La start-up Poulehouse invente « l’œuf qui ne tue pas la poule » et met en place une filière vertueuse pour éviter la souffrance animale.
A l’âge de 18 mois, les poules deviennent moins productives et partent généralement à l’abattoir. 100 millions de poules pondeuses sont abattues ainsi chaque année, dont 50 millions de poussins mâles. Pour leur offrir une retraite heureuse, la société construit un refuge destiné aux poules pondeuses réformées. Le surcoût sera financé par les consommateurs soucieux du bien-être animal, et prêts à payer près d’un euro leur œuf !
Rien ne destinait vraiment ce professionnel de l’innovation à craquer pour des poulettes… Auparavant, Fabien Sauleman travaillait pour une start-up spécialisée dans la lecture de livres numérique en streaming… En 2016, il a aidé une amie à « sauver » des poules de réforme. L’expérience l’a bouleversé : « J’ai réalisé que ces initiatives s’étaient généralisées, que des groupes sur Facebook contribuaient de trouver des familles d’accueil. Ce projet revenait dans ma tête et j’ai trouvé deux associés pour le concrétiser, Sébastien Neusch et une agronome Elodie Pellegrin. Les tests sur Facebook ont été encourageants, et nous avons créé la société en février 2017. Notre projet est assez ambitieux. Nous essayons d’inventer un autre mode de production où les poules ne seraient pas tuées. Cette innovation est inédite dans le monde ».
Aujourd’hui, les poules sont abattues à 18 mois, dès qu’elles deviennent moins productives. Comme elles sont rachetées par les abattoirs une dizaine de centimes, l’opération est donc relativement neutre pour l’exploitation. De plus, difficile de savoir vraiment comment la viande est valorisée…
D’où l’idée de les accueillir dans une « maison de retraite » jusqu’à la fin de leur vie. Le surcoût est intégralement supporté par le consommateur, qui déboursera tout de même 5,99 euros pour une boîte de six œufs. Le prix a été calculé en prenant en compte l’alimentation, la durée de vie moyenne (entre six à dix ans), la logistique nécessaire… Mais malgré tout, le modèle économique semble viable en s’appuyant sur une niche de consommateurs. « Le pari était de savoir si nous aurions des clients à ce prix-là, mais les choses avancent très bien. Nous nous adressons à des consom’acteurs qui réfléchissent à l’impact global de leur consommation, que ce soit au niveau social, de l’environnement et de la souffrance animale », précise-t-il.
Sur la page facebook de la start-up, certains végétariens saluent l’initiative, même s’ils regrettent que les poussins mâles soient toujours tués dès la naissance. Les plus radicaux estiment que le projet ne remet pas fondamentalement en cause la philosophie de l’élevage. Des arguments bien entendus par Fabien Sauleman : « Aujourd’hui, les poussins viennent au monde pour être tués. Ils ne sont même pas considérés comme une ressource… C’est pourquoi nous soutenons financièrement les recherches sur le sexage in ovo du laboratoire Tronico en Vendée, sachant que des recherches sont menées en parallèle en Allemagne, en Israël et en Chine. Dès que la solution technique sera au point, le sexage pourra être généralisé au travers d’une loi », espère Fabien Sauleman.
Concernant les modes d’élevage, les éleveurs partenaires du projet doivent produire en bio et s’engager à ne pas épointer les becs des prochains lots. En retour, Poulehouse paye les œufs plus de 30 centimes. Un agriculteur a déjà contractualisé, produisant 20 000 œufs par semaine.
Pour l’instant, ces œufs sont diffusés dans quelques magasins bio parisiens. Mais dès la rentrée, ils seront disponibles dans toutes les grandes agglomérations françaises.
Pour construire ce refuge exemplaire, la start-up a levé 25 000 euros sur la plateforme KissKissBankBank. Le premier lot (650 poules) sera accueilli en février 2018 sur une ferme de seize hectares en Haute-Vienne. A terme, le site regroupera 18 000 poules, dont les œufs seront bien sûr commercialisés.
Poulehouse sera aussi un lieu pédagogique autour de l’espèce. Des recherches seront menées par exemple sur le comportement des poules en milieu pastoral, leur symbiose avec les arbres fruitiers, leur participation à la lutte contre le frelon asiatique, ou encore leur vieillissement. « Sur ce dernier point, c’est terra incognita. Aucune étude sérieuse n’a été menée », constate Fabien Sauleman qui imagine un travail de sélection : « Pour l’instant, notre éleveur travaille avec trois races reconnues pour leur productivité. Grâce à la ferme, nous pourrons peut-être identifier des espèces moins productives sur les 18 premières années, mais qui sur la durée, pourraient être aussi performantes que les autres. »
En savoir plus : https://poulehouse.fr (site internet de PouleHouse) ; https://www.facebook.com/poulehouseofficiel (page Facebook de PouleHouse) ; @poulehouse (compte Twitter) ; http://agriculture.gouv.fr/soo-un-systeme-fiable-de-prediction-du-sexe-du-poussin (une technique innnovante pour déterminer le sexe des poussins).
Une initiative proche, une fondation en Angleterre propose du « lait sans abattage » : http://www.ahimsamilk.org.
La photo ci-dessous est issue de la page Facebook de Poulehouse.