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Prix des terres dans l’Union européenne, les écarts se creusent entre les pays membres

Entre 2004 et 2015, le prix de l’hectare de terre a été multiplié par 5,6 en Pologne. Il est dorénavant supérieur à celui observé en France. Aux Pays-Bas, la fin des quotas a relancé le marché foncier tandis qu’au Danemark, les éleveurs sont pris dans la spirale de l’endettement. Leurs terres valent deux fois moins qu’il y a dix ans.

Chaque année, la FnSafer publie une nouvelle édition du rapport intitulé « Les prix des terres, l’analyse du marché foncier » dans lequel un chapitre compare l’évolution des prix des terres dans quelques pays membres de l’Union européenne.

La Pac n’a pas harmonisé les fonctionnements de leur marché foncier respectif, bien au contraire ! 

En Pologne, le prix des terres a évolué au gré des politiques économiques et agricoles conduites depuis 1990. Atone à la fin de la période communiste (l’hectare de terre ne valait que quelques centaines d’euros dans un marché fermé), le montant de leur patrimoine foncier a, depuis, crû en fonction de la valeur ajoutée produite, de la baisse des taux d’intérêt et des montants des aides Pac. L’achat de terres est devenu un placement très lucratif. « A partir de 2004, année de l’intégration de la Pologne à l’Union européenne et de l’introduction des paiements à l’hectare, l’augmentation s’est accélérée (prix multiplié par 5,8 entre 2004 et 2015) », analyse Terres d’Europe-Scafr, d’après la Safer.

Alors que la Pac a plus de 60 ans, l’Union européenne dénombre autant de marchés fonciers que d’Etats membres, dotés chacun de ses propres règles de fonctionnement.

L’encadrement du marché foncier français rend la terre très bon marché (5 990 € l’hectare de terre libre en 2018) alors qu’aux Pays-Bas, « la hausse des prix se poursuit (59 500 euros/ha, + 2,8 % en 2017 – derniers chiffres connus) et les échanges restent à un niveau quasiment inchangé depuis 2015 », explique la FnSafer. « La suppression des quotas laitiers (mai 2015) continue d’entretenir la demande des exploitations laitières », rapporte Terres d’Europe-Scafr d’après la Safer.

Pays-Bas, Allemagne, Pologne… De grosses différences !

En France, la valeur des patrimoines des propriétaires fonciers est peu impactée par la conjoncture agricole européenne alors qu’au Danemark, le prix des terres est très lié au revenu agricole et aux règlements environnementaux. Ces derniers renchérissent les coûts de production alors que les éleveurs sont pris au piège de la spirale de l’endettement.

Le marché foncier s’est en effet effondré en 2008 et depuis le prix de l’hectare de terre est inférieur de moitié (17 300 €) à sa valeur plafond (33 000 €).

Plusieurs facteurs expliquent l’évolution différentielle des prix des terres dans chacun des Etats membres entre lesquels les écarts se sont mêmes accentués au cours des 30 dernières années : le prix de l’hectare de terre est dorénavant 6,9 fois plus élevé aux Pays-Bas qu’en France alors qu’il n’était que quatre fois plus important en 1990.

La faible ouverture du marché foncier d’un pays tire les prix à la hausse puisque l’offre de terre est restreinte. Or dans chacun des pays passés au crible, « l’ouverture du marché est liée aux modalités de transfert des patrimoines agricoles (succession, donation, vente), explique Terres d’Europe-Scafr d’après la Safer. Elle est également liée aux perspectives de changement d’usage des terres. »

Des productions à forte valeur ajoutée renchérissent le prix des terres. Toutefois, l’écart de prix de 1 à 7 entre les Pays-Bas et la Pologne équivaut à celui de la valeur ajoutée des cultures produites. Dans les deux pays, il faut 9 à 10 années de production pour couvrir le prix d’acquisition d’un hectare de terre.

Le marché foncier réagit fortement aux politiques de soutiens publics. Et plus le montant des aides versées représente une part importante de la valeur ajoutée activités agricoles et de leur revenu, plus le prix des terres augmente.

Nous avons mentionné le cas de la Pologne ci-dessus. Mais citons aussi l’Allemagne où les politiques nationales impactent de la même façon le fonctionnement du marché foncier. Les subventions versées aux cultures énergétiques pour fabriquer du biogaz ont renchéri mécaniquement le prix des terres.

A contrario, les montants des fermages étant en France réglementés, le marché foncier réagit très faiblement à la politique agricole commune et aux politiques nationales.

Autre facteur de disparité des prix des terres entre pays membres est « le coût de transaction (frais des agences immobilières, frais notariés, droits de mutation), différent entre pays », précise Terres d’Europe-Scafr d’après la Safer. Ils réduisent les capacités de financement des terres convoitées puisqu’une partie du montant de l’acquisition est constituée de frais versés en pure perte.

En revanche, la baisse des taux d’intérêt réduit les frais financiers des acquéreurs de terres et accroît leurs capacités d’emprunt. Mais elle permet au vendeur d’afficher des prix plus élevés.

Toutefois, l’introduction de la monnaie unique européenne a aligné les taux d’intérêt entre pays. Elle est un des seuls facteurs qui harmonisent, entre eux, le fonctionnement des marchés fonciers des pays européens.


Ci-dessous, pâture dans un polder au nord de Rotterdam aux Pays-Bas (image Adobe).

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