L’essor de la recherche archéologique montre que les paysans français sont, comme l’ensemble de la population, la somme de migrations multiséculaires de peuples venus s’installer dans les campagnes peu peuplées lorsque l’empire romain était sur le déclin. Les dernières invasions massives étaient les Vikings au IXe siècle.
A la Cité des sciences de la Villette à Paris, l’exposition « Quoi de neuf au Moyen–Age ? » démolit les clichés. Les nombreuses recherches d’archéologie préventive menées sur l’ensemble du territoire national et en Europe ont révélé des pans entiers méconnus de notre histoire.
Sur cette période sombre, des textes écrits à la fin de l’empire romain, à partir de témoignages subjectifs, rapportaient que des hordes de barbares détruisaient tout sur leur passage.
« Jusque dans les années 1990, on imaginait que ces invasions avaient mis à sac la civilisation gallo-romaine, ravagé les campagnes et que les gens avaient des habitats instables ou plus d’habitats du tout », explique Isabelle Catteddu, archéologue, spécialiste du Moyen-Age rural, dans un article publié par Le Monde le 10 octobre dernier. D’où l’absence de ruines.
Or il n’en est rien. Les modes de construction des édifices et des habitations ont évolué depuis la période romaine. La plupart a été réalisée en matériaux périssables. Les fouilles archéologiques conduites régulièrement avant les lancements de chantiers, sous l’égide de l’Inrap (Institut national de recherches d’archéologie préventive), ont mis en lumière une multitude de sites enfouis sous terre.
Ces sites montrent le plus souvent l’absence de violence. Les migrations se sont donc déroulées, depuis la fin de l’empire romain, le plus souvent dans le calme ce qui n’exclut pas cependant, des périodes d’affrontements.
Au Moyen-Age, quelques centaines de milliers de paysans burgondes, alamans wisigoths, francs etc. sont ainsi venus d’Europe de l’est pour s’installer en Gaule romaine. Certains d’entre eux ont cohabité avec la population autochtone gallo-romaine avant de s’y intégrer totalement. Les paysans juste arrivés auraient habité dans des maisons délaissées par les autochtones ou en auraient construit de nouvelles tandis que d’autres ont créé des villages de toutes pièces, dans les zones inhabitées propices à l’agriculture et à l’élevage.
Ces migrations de quelques centaines de milliers de personnes se sont étalées sur plusieurs siècles. Les paysans venaient chercher des terres pour les cultiver (les Vikings sont les derniers arrivants au IXe siècle).
« Pour se protéger d’ennemis plus agressifs, il semble que l’empire romain a toléré, à sa frontière l’installation, de paysans pour s’assurer une présence dans des territoires peu peuplés. Les Romains avaient besoin de paysans pour produire de la nourriture nécessaire pour nourrir leurs armées », précise Isalbelle Catteddu. Il s’agissait déjà, selon elle, « d’immigration choisie. Les paysans avaient parfois été invités à s’installer ».
L’intégration s’est dans tous les cas de figure effectuée rapidement. Selon Isabelle Cattedu, ces migrants se sont d’abord intégrés à la population, sans leur imposer leurs moeurs, puis ils se sont assimilés en reprenant les éléments cultuels apportés par les paysans burgondes francs, alamans.
Les migrations n’ont en fait jamais cessé. A partir du XVIe siècle, des millions de paysans européens persécutés pour des questions religieuses ou affamés ont quitté leur pays pour migrer en Amérique ou en Océanie.
Au XXe siècle, on ne compte plus les fermes reprises en France par des réfugiés espagnols et italiens, anciens ouvriers agricoles ou paysans, ayant fui leur pays sous régime dictatorial. Au nord de l’Europe, des agriculteurs ont été contraints de déménager pour s’installer (forte pression foncière dans les Pays-Bas et en Belgique par exemple) dans une France rurale dépeuplée et victime d’exode rurale. De nombreux agriculteurs en Champagne Ardenne ou en Haute-Normandie sont d’origine belge et néerlandaise. Leurs familles sont venues dans l’entre deux guerre ou après la seconde guerre mondiale. Elles ont repris des fermes ou défriché des terres pour créer des exploitations.
De nos jours, le foncier bon marché incitent des Britanniques, des Allemands, des Néerlandais à s’installer en France, mais l’Europe centrale est plus attractive.
Les nouveaux installés sont à l’image des populations étrangères et immigrées venues vivre en France. Cette année, un éleveur d’ovins turc d’origine kurde s’installe en Dordogne. Il ouvre peut-être la voie à d’autres compatriotes pour reprendre comme lui, des fermes ovines aujourd’hui sans repreneur.
Notre illustration est issue du site Fotolia, lien direct https://fr.fotolia.com/id/44678357. Elle montre le site de Saint-André-de-Rosans (Hautes-Alpes) où élevage et ruines historiques se marient à merveille.