Tee-shirts, pulls, pneumatiques, cosmétiques, sacs en plastique : la gamme de produits industriels fabriqués à partir de caséines (protéines du lait) explose. Mais à quand les industries pour les produire en masse ?
Les temps changent. Les quotas laitiers avaient été instaurés en 1984 car l’Union européenne croulait sous des montagnes de beurre. Mais depuis qu’ils ont été abolis, les montagnes de poudre de lait à 0 % menacent la reprise du marché observée depuis quelques mois.
« Les prix sont au niveau du seuil d’intervention. Au niveau actuel, la poudre de lait valorise le lait à 190 € les 1 000 litres », affirme Dominique Chargé, président de la Fncl (fédération nationale des coopératives laitières). La poudre se valorise d’autant moins que les prix sont plombés par les stocks d’intervention constitués en 2016 pour retirer du marché mondial une partie de la production de lait excédentaire.
Mais surtout, il est temps de prendre des mesures pour assurer, aux protéïnes de lait, des débouchés non alimentaires pérennes puisque les dispositifs de déstockage traditionnels sont démantelés, inefficaces voire inopérationnels, faute de volonté politique.
La priorité est de valoriser en particulier le lait impropre à la consommation. Une voie à explorer est la production massive de textiles à partir de caséines. Le process est connu et sans cesse amélioré depuis une petite vingtaine d’années. Il consiste à fabriquer une pâte semi-hydratée, à la presser fortement et à la filer pour en extraire des fils aussi fins que ceux de soie d’araignée.
Une fois séchés, ces fils peuvent être utilisés par l’industrie textile. Le procédé utilise très peu d’eau (contrairement à la culture du coton) et les fibres ont l’avantage d’être biodégradables et compostables en fin de vie.
« Les fibres à base de lait restent plus chers que les fibres de coton (25€/kg contre 3€/kg) cependant, leurs caractéristiques sont davantage comparables à celles de la soie avec laquelle l’écart de prix est plus faible, voire à l’avantage des fibres à base de lait, soulignait Lara Charmeil, journaliste, sur www.wedemain.fr. De nombreuses entreprises du secteur textile se sont déjà montrées intéressées et les premiers produits sont arrivés sur le marché allemand en 2016. »
La production de textile est passée à l’échelle industrielle. Dotées des machines professionnelles, d’une capacité de 2 000 tonnes de fibres au total, « nous produisons un kilogramme de fibres en cinq minutes et 240 millions de t-shirts qui peuvent être conçus à base de caséine, chaque année », affirme Anke Damaske, fondatrice et dirigeante de Qmilk. Cette entreprise allemande développe en fait une large panoplie de produits élaborés à partir de caséines et molécules dérivées du lait.
En 2015 à Marcq-en-Barœul, une exposition Futuro Textiles présentait des pulls en laine de lait !
La production de films et sacs plastiques est également en cours d’expérimentation. « La technique est la même que pour fabriquer des composants textiles, sauf qu’au lieu de créer une fibre, l’entreprise produit un granulat. Ce dernier est d’ores et déjà fourni à des marques automobiles de l’industrie allemande, qui font entrer ces granulats dans la composition des revêtements intérieurs ou encore celle des pneus », écrit encore Lara Charmeil.
Les protéïnes de lait sont aussi utilisées par différentes marques de cosmétique.
Aussi paradoxalement que cela puisse paraître la demande mondiale de poudre de lait est forte. Mais les conditions ne sont pas réunies pour qu’elle s’exprime !
Elle est forte car l’ensemble des pays émergents sont de grands consommateurs de protéines d’origine animale. La planète manque de soja et de tourteaux protéiques pour produire de la viande et du lait et dans le même temps la poudre se commercialise mal.
La demande de protéines d’origine animale est forte car plus de 30 millions de personnes en Afrique de l’Est subissent de plein fouet les contrecoups combinés des conflits armés règnent dans cette région et de l’absence de précipitations consécutivement à l’effet d’El Nino.
« Aussi les débouchés d’aide alimentaire doivent être développés même si à moyen terme cela ne peut constituer une solution satisfaisante », explique Dominique Chargé, président de la Fncl.
Le programme alimentaire mondial offre justement assistance à plus de 80 millions de personnes dans 75 pays. Aussi, ne pourrait-il pas envisager de déstocker les excédents de poudres de lait et les offrir aux pays qui souffrent de malnutrition ? A fortiori lorsque l’on sait que la poudre de lait est une denrée facilement transportable ?
Dans l’Union européenne, les Etats membres se sont privés d’un outil d’intervention facilement mobilisable. Il s’agit, ou plutôt, il s’agissait, du programme européen d’aide aux plus démunis financé par le budget agricole. Mais sous la pression de l’Allemagne, il été remplacé par le Fonds d’aide aux plus démunis (FEAD) et il n’est doté que de 300 millions d’euros par an seulement. Par ailleurs, les modalités d’obtention impliquent un co-financement obligeant ces bénéficiaires à trouver au moins une seconde source de financement (nationale, publique, privée, etc.).
Enfin, ce ne sont pas systématiquement les produits agricoles et alimentaires européens excédentaires qui sont utilisés pour approvisionner les associations caritatives. « Les autorités nationales peuvent acheter la nourriture et les autres produits elles-mêmes, et puis les livrer aux organisations partenaires, ou fournir une aide financière à ces dernières pour qu’elles se chargent des achats. Les organisations partenaires qui achètent les produits elles-mêmes peuvent les distribuer directement ou demander l’aide d’autres organisations », explique la Commission européenne.
En savoir plus : https://www.wedemain.fr/En-Allemagne-elle-cree-une-fibre-textile-a-base-de-lait-recycle_a975.html (article de wedemain.fr reprenant l’exemple allemand de la société Qmilk) ; http://www.qmilk.eu (site internet de Qmilk).
Notre illustration ci-dessous est issue de la page Facebook https://www.facebook.com/QmilkFiber.