Le Ciirpo organisait le 25 septembre une journée « plus d’agneaux, plus d’euros » dans la ferme expérimentale du Mourier (Saint-Priest Ligoure, dans la Haute-Vienne). Pas de recettes miracle pour réduire la mortalité des agneaux, mais des conseils de bon sens.
De 2011 à 2013, une enquête sur la mortalité des agneaux dans le Massif Central a été menée par l’unité mixte technologique « santé des petits ruminants ». Fabien Corbière (école nationale vétérinaire de Toulouse) et Jean-Marc Gautier (chef de projet de l’Institut de l’élevage) ont présenté les résultats lors des dernières rencontres du Ciirpo « plus d’agneaux plus d’euros » (Ciirpo : centre interrégional d’information et de recherche en production ovine). Les chiffres font froid dans le dos : dans les 54 élevages étudiés, 14% des agneaux meurent avant 60 jours. Parmi eux, presque la moitié meurt dans les deux premiers jours. « Mais ce n’est pas une fatalité. Lorsqu’on baisse le taux, c’est durable », encourage Fabien Corbière.
Sujet tabou, cette mortalité précoce est transparente dans les élevages. « Comme les avortons n’ont pas de valeur économique, les éleveurs n’y prêtent pas attention… Mais ils ont un coût : on a nourri des brebis qui auraient dû être réformées, et on a dépensé des frais vétérinaires pour des agneaux qu’on ne vendra pas. Le Ciirpo cherche à quantifier précisément le manque à gagner. Selon les conduites, je dirais que la perte représente 1000 à 2000 euros par agneau. Aujourd’hui, on mise beaucoup sur la génétique et la prolificité, mais sauver les agneaux est bien plus rentable », souligne Fabien Corbière.
Il y a d’abord les facteurs propres aux agneaux, qui expliquent 15% des mortalités : faible poids de naissance, sexe masculin, comportement mou, problème de tétée, mauvais transfert d’immunité…
Si le facteur race ne joue pas vraiment, l’état de la brebis conditionne aussi la santé de l’agneau. En effet, son âge, son poids, la taille de sa portée, son comportement, son état corporel, ses mamelles, son potentiel génétique… détermineront sa production de colostrum. « L’énergie qu’on investit sur une brebis, c’est de l’argent gagné à terme et de la tranquillité pour l’éleveur », affirme Fabien Corbière.
Dernier facteur essentiel : l’environnement des agneaux. Placés dans des bâtiments non ventilés, au milieu d’un troupeau dont l’état sanitaire est négligé, les agneaux ont toutes les chances d’attraper des maladies infectieuses comme la pasteurellose, la colibacillose et l’arthrite.
Pour renverser la situation, il faut d’abord tenir un registre des décès avec les causes récurrentes. Si possible, réalisez des autopsies avec coproscopie, recherche de pathogènes, analyse du profil métabolique, du transfert de l’immunité passive…. Ces résultats permettent d’agir précocement sur le reste du troupeau. On peut obtenir des subventions de l’Etat et des collectivités locales sur certaines analyses.
Pour avoir des brebis en bonne santé, il ne faut pas hésiter à réformer les agnelles à risque, puis à vacciner, vermifuger et donner une bonne alimentation pendant la gestation avec apports de minéraux. La note d’état corporel doit se situer entre 2,8 et 3,5. Pour éviter les myopathies, des compléments en sélénium sont conseillés en fin de gestation.
La mise-bas est évidemment un moment critique. « 12 % des agneaux morts avant 60 jours sont issus de mises bas difficiles. L’éleveur doit intervenir si brebis a perdu les eaux depuis plus de 45 minutes, si les onglons sont visibles mais que la brebis ne fournit pas d’effort, si le museau seul est visible et si les pertes sont malodorantes et foncées. Pour être bien surveillés, les lots doivent être inférieurs à 40 brebis », explique Jean-Marc Gauthier. Les cases d’agnelages doivent mesurer 1,5 mètre carré, avec un paillage quotidien (voire deux fois par jour) et de l’eau à volonté.
Une fois que l’agneau est né, il faut agir très vite : un agneau de 2,5 kg ne vivra pas plus de six heures entre zéro et dix degrés. Le premier colostrum assure son immunité grâce à sa concentration en immunoglobulines (IgG). « L’agneau doit boire entre 200 et 400 ml dans les six premières heures. Si c’est le cas, une bosse doit être visible au niveau de la caillette. Pour calculer le taux de colostrum, on peut faire une prise de sang sur une dizaine d’agneaux faibles, ou utiliser un réfractomètre », conseille Fabien Corbière.
Si l’agneau n’arrive pas à téter sa mère ou le biberon, il faut le sonder en urgence. La dose par prise ne doit pas dépasser 100 ml selon le poids de l’agneau. Pour éviter les pannes, le lait peut être congelé. Ce peut être du lait de vaches ou de chèvres (de préférence de l’exploitation) si la concentration est de 75 g d’IgG par litres. « Par contre, méfiez-vous du colostrum en poudre. Il transmet de l’énergie, mais pas forcément l’immunité. Pour chauffer le biberon, n’utilisez pas de micro-onde, il détruirait toutes les IgG. Préférez le chauffe biberon », conseille Fabien Corbière. L’alimentation artificielle revient à 60 euros par animal, elle est donc réservée aux agneaux surnuméraires et doit durer moins de 35 jours.
En plus des boucles et de la caudectomie, le nombril doit être désinfecté avec une solution iodée changée tous les jours ou tous les vingt agneaux. Concernant les bâtiments, il faut prévoir un curage et un vide sanitaire avant l’agnelage. L’agneau souffrira plus de l’humidité que du froid, les bâtiments doivent rester ouverts s’ils sont mal ventilés. Comptez 500 à 700 g de paille au mètre carré par jour dans les dix premiers jours de vie. Si l’agneau doit être réchauffé, donnez 20 à 30 ml de glucose 5 % (réchauffé à l’eau chaude). « Le sachet coûte quelques euros. On commence par ça, puis on donne le colostrum. Si ça ne suffit pas, on utilise une boite de réchauffement », explique Jean-Marc Gautier. Pour réduire la pression bactérienne sur la paille durant le rush des agnelages, le superphosphate est efficace. « Mais si on a trop d’animaux dans le bâtiment, il faut sans doute revoir le plan de gestion du troupeau… », souligne Fabien Corbière.
La journée « plus d’agneaux plus d’euros » sera proposée de nouveau à Montmorillon (Vienne) le 26 novembre.
En savoir plus : www.reconquete-ovine.fr ; www.idele.fr.
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Une chose que beaucoup oublient c’est le risque de contamination par le bacille du Tétanos contenu dans le fumier ou la terre. Recouper et désinfecter le cordon ombilical oui, mais ça ne suffit pas toujours. Quand j’avais les agnelages en bergerie j’avais toujours au frigo des ampoules de Serobov (sérum anti-tétanique) Et à raison d’un quart (à vérifier avec le véto) de la dose prévue pour un bovin, je l’utilisais systématiquement. D’autre part pour certaines race peu rustiques (bleue du Maine par exemple) je prévoyais de vacciner les mères contre l’Entéro-toxémie au cours de leur gestation afin d’en protéger les agneaux. Après il faut être très prudents pour les dosages des vermifuges et antiparasitaires: doser trop fort n’est pas bon. Et puis tenir au sec, isoler les nouveaux nés et leur mère dans des minis parcs en palettes, et ne pas hésiter à biberonner si l’on voit un signe de déshydratation. C’est vrai qu’avec les moyens dont on dispose on a du mal a comprendre cette fragilité. Il y a sûrement des facteurs de maladies qui sont liés à la vie moderne !