, qui laisse la meilleure perspective d’évolution pour assurer que chaque goutte atteint effectivement sa cible.
Comme l’ont montré les travaux de l’institut de recherche français Irstea et de ses homologues étrangers, la distance cible est en effet la variable la plus déterminante. Il est aujourd’hui possible de s’approcher à 50 voire 30 centimètres du feuillage pour limiter le trajet des gouttes dans l’air, donc l’influence du vent, à condition de retenir des buses avec un angle différent ou espacement moins important. L’écartement a été fixé à 25 centimètres avec des buses à jet de 80 degrés chez Horsch, pionnier dans ce domaine avec son pilotage actif BoomControlPro.
D’autres constructeurs, à l’image de Fendt avec la nouvelle commande de buses OptiNozzle, ou encore de Kuhn, avec l’AutoSpray, profitent de la technologie de modulation à pulsation PWM (Pulse Width Modulation, une technologie existant depuis trente ans dans l’industrie et introduite en agriculture pour la modulation) pour optimiser la qualité de pulvérisation par un paramétrage de taille de gouttelette selon les conditions d’utilisation.
Le solénoïde adaptant le temps d’ouverture et fermeture de buse pour moduler la dose, la pression reste en effet constante. D’où une taille de gouttelette constante à des doses ou vitesses variables.
Notons ici que les technologies de pulvérisation ciblée des adventices, par exemple le système I-Spray développé actuellement par Kuhn avec la start-up CarbonBee, pourraient constituer un autre moyen de limiter l’influence du vent sur l’efficacité de l’application.
Le confinement en grandes cultures ?
Dans le secteur viticole, les panneaux récupérateurs s’imposent à la faveur d’importantes économies de produit. Le confinement s’accompagne également de bénéfices importants du point de vue de la dérive.
Pour les cultures à interrangs larges, telles que le maïs et les betteraves, des spécialistes de la pulvérisation localisée portent cette technologie en France (ex: Micron avec le VariDome). Mais il n’est pas non plus irréaliste d’imaginer déployer des systèmes de confinement pour les interventions sur blé ou pommes de terre.
L’étude, en 2015-2016, des pulvérisateurs Redball par l’Université du Nebraska a mis en évidence une réduction de 85 % de la dérive des gouttes fines sous 13 km/h de vent. En dépit de ces résultats encourageants, le développement du confinement en Europe restera soumis à une exigence que ne connaissent pas nos homologues américains : celle du repliage au gabarit routier.
Ainsi, tandis que les systèmes visant à cacher un intrant arrivé au cœur des questionnements de la société civile se heurtent encore à un frein technique, la réduction de la distance entre les buses et la végétation semble la voie privilégiée en Europe. D’autant qu’arrive l’émergence de la modulation pour une future application localisée sur les seules adventices détectées.
Guillaume Le Gonidec
Par Rédaction Wikiagri
Equipe de rédacteurs Wikiagri
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