Parce que la qualité des paysages ruraux reflète la qualité du contenu de l’assiette, « Paysages in Marciac », au cœur du Gers, vise à échanger sur la thématique alimentaire.
Agriculteurs, entrepreneurs, associations, chercheurs proposent témoignages, débats, visites d’exploitations, dégustations, dans un laboratoire où les idées fusent et les idées reçues sont éliminées. Nous avons rencontré Alain Canet, l’un des initiateurs du projet, président d’Arbres et Paysages 32. L’association conseille, sensibilise et accompagne des projets de recherche et d’aménagements agroforestiers.
Comment est né Paysages in Marciac ?
A.C. : PIM, comme on l’appelle entre nous, est né du regroupement de plusieurs associations, à la demande des organisateurs de Jazz in Marciac, qui souhaitaient une manifestation où l’on puisse s’exprimer librement sur une thématique particulière. Il fallait créer un laboratoire d’idées pour vérifier si certaines initiatives, dans les secteurs de l’eau, du sol, de l’agriculture, fonctionnent vraiment. A une question d’intérêt collectif, nous amenons, grâce à la mobilisation d’intervenants de tous milieux, une réponse que nous construisons ensemble.
Quels sont les objectifs de PIM cette année ?
A.C. : Déminer les idées reçues, du type « rien ne pousse sous les noyers ». On le sait, beaucoup de parcelles expérimentales en agroforesterie sont menées sous des noyers, et cela fonctionne ! Cette année on remettra en cause l’efficacité du compost, on révisera le cycle de l’eau qui n’est pas totalement compris… Et on parlera beaucoup de travail du sol.
Quel type de public accueillez-vous ?
A.C. : Puisque le festival se déroule en même temps que Jazz in Marciac, nous n’avons pas, comme dans la plupart des colloques, un public de spécialistes. Le public de Jazz in Marciac assiste aux animations que nous proposons, et cela crée des rencontres improbables ! Des personnes qui, auparavant, ne connaissaient rien à l’agroforesterie, sont sensibilisées, touchés par la problématique agricole, et cela fait tâche d’huile.
Comment avez-vous décidé du programme de cette année et quelles journées peuvent intéresser les agriculteurs ?
A.C. : Le programme se construit en fonction des opportunités des intervenants, des initiatives phares du moment. Aujourd’hui, les agriculteurs qui parviennent à faire du semis direct et du bio en même temps sont de véritables locomotives et sont forcément mis sur le devant de la scène. J’attire l’attention sur la journée agroforesterie et couverts végétaux organisée par l’Inra le vendredi 1er août. L’objectif est de faire le point sur les pratiques d’agroforesterie aujourd’hui et proposer des pistes de recherche pour l’avenir. Des intervenants chercheurs seront présents (Christian Dupraz de la Fédération Européenne d’Agroforesterie, Jean-Pierre Sarthou de l’Inra de Toulouse, Valérie Viaud, de l’Inra de Rennes) mais aussi agriculteurs, avec la visite de l’exploitation de François Coutant, à Ricourt, l’après-midi. Nous souhaitons vraiment faire travailler ensemble des personnes, organismes qui travaillent sur la même thématique sans forcément le savoir, créer des synergies. L’autre journée « phare » est la journée « agroécologie » du mardi 29 juillet. Elle sera consacrée à des retours d’expérience, des perspectives d’avenir, le tout étayé par des données économiques prouvant la faisabilité des projets.
On parle beaucoup d’agroécologie, à toutes les sauces. Quel sera l’intérêt de cette journée ?
A.C. : En agroécologie, il faut sortir de la théorie, analyser ce qui ne marche pas et ne marchera d’ailleurs jamais. Ensuite, il faut former les agriculteurs et ceux qui les accompagnent, identifier les agriculteurs qui peuvent jouer le rôle de relais. Ces points là ne sont pas encore assez travaillés. Durant cette journée, un représentant du ministère de l’Agriculture sera présent. Il fera un état des lieux de ce qui a été fait par le ministère concernant l’agroécologie ; de notre côté nous dirons où nous en sommes, nous donnerons notre point de vue du terrain. Cela permettra de discuter, d’améliorer certaines mesures, de travailler ensemble et non sous la contrainte. Les intervenants de cette journée seront passionnants : Christophe Garroussia de la Chambre d’agriculture du Gers, parlera compétitivité en polyculture. Jean Arino et Virginie Humbert (également de la Chambre d’agriculture du Gers) présenteront des résultats d’expérimentation sur les engrais verts. Sarah Singla, agricultrice en Aveyron, fera un point sur les performances de l’agroécologie (sociales, économiques, environnementales). On évoquera l’agroécologie au Danemark et les mycorhizes, ces symbioses racines-champignons qui sont bénéfiques dans les sols cultivés.
Programme complet (manifestations du 27 juillet au 10 août) : http://www.paysages-in-marciac.fr
Notre photo : en Dordogne, des noyers utilisés en agroforesterie.
Par Opaline Lysiak
Ingénieur agronome, enseignante en agronomie 
