La Confédération générale des planteurs de betteraves (CGB) pensait avoir bien encadré la sortie des quotas en relançant la production de betteraves sucrières. Mais le marché a eu raison de la stratégie des planteurs. Le cours mondial du sucre s’est effondré.
Plus de quotas, plus de prix garanti minimum et peu de rendements ! A quelques jours de son congrès (ce mardi 18 décembre), la CGB a dressé un panorama de la filière très pessimiste lors d’un point de presse. Les planteurs de betteraves perdraient 400 € par hectare planté et récolté. Ces dernières années, la culture compensait partiellement la faible rentabilité des cultures des céréales. En 2018, elle plombe les comptes de résultat des producteurs. Le prix de la tonne de sucre est inférieur de 200 € à son niveau de l’an passé à la même époque et de 100 €/t au prix européen d’intervention, à l’époque des quotas. Il déclenchait alors des mesures de stockages privés financées par la Commission européenne.
Pour la prochaine campagne, la priorité de la CGB est la contractualisation de la production entre planteurs et sucrerie. Le gain escompté est d’environ 5 € par tonne de betteraves livrée, ce qui représente une hausse potentielle du chiffre d’affaires de 450 € par ha.
Pour la CGB, les contrats signés avant les semis du printemps prochain reposeront sur des indicateurs de prix, indexés sur le marché à termes par exemple, et sur le ratio de partage de la valeur entre industriels et les planteurs. Pour équilibrer la négociation avec les sucreries, il est dans l’intérêt des planteurs de s’associer en organisations de producteurs (OP).
Sinon, la sécurisation du revenu des planteurs repose aussi sur la souscription d’une assurance récolte en souhaitant que le gouvernement abaisse le taux de franchise à 20%. A moyen terme, la réforme de la Pac post 2020 devrait consacrer, selon la CGB, une partie des crédits du second pilier à la constitution d’un fonds de gestion de crises. L’organisation des planteurs exhorte aussi l’Etat français « à avoir une ambition forte sur le volet de la gestion des risques dans le cadre de la future Pac (au moins 30 % du deuxième pilier) ».
Les planteurs de betteraves pensaient avoir pris les précautions nécessaires pour affronter sereinement la fin des quotas en profitant d’un marché du sucre porteur en 2017 pour produire plus de betteraves. Or ils vivent le même désarroi que les producteurs laitiers il y a deux ans, sans pouvoir compter sur le soutien de la Commission européenne pour être aidés.
Dos au mur, les producteurs de betteraves subissent de plein fouet l’effondrement du marché du sucre. Ils sont même doublement pénalisés. En plus des prix, ils accusent une baisse des rendements de près de 13 tonnes par hectare (83 t/ha en 2018 contre 96 t/ha en 2017). Les recettes sont donc passées de 2 250 €/ha en 2017-2018 à 1 800 €/ha, sous l’effet de la baisse des rendements et des cours du sucre.
Ce n’est pas la hausse de la production européenne de sucre l’an passé qui a fait chuter les cours à des niveaux jamais atteints – elle ne représente que 5 % de la production mondiale – mais l’explosion de récolte de canne à sucre en Inde et au Pakistan qui ont produit 12,4 Mt de plus qu’à l’accoutumée. A l’échelle mondiale, la dernière campagne 2017-2018 s’est achevée avec un excédent de 6 millions de tonnes de sucre.
Il est difficile de prévoir comment se déroulera la campagne sucrière actuelle. Un nouvel excédent de 2 millions de tonnes est envisagé à l’heure actuelle. « Mais une chose est certaine, les prix très bas sont derrière nous », a déclaré Eric Laisné, président de la CGB.
Plusieurs facteurs modifieraient la donne dans les mois à venir à commencer par le retour d’El Nino qui pourrait réduire l’intensité des moissons en Inde et en Thaïlande. Au Brésil, la consommation de sucre et sa transformation en alcool sont très liées à l’évolution des cours du pétrole.
N’ayant pas la main sur les marché, la CGB propose aux producteurs de betteraves de se concentrer sur le marché européen en plantant 400 000 hectares et lorsque la conjoncture mondiale sera plus favorable, de porter la sole cultivée à 500 000 hectares pour exporter du sucre. Les planteurs ont bien conscience que cette stratégie réduirait la campagne sucrière à 100 jours certaines années, faute de betteraves produites en quantités suffisantes. Les coûts de transformation seraient alors alourdis mais il revient dorénavant à chacun de prendre sa part du risque.
Au printemps prochain, les planteurs réduiraient leurs surfaces de betteraves de 5 % par rapport à 2018. Cependant, beaucoup de planteurs se demandent comment ils vont parvenir à produire de belles racines. La CGB ne comprend pas l’interdiction des néonichotinoïdes étendue aux semences de betteraves puisque la plante cultivée n’est pas florifère. Cette interdiction française est par ailleurs source de distorsions car d’autres pays européens autorisent toujours l’emploi des néonichotinoïdes pour enrober les semences de betteraves.
La CGB s’inscrit bien dans le contrat de solutions engagé par la Fnsea pour réduire l’utilisation de produits de protection des plantes, mais que faire s’il n’existe pas de solutions alternatives ?
« A ce jour, l’absence d’alternative efficace profile une perte de rendement moyen pouvant atteindre 12 % et jusqu’à 50 % dans les régions les plus exposées par les ravageurs », affirme la CGB.
Le bio-contrôle n’apporte pas encore de solutions satisfaisantes. Et la recherche semencière s’est vue interdire de recourir à l’édition génomique pour sélectionner de nouvelles variétés de betteraves puisque la Cour de justice européenne assimile les plantes obtenues à des organismes génétiquement modifiés.