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Prédateurs, les rencontres parlementaires avancent à pas de loups

Les rencontres parlementaires sur la prédation du loup se sont tenues le 22 février à l’Assemblée nationale à l’initiative du député de Lozère Pierre Morel-à-L’Huissier. En une après-midi, l’objectif était de déterminer si, oui ou non, la réponse de l’Etat est aujourd’hui conforme à la problématique posée. Avec dix propositions à la clé.

En préambule, Pierre Morel-à-L’Huissier a estimé que « la présence du loup est une problématique de société et (que) les parlementaires devaient être à l’initiative d’une évolution sur ce dossier« . Dans la salle ou en tribune, députés (nationaux et européens) et sénateurs de toutes origines politiques, mais aussi des représentants de la Commission européenne, du ministère de l’Environnement, de plusieurs régions, des maires, sans oublier bien sûr des éleveurs. La trentaine de parlementaires qui se sont succédés (le mercredi après-midi, c’est la séance des questions au gouvernement, certains y ont assisté et sont arrivés en cours de réunion) représentant la quasi totalité des départements touchés par la prédation du loup.

Concernant l’état d’esprit animant les débats, Pierre Morel-à-L’Huissier a précisé : « (J’ai souhaité) un état des lieux objectif à partir de la protection internationale et des mesures du plan national loup, pour comparer par rapport aux pays étrangers et appréhender si le gouvernement français a pris la mesure de ce dossier. Je n’ai aucun a priori. Je souhaite des débats objectifs, francs et directs. C’est pourquoi je me suis refusé à ce que des structures, financées par de l’argent public, viennent interférer dans ce débat. Lors de cette rencontre parlementaire, je n’ai souhaité ni universitaire, ni pseudo scientifique. Il s’agit d’une rencontre juridique devant déboucher sur des propositions juridiques.« 

Biodiversité vs préservation des activités agropastorales

Parmi les interventions, on note celle de Michel Dantin, député européen et élu savoyard : « Il n’y a pas aujourd’hui de position commune européenne au niveau des organisations de producteurs. Et il en est de même pour les politiques. (…) La détresse d’un éleveur touché par la prédation n’est pas compréhensible si on ne l’a pas vécue soi-même. Pour tenter de l’expliquer, je la compare à celle d’un chasseur qui vient de perdre son chien. Le problème est à la fois psychologique après le choc, et économique. (…) Je pense que la solution peut venir d’un arbitrage à Matignon. Car le ministère de l’Environnement défend la biodiversité et considère que le loup en fait partie, et celui de l’Agriculture défend les éleveurs.« 

Marco Cipriani, de la direction générale de l’environnement de la Commission européenne, a confirmé que le loup fait partie des 1500 espèces protégées en Europe. Il a estimé que le problème ne se situe pas au niveau de la directive européenne, mais à celui de l’interprétation au niveau des Etats, qui ont donc l’obligation d’assumer la coexistence de l’espèce protégée et du pastoralisme.

Paul Delduc, directeur général de l’aménagement, du logement et de la nature au ministère de l’Environnement, s’est attiré les foudres de la salle en défendant la position de la protection du loup au nom du respect de la biodiversité. Cette position, assise sur une situation globale peu évolutive, a entraîné une série de réactions, allant dans le sens d’une obtention d’outils fiables sur le comptage des loups pour montrer l’évolution. Un éleveur vosgien a même témoigné de difficultés pour ce comptage du fait de l’action d’associations pro loup, empêchant délibérant l’ONCFS (office national de la chasse et de la faune sauvage) de procéder au comptage. L’éleveur proposant de légiférer pour interdire à ces associations d’agir de la sorte.

Arnaud Viala, député de l’Aveyron, a tenu à préciser que, selon lui, le problème ne venait pas de la présence du loup, mais de sa prolifération depuis qu’il est espèce protégée. Et effectivement, avant lui, Théo Gning, de la Fnsea, avait fourni des chiffres pour le moins alarmants (voir nos photos à la fin de l’article).

Yann Souriau, maire de Chichilianne (dans l’Isère), a témoigné de ce qu’il vit en tant que maire, précisant que le problème n’était pas seulement celui des éleveurs. Ainsi une association de 200 maires a décidé de se porter partie civile contre l’Etat en raison des dommages dus directement au loup, mais aussi indirectement, du fait des chiens de protection qui eux aussi ont proliférer, ou de l’effraiement de bêtes de troupeau ayant échappé in extremis à une attaque.

La magistrate Mme Geymond a débuté son intervention en rappelant que le pastoralisme est reconnu par la loi (le droit rural) comme étant d’utilité publique, favorisant notamment le tourisme. Un point complet juridique a ensuite été fait par rapport aux patous.

L’intervention remarquée de Jean Lassalle

Candidat à l’élection présidentielle (d’après nos informations, il n’a pas encore les 500 signatures mais n’en serait plus si loin), Jean Lassalle a fait une déclaration remarquée, et applaudie : « Je suis fils de berger, j’ai tout essayé pendant des années et des années contre l’ours et le loup. Je salue le travail sans précédent de Pierre Morel-à-L’Huissier sur le sujet… De mon point de vue, la cohabitation entre l’ours ou le loup et l’homme est totalement incompatible. Seulement, que voulez-vous ? Les firmes les plus polluantes de la planète se sont achetées une conduite en finançant des associations écologistes qui nous mettent le loup dans nos montagnes ! Et puisque je suis candidat à la Présidence de la République, je promets ici solennellement, en cas d’élection, d’abroger tous les textes protégeant le loup !« 

Evidemment, chacun a compris qu’une partie de ces textes vient du droit européen et que le seul siège élyséen ne suffirait pas, mais la volonté politique est affichée.

Les 10 propositions

Au terme de la journée (et après beaucoup d’autres témoignages, nous ne les avons pas tous repris ici), Pierre Morel-à-L’Huisser a listé dix mesures qu’il compte porter ces prochains jours.

1. Définir un nouveau système de comptage des loups sur le territoire français, avec une déclinaison territoriale par massif (examen d’excréments, analyse d’hurlements et création de brigades de chiens pour identification de meutes) ;
2. Définir un cadre juridique adapté à l’agropastoralisme (code rural et code de l’environnement) ;
3. Confier une mission d’analyse au CGEAR (conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux) sur l’efficience des mesures de protection imposées aux éleveurs, d’un point de vue technique et financier ;
4. Définir la notion de « troupeau non protégeable » et en fixer le cadre juridique ;
5. Concernant le patou : analyser l’efficacité du patou par rapport à sa dangerosité et définir les responsabilités encourues en cas d’accident causé par le patou ; mettre en place un régime de responsabilité sans faute de l’Etat sur les mesures de protection de type patou ; définir une police administrative spéciale pour les maires en matière de mesures de protection ;
6. Evaluer l’efficacité du plan national loup ;
7. Augmenter le quota de tirs de prélèvement dans les zones à récurrence avérée de 
prédations (autorisation de tirs de prélèvement immédiate) ;
8. Revoir le dispositif d’indemnisation prévu par la circulaire du 27 juillet 2011 relative aux 
dommages causés par le loup aux troupeaux domestiques ;
9. Créer un régime de responsabilité sans faute de l’Etat englobant toutes les problématiques 
concernant les dommages causés par le loup ;
10. Appliquer le principe de précaution au monde de l’élevage et à l’agropastoralisme en 
matière de prédation du loup.

Pour résumer, il semble que l’on avance sur le dossier, mais à pas de loups. Car aux deux niveaux de la Commission européenne et du ministère de l’Environnement, on campe sur ses positions, ce qui n’aide pas vraiment, il faut bien le dire. Il reste la volonté affichée, notamment de Pierre Morel-à-L’Huissier qui veut aller sur le terrain juridique, qui seule aujourd’hui semble en mesure de faire bouger les lignes… Car il est clair que les positions officielles ne tiennent pas compte de l’évolution de la situation sur le terrain, et il va bien falloir, un jour, obtenir une corrélation entre elles et la nouvelle donne que constitue la prolifération des loups.
 

Ci-dessous, salle comble à l’Assemblée nationale pour un sujet brûlant.

Pierre Morel-à-L’Huissier (au centre), député de la Lozère, à l’origine de cette journée dédiée à la problématique loup. A sa droite, Yann Souriau, maire de Chichilianne. A sa gauche, Théo Gning, de la Fnsea.

Ci-dessous, tableau fourni par Théo Gning, de la Fnsea, sur les estimations du nombre de loups.

Toujours selon la même source, la carte de France du bilan des dommages…

Ce que représente, en euros, les indemnisations aux éleveurs (même source).

Ci-dessous, l’intervention de Jean Lassalle.

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