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Pourquoi le blé russe est moins compétitif depuis l’été dernier

L’été dernier, la priorité des opérateurs et du gouvernement russes était l’approvisionnement du marché intérieur en blé aux dépens de l’exportation. Aussi, le marché russe était particulièrement attractif avec des prix élevés.

La Russie reste cette année le premier pays exportateur mondial de blé (34 millions de tonnes) même si elle vendra cette année 8 millions de tonnes (Mt) de moins qu’il y a trois ans. Les trois quarts des volumes embarqués sont des grains avec une teneur en protéines comprise entre 11,5 % et 12,5 %. Mais depuis le début de la campagne, les agriculteurs et les entreprises de négoces ont changé de stratégie. La priorité n’était plus l’exportation des récoltes dès la moisson achevée, mais l’approvisionnement du marché intérieur, selon Dimitry Rylko, directeur général IKAR LLC à Moscou (Russie). Il participait, le 31 janvier dernier, au colloque « Paris Grain Day » organisé par Agritel, l’organisme spécialisé dans la gestion des risques.

En effet, la précédente campagne céréalière 2018-2019 s’est achevée avec un stock de report très faible. Aussi, le gouvernement russe et les opérateurs ont proposé des prix attractifs. Ils voulaient inciter les agriculteurs à vendre leur blé sur le marché russe plutôt que de l’exporter.

Par ailleurs, la Russie est confrontée à l’appréciation du rouble qui la rend moins compétitive à l’exportation.

Mais les agriculteurs n’étaient pas pressés cette année de vendre leurs grains. Ils se sont même lancés dans une stratégie de rétention puisqu’ils disposaient de suffisamment de trésorerie pour engager le financement de la prochaine campagne. Et ils ont attendu que la conjoncture des prix leur soit très favorable pour déstocker.

En effet, si les cours mondiaux sont trop faibles pour couvrir les charges des céréaliers ouest-européens, ils rémunèrent très bien leurs collègues russes. Leurs coûts de production par hectare de blé sont même les plus faibles des pays exportateurs de la planète. Et compte tenu des rendements obtenus, les résultats bruts par hectare sont très même confortables (plus de 200 € sur des exploitations de plusieurs centaines d’hectares).

Ce qui détourne aussi le blé russe de l’exportation est la concurrence agressive à laquelle se livrent les négociants dans les ports d’embarquement depuis quelques mois.

Depuis que la seconde banque russe Vnechtorgbank (VTB) a acquis le groupe Mirogroup (MGR), un terminal spécialisé dans le vrac sec, ce dernier a les moyens de proposer des services portuaires deux fois moins chers que ceux pratiqués par ses concurrents. Or, à moins de 20 dollars par tonne, aucun d’eux n’est en mesure d’être rentable. Aussi, MGR est passé en tête des négociants alors qu’il était encore, en volume en 2017-2018, le sixième groupe de négoce.

Les agriculteurs russes n’ont pas été impactés par cette concurrence entre négociants. Les moins compétitifs d’entre eux auraient pu être tentés de baisser le prix du blé payé aux céréaliers pour répercuter une partie des charges portuaires devenues trop élevées. Mais comme les agriculteurs ont la possibilité de vendre leur blé sur le marché intérieur à des prix plus rémunérateurs, il n’en a rien été.

Or, en Russie, les coûts d’acheminement et de chargement dans les ports sont les talons d’Achille de la filière céréalière. Ce sont des charges incompressibles. Du point de collecte jusqu’au port, les frais de transport atteignent facilement 40 € par tonne (12-15 € en France depuis le grand bassin parisien jusqu’à Rouen) et les frais portuaires sont estimés à près de 20 € la tonne. Sans compter les coûts de transvasement du blé entre les cargos du type Handsize, chargés dans les ports peu profonds de la mer d’Azov et les cargos du type Panamax, amarrés dans la Mer Noire en partance sur de longues distances.

Le méridien du blé russe

Les pays importateurs de blé russe sont majoritairement situés le long d’un méridien qui part de la Turquie à l’Afrique du sud. Le long du « méridien russe du blé », figurent ainsi mes pays situés sur les deux rives de la Mer Rouge et sur le golfe persique. Sinon, la Russie compte, parmi ses clients, la Biélorussie, la Mongolie et dans une moindre mesure le Kazakhstan. Ils étaient tous intégrés au bloc soviétique avant 1990. En marge de ces deux groupes de pays destinataires, citons aussi par les clients russes, l’Algérie, la Chine et le Brésil.


L’illustration ci-dessous est issue de Adobe.

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