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Parc de la Vanoise, une charte profitable à l’activité agricole ?

Ce n’est jamais facile d’organiser un territoire. Le parc de la Vanoise, où le pastoralisme est partie prenante, est en cours de redynamisation autour d’une charte qui doit être signée par 29 communes, mais aussi concerner éleveurs, apiculteurs… A condition qu’elle fasse l’unanimité…

Le parc national de la Vanoise (en Savoie) propose aux communes limitrophes d’adopter sa nouvelle charte et d’intégrer son « aire d’adhésion ». Lors d’une première consultation, seuls 3 des 29 conseils municipaux concernés ont approuvé le texte. En effet, la majorité des élus locaux considèrent que leur adhésion au parc freinerait le développement économique local. Les municipalités doivent se prononcer de nouveau d’ici fin septembre. Malgré le dossier sensible du loup, les agriculteurs bénéficieraient d’un accompagnement intéressant.

Depuis une dizaine d’années, le parc national de la Vanoise associe les agriculteurs du territoire à ses projets environnementaux. Ces actions sont portées par la commission « agriculture durable » qui associe des producteurs, des scientifiques, des associations d’usagers, des élus locaux et la société d’économie alpestre de Savoie.

Pour Guy-Noël Grosset, chargé de mission agroenvironnement du parc, cette commission agricole est « vraiment utile, avec des discussions franches et ouvertes sur les mesures agro-environnementales, pour faire avancer les demandes de subventions, mais aussi de gérer les dégâts de gibiers ».

Des mesures agro-pastorales

Le parc de la Vanoise souhaite particulièrement redynamiser le pâturage sur pelouses sèches pour limiter le reboisement sauvage. Arides et pentues, ces zones difficiles et morcelées sont peu à peu abandonnées, particulièrement en Haute-Maurienne. Plusieurs actions de réouverture de milieux ont été conduites. « Au-dessus de 1300 mètres, la dynamique forestière est plus lente mais nous avons toujours besoin du pâturage pour maintenir la qualité des milieux », observe Guy-Noël Grosset.

En cœur de parc, une éleveuse de chèvres près d’Aussois conduit ses troupeaux dans des secteurs boisés ciblés avec l’aide financière du parc. « Pour l’instant, on a pu réaliser quelques opérations similaire sur du foncier communal.  Mais la démarche serait plus efficace en travaillant sur de plus vastes secteurs, ce qui serait possible si les communes voisines adoptent la charte. A ce moment-là, nous pourrions fonder des associations foncières pastorales et obtenir des financements plus importants », projette le chargé de mission.

La nouvelle charte veut aussi préserver les pâturages d’altitudes intermédiaires. En effet, les montées sont de plus en plus rapides pour ne pas s’attarder dans ces prairies intermédiaires difficiles à faucher. L’accès au foncier, le développement de la forêt et les ressources en eau sont des facteurs limitants. « Dans le cœur du Parc, nous avons contractualisé avec une quinzaine d’éleveurs pour mener des mesures agro-environnementales sur une campagne. Tous ont reconduit l’action et nous avons une dizaine de nouvelles candidatures pour 2016. On ne sait pas si notre enveloppe budgétaire suffira (Ndlr : sachant que les zones Natura 2000 sont prioritaires dans l’attribution des subventions), mais elle contribue à réhabiliter les milieux et à baisser la pression sur les hauts alpages. On cherche les meilleurs compromis. Comme les pelouses alpines ont un développement tardif, on retarde le pâturage au maximum. Mais encore faut-il trouver les terrains disponibles pour cela en plus faible altitude… », explique Guy-Noël Grosset.

Traitement des eaux, éco-construction…

Le Parc peut aussi soutenir la construction de bâtiments alimentés par des énergies renouvelables, ou des actions exemplaires concernant des économies d’eau, le traitement des effluents… « Le soutien du Parc donne l’accès à des financements d’autres partenaires. On a notamment accompagné le traitement d’effluents de fromagerie par lombri-compostage à Champagny-en-Vanoise en 2006. Le dispositif expérimental a sans doute été sous-dimensionné et ne fonctionne pas très bien. En revanche, à Saint-Bon Courchevel, on accompagne un éleveur de porcs qui nourrit ses bêtes avec le lactosérum d’une fromagerie d’alpage. On contrôle ainsi l’impact sur les milieux et l’eau », se réjouit Guy-Noël Grosset.

Enfin, le parc de la Vanoise participe au financement d’ateliers d’élevages de génisses tarine avec l’Upra tarentaise (il verse 30 euros par femelle). Il peut aussi assurer des débouchés économiques aux produits du terroir : la marque « parcs nationaux de France » labellise des produits conçus dans le territoire en suivant des règles précises, avec des circuits de distribution spécifiques. Les viandes et les miels pourraient bientôt rentrer dans cette marque.

La charte, un projet de territoire intéressant, malheureusement rédigé en solo

Elu de la Chambre d’agriculture savoyarde et habitant actif du territoire (il dirige la coopérative laitière de Haute-Maurienne Vanoise à Lanslebourg), Albert Tourt siège à la commission « agriculture durable » depuis sa création. Comme réalisation exemplaire, il cite la subvention d’un groupe électrogène insonorisé pour un éleveur. Sur le volet communication, le parc a soutenu des animations autour des produits locaux, et conçu un circuit de visite autour de la coopérative laitière de Lanslebourg. Il donne son opinion : « Nous débattons aussi de l’optimisation des pistes d’alpage (Ndlr : des pistes d’alpage ont été financées par le parc, notamment à Champagny-en-Vanoise). Globalement, les débats se passent bien, même si nous avons des points de vue différents. Nous pouvons trouver des solutions au travers de projets de territoire. C’est le sens de la nouvelle charte du parc qui fait suite, à l’adoption de la loin Giran en 2006. Pour nous, elle fut un travail de fond. »

Ce « projet de territoire » s’étendra à l’aire d’adhésion si les communes y adhèrent. « Dans l’idéal, cette charte aurait dû être rédigée par les élus locaux. Le but de la loi Giran était de redonner la majorité aux élus locaux et aux responsables socio-professionnels au sein du conseil d’administration du parc. Cependant, le directeur est toujours nommé par le ministère de l’Environnement, et le conseil d’administration n’a pas tous les pouvoirs qu’il souhaite », glisse-t-il.

Albert Tourt revient aussi sur l’origine des crispations : « Le parc date de 1963. A l’époque, la population locale prenait moins en considération les questions environnementales. Ce parc a toujours été supporté par les habitants. Du coup, localement, personne n’a envie de valider un nouveau texte venant d’en haut… Mais quel que soit le résultat pour l’adoption de la charte, il faudra  travailler ensemble, retrouver de la confiance. Je souhaite que ce vote n’accentue pas les crispations. La solution serait de préserver fortement l’environnement dans le cœur du parc et de privilégier le développement dans la zone d’adhésion. » Comme les enjeux sont importants, les communes ont trois ans pour adopter la charte.

Abstention de la Chambre d’agriculture

En 2014, les élus de la Chambre d’agriculture ont préféré s’abstenir. « Nous avons toujours voulu travailler avec le parc sur des mesures environnementales. Mais comme 90 % des habitants sont contre, c’était difficile de voter en faveur de la charte… Par la suite, nous avons modifié le texte, et nous avons obtenu qu’il soit clairement écrit que le conseil d’administration du parc soutient le pastoralisme dans son cœur. En tant que président d’une coopérative de Beaufort, nous nous positionnons dans une niche de qualité. Je ne peux pas refuser des projets de développement durable car je veux travailler dans un environnement exemplaire. Pour autant, on ne protège pas les milieux en appliquant bêtement des règlementations. On accuse souvent le parc de cette attitude alors que le zèle vient de la police de l’environnement. Elle bloque les projets pour protéger des petites fleurs… Si cela arrive, le parc peut aider à monter les dossiers des mesures compensatoires. »

Loup, la loi s’applique comme ailleurs

Malgré ce soutien affiché au pastoralisme, la loi en vigueur impose l’interdiction de la chasse dans le cœur du parc. Suite à la séquestration du président et du directeur du Parc le 1er septembre dernier par des éleveurs ovins (durant une réunion de présentation de la charte), le préfet a toutefois autorisé le prélèvement de six loups en Vanoise d’ici la fin de l’année.

Sur cette question, l’adoption de la charte par les communes ne changera rien puisqu’elle renvoie strictement aux directives nationales. En outre, les éleveurs situés dans le cœur du parc bénéficient d’un soutien dans l’achat de cabanes de bergers héliportables. Le parc participe aussi au renforcement des brigades d’appui de bergers.

« Je dirais que le loup est la cerise sur le gâteau. Il est clair que dans nos montagnes, la présence du loup est incompatible avec l’élevage. Les éleveurs souffrent de passer des nuits dehors avec leurs patous. Les dispositifs de prévention sont un échec patent, les attaques continuent et les loups sont de plus en plus nombreux. Leur comportement change, ils attaquent aussi en plein jour. Mais la charte ne changera rien à la règlementation nationale qui s’applique. Elle ne comporte aucune disposition règlementaire particulière à sa zone », rappelle Albert Tourt.

 

En savoir plus : http://www.vanoise-parcnational.fr (site internet du parc de la Vanoise).

Ci-dessous, reportage de France3 Alpes sur la séquestration du président et du directeur du parc de la Vanoise, (daté du 3 septembre 2015).

Officiellement, le conseil d’administration du parc soutient l’élevage et le pastoralisme (crédit photo : office de tourisme de Pralognan).
 
Le parc de la Vanoise protège la biodiversité des milieux par des mesures agro-environnementales. L’adoption de la charte par les communes limitrophes encouragerait des projets plus ambitieux (crédit photo : office de tourisme de Pralognan).
 
Le Parc s’est aussi engagé dans l’amélioration générique de la race Tarine (crédit photo : office de tourisme de Pralognan).
 
Un cœur de parc à préserver, une zone d’adhésion à développer… Tel aurait du être le leitmotiv affiché de la nouvelle charte du parc national de la Vanoise (crédit photo : Gilles Lansard).
 

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