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Pulvé : comment se différencier par la réactivité ?

La pulvérisation représente une prestation stratégique pour séduire ou fidéliser des agriculteurs qui sont actuellement de plus en plus nombreux à se plonger dans de nombreux questionnements autour de cette pratique.

 
 
Renouvellement du matériel ou délégation? La balance penche résolument du côté de la réactivité et du professionnalisme. Décryptage par retour d’expérience de différentes ETA qui ont accepté d’assumer « la charge mentale » liée à la pratique.
Technicité, coût du matériel et vieillissement du parc en ferme, risques pour la santé, risques pour l’environnement, entretien, traçabilité, formalités administratives, attaques de la société civile…
 
Le bouillonnement technique, technologique, réglementaire, médiatique, politique, sociétal, technique et même administratif autour de la pratique de la pulvérisation est aujourd’hui un sujet de préoccupation de premier plan pour les agriculteurs, d’autant plus que, pour eux, le ticket d’entrée représente une charge de plus en plus élevée en termes de coût du matériel, de temps de formation, de contraintes administratives, de veille réglementaire.
 
L’élévation de ce ticket nécessite un amortissement sur une surface toujours plus élevée, ce qui ne correspond pas toujours à la vitesse d’évolution des structures agricoles, notamment en secteur d’élevage.
 
Ainsi, les ETA ont aujourd’hui une carte à jouer pour investir ce secteur hautement stratégique, une mission qui nécessite de mobiliser tous les savoir-faire de l’entreprise dans tous ses aspects et tous ses métiers : la maîtrise du matériel, de la formation des personnels, du management de la qualité, de l’organisation, de la gestion administrative de la relation client…
Il faut pour cela assumer pleinement ce transfert de charge voulu par l’agriculteur et en accepter même la charge mentale, la réactivité étant le maître-mot.

Organisation à deux chauffeurs

Pour convaincre un agriculteur de déléguer la question de la pulvérisation, l’enjeu est de pouvoir lui apporter l’assurance que le travail sera fait aussi bien et même mieux qu’il ne l’aurait fait lui-même. Un bon niveau de professionnalisme est requis, l’erreur n’étant pas permise dans ce dossier.
Par ailleurs les fenêtres météorologiques étant extrêmement courtes pour intervenir à l’optimum, certains producteurs s’écartent naturellement d’une prestation dans un système où le chauffeur du pulvérisateur effectue sa journée de travail entière sur le pulvérisateur entre 8 heures et 18 heures.
 
Ces horaires ne correspondent en effet pas aux bonnes pratiques préconisées. C’est ainsi que malgré la contrainte que cela suppose, de nombreuses ETA spécialisées en pulvérisation ont adopté des organisations à deux chauffeurs minimum, à l’image de l’ETA Lecarpentier dans le Calvados.
 
Ces ETA préfèrent alors multiplier le nombre des équipements de pulvérisation et les chauffeurs pour intégrer la contrainte des fenêtres de pulvérisation dans leurs plannings. Les chauffeurs réalisent ainsi seulement quelques heures de pulvérisation par jour et leur temps est complété ensuite par d’autres activités.
 
 
Cette organisation nécessite de démultiplier tous les investissements réalisés en matériels et en frais de fonctionnement, mais cela répond à une demande forte du terrain. La capacité du pulvérisateur mérite également d’être judicieusement adaptée à un plan de charge moyen selon l’éclatement du parcellaire et le mode d’organisation choisi avec les clients.
 
Exploiter les conditions optimales de traitement peut même devenir un argument supplémentaire en faveur de la délégation de service. Il existe notamment toute une clientèle d’éleveurs laitiers occupée au travail de la traite du matin et du soir et pour laquelle la réalisation des traitements par une entreprise à ces moments est très appropriée.
Par ailleurs, cette clientèle d’éleveurs, qui cultivent parfois des petites parcelles de céréales, notamment pour pouvoir prétendre à la diversification des assolements, constitue une clientèle à cueillir pour les ETA.

Profiter des conditions optimales

Les ETA peuvent notamment mieux amortir que les agriculteurs des matériels capables d’intervenir aux bons stades malgré des conditions humides, et sans dégrader les sols ni les cultures.
 
L’adoption de roues jumelées ou l’investissement dans des matériels à chenilles sont des solutions que peuvent offrir les ETA à leurs clients et qui leur permettent de travailler sur les périodes hivernales le cas échéant.
 
Sur blé, colza ou orge, cela peut se révéler intéressant sous certains climats pour cibler les adventices au stade jeune.
 
Les roues jumelées peuvent rendre difficile la circulation sur route, comme l’a expérimenté l’ETA Lecarpentier. Des tracteurs à chenilles longues mais étroites offrent un meilleur compromis pour la route et pour les sols.
Des automoteurs de pulvérisation peuvent également recevoir ce type de chenilles, mais au prix d’aménagements mécaniques assez importants.
 
Certaines ETA comme l’ETA Hamon en Bretagne se sont équipées pour travailler en nocturne et profiter de l’hygrométrie sur ces plages horaires.
 
Le contrôle du bon fonctionnement des buses est alors plus aisé et permet de détecter des bouchages éventuels. À proximité des habitations, limiter la gêne pour les riverains constitue un autre motif pour travailler la nuit alors que les attaques sociétales sont de plus en plus pressantes sur ce point.
 
La réactivité en matière de pulvérisation pour profiter des fenêtres climatiques favorables vient aussi avec la vitesse de travail du matériel, voire aussi avec la vitesse sur la route lorsque le temps de circulation prend de l’importance. 
 
 
Aujourd’hui, les pulvérisateurs peuvent atteindre au travail des vitesses de 20 km/h. Afin de maintenir la qualité de pulvérisation sur de tels chantiers, de nouvelles technologies existent pour adapter le régime de fonctionnement des buses ou changer de type de buses.
 
Même si des automatismes existent, les chauffeurs doivent être formés à ces technologies de pointe au risque de ne plus contrôler la qualité de la pulvérisation.
 
Le débat sur les zones non traitées à proximité des habitations montre bien à quel point le chantier de pulvérisation est aujourd’hui exposé aux attaques sociétales.
 
Les cas d’agressions physiques sur des chauffeurs sont médiatiques mais heureusement encore assez rares. Cependant, les agressions verbales ou les tentatives d’intimidation constituent le quotidien des chauffeurs de pulvérisateurs.
 
La profession agricole se mobilise actuellement sur le sujet pour proposer de petites formations courtes afin d’apprendre à réagir dans ce contexte parfois hostile. 
 
Les victimes sont vivement incitées à ne pas réagir par la violence mais à porter plainte.

High-tech : des gains d’opportunités à explorer

L’agriculture de précision a fait son entrée en matière de pulvérisation. Les technologies de coupures de tronçons, d’assistance d’air, voire de modulation de doses intraparcellaire, permettent des économies de produits phytosanitaires très variables, entre 1 et 15 % environ.
La technologie de reconnaissance et de ciblage des mauvaises herbes est la plus porteuse de réductions de doses avec jusqu’à 80 % d’économies à la clé. L’adoption de matériels spécifiques, embarquant des technologies permettant des économies substantielles à l’agriculteur, mérite d’être observée attentivement comme clé d’entrée afin de proposer des prestations rentables pour les agriculteurs.

Des coûts extrêmement variables

Sur le terrain, le prix des prestations, chauffeur et carburant inclus (hors achat du produit), est extrêmement variable. 
 
L’écart-type se situerait entre 12 et 25 €/ha, parfois plus et parfois moins. Les 25 €/ha correspondent à la mise en place de chantiers sur de petites parcelles et prennent en compte des frais de fonctionnement élevés par rapport au temps passé à traiter des parcelles morcelées en zone d’élevage.
 
Les prestations à 12 €/ha, en revanche, correspondent aux tarifs les plus concurrentiels qui peuvent être pratiqués lorsque les chantiers sont entièrement optimisés. 
 
Ce différentiel dans le prix de vente des prestations n’est pas tant lié à la marge nette du chantier qu’à son optimisation.
 
 
Le sur-mesure en matière de pulvérisation coûte très cher aux clients d’autant plus que les parcelles sont petites. En effet, les allers-retours, les temps de rinçage, de remplissage etc. pénalisent la compétitivité du service. De nombreuses ETA sont parvenues à aborder ce délicat sujet avec leurs clients pour leur proposer des organisations plus rationnelles. 
 
La mutualisation des tournées de pulvérisateurs peut alors être envisagée et aide à comprimer les frais de fonctionnement. L’ETA Lecarpentier, en l’occurrence, gère tout son périmètre de travail comme une ferme unique. L’achat des produits peut ainsi également être rationalisé par des commandes de gros effectuées par l’ETA.

Un parc matériel vieillissant

Le taux de renouvellement extrêmement faible des pulvérisateurs dans les exploitations agricoles, de l’ordre de 3 % par an, est un sujet de préoccupation qui a même fait l’objet d’un rapport parlementaire examiné par l’Assemblée nationale en 2018. 
 
L’idée de mettre en place un fonds de 50 millions d’euros pour alimenter une prime à la casse des matériels les plus vétustes n’a pas été retenue.
 
À ce jour, le vieillissement des équipements en ferme et les contraintes de plus en plus fortes sur la pulvérisation incitent les agriculteurs à se poser la question: est-il plus pertinent de renouveler son matériel ou de déléguer ses travaux ?
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