Chaque début d’été, l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires (OFPM) placé sous la double tutelle des ministères chargés de l’agriculture et de l’économie remet un nouveau rapport (491 pages) au Parlement. Cette année, le quatorzième ouvrage « affine l’analyse de l’impact de l’inflation pour les différents maillons de la chaîne alimentaire, avec les données de marges nettes 2022 et de marges brutes 2023 », précisent ses contributeurs.
Ce décalage d’un an s’explique par les délais nécessaires pour traiter les données collectées.
En 2023, l’inflation générale est restée autour de 5 %, tandis que l’inflation alimentaire a atteint 12 %. D’après l’Insee, l’alimentation a été la principale contributrice à l’inflation d’ensemble entre septembre 2022 et septembre 2023.
« Dans l’ensemble, le coût des matières premières agricoles a encore augmenté en 2023. Mais les marges brutes aval, qui avaient été comprimées ou étaient restées stables en 2022, ont pour la plupart progressé en valeur en 2023, pour atteindre parfois un niveau supérieur à celui observé sur la période récente, en lien avec la progression des autres charges depuis fin 2021 (énergie, emballages, salaires, services…) », constate l’OFPM.
En viande bovine, le coût entrée-abattoir de l’animal livré n’a progressé que de 0,11 €/kg de carcasse en un an.
Or le kilogramme du prix moyen annuel au détail d’un panier saisonnier de viande de bœuf a augmenté d’1,1 €/kg l’an passé. Mais grâce à cette hausse, la marge brute de la grande distribution a crû de 0,56 €/kg pour atteindre un niveau inégalé de 3,82 €/kg et celle de l’industrie de l’abattage de la découpe de la première et deuxième transformation de 0,4 €/kg à 1,22 €/kg.
« Lorsque les marges brutes des industries agroalimentaires ou de la grande distribution ont été maintenues ou comprimées, pour limiter l’augmentation des prix au stade consommateur, les marges nettes ont également diminué», défend l’OFBM.
En 2022, la flambée des prix du blé et de l’énergie avait été très forte. La filière boulangère ne l’a pas répercutée dans son intégralité. Aussi, la marge nette historiquement négative avait fortement baissé (-5.4 €/100 € de chiffre d’affaires versus -1,3 €/100 € en 2021).
Part des matières premières
Mais l’an passé, les marges brutes se sont reconstituées à un niveau supérieur à celui observé depuis 2019. La forte augmentation du prix du pain (+ 28 c/kg) contraste avec la baisse du prix du blé (- 11 c/kg). En grande distribution, la boulangerie pourrait redresser partiellement sa marge nette. Ce rattrapage est peu ou prou observé pour de nombreux produits suivis par l’OFPM.
Autre enseignement du rapport de l’OFPM : « la part des matières premières dans les prix au détail des produits a globalement peu progressé l’an passé par rapport à 2022, en raison des reconstitutions des marges brutes par l’aval des filières, même si cette stabilité moyenne cache des disparités ».
Par exemple, « le panier de fruits, le panier de légumes et les pommes de terre ont ainsi suivi la tendance générale, avec une progression des prix amont et des marges brutes aval, soulignent encore les contributeurs du rapport de l’OFPM. Mais lorsque le coût de la matière première agricole a augmenté dans les produits alimentaires suivis par l’Observatoire, les résultats nets des exploitations agricoles concernées se sont également améliorés ».
En 2022, le résultat courant avant impôt (RCAI) des éleveurs de volaille a progressé de près de 57%. En viande porcine, le prix du kilogramme de porc entré dans l’abattoir a augmenté de 0,7 € en trois ans. Et bien que les charges d’élevage aient entre temps crû, le revenu disponible a atteint 0,20 €/kg.
Cependant le prix du jambon à l’abattage a flambé de 1,80 €/kg en trois ans. Certes, l’industrie est parvenue à répercuter ce coût puisque ses marges brutes ont augmenté de 3 €/kg jusqu’à atteindre des niveaux inégalés. Toutefois, la grande distribution a été contrainte de rogner les siennes (-1,25 €/kg). Sa marge nette (8,2 €/kg en 2022) a perdu 1,5 €/kg en un an.