Les acteurs internationaux de la filière grain sont sereins pour les deux prochaines années. Sur les marchés, leur principale menace est monétaire. Le niveau élevé des stocks mondiaux permettra ainsi de faire face à un déficit de production dans un pays confronté à un accident climatique.
Ces dernières années, « le pool des marchés mondiaux de céréales s’est déplacé de Chicago vers les pays de la Mer Noire et d’Europe centrale et orientale. La Russie est désormais la référence qui marque le prix mondial du blé et l’Ukraine, de plus en plus celui du maïs », explique Sébastien Poncelet d’Agritel. Il se rapporte aux résultats d’un sondage soumis aux 150 participants de la première édition du Paris Grain Day, organisée par Agritel le 27 janvier dernier à Paris. Ils représentent 77 sociétés installées dans 15 pays différents, réparties sur les cinq continents de la planète.
En répondant aux questions posées, les participants de Paris Grain Day avaient ainsi exprimé leur sentiment sur les fonctionnements des marchés mondiaux des céréales. Leur avis a donné un certain aperçu du climat des affaires et il a permis de prendre le pouls des marchés pour les mois à venir.
De ce sondage, il ressort que la principale menace des opérateurs est monétaire. Le fonctionnement des marchés est très influencé par l’évolution des parités des monnaies des pays émergents, exportateurs de grains. Or leurs taux de change par rapport au dollar ou l’euro ne sont pas sous l’influence de la conjoncture agricole. Par exemple, le rouble réagit davantage en fonction des cours pétroliers, et la hryvnia (devise de l’Ukraine), de l’intensité de la crise politique russo-ukrainienne. En revanche, la compétitivité de leurs céréales à l’export est amplement guidée par les taux de change de ces monnaies. Ce qui accentue l’engorgement des marchés des pays occidentaux exportateurs lorsque le rouble ou la hryvnia sont faibles, puisque leurs grains peinent à trouver des débouchés vers les pays tiers (Maghreb entre autres).
Parfois, la volatilité des monnaies des pays émergents prend une dimension cataclysmique tant les conséquences sont ravageuses. Subites et inattendues, elles désorganisent totalement les filières à l’export. La baisse ou la hausse de ces monnaies peuvent intervenir à tout moment au cours d’une campagne, à contre courant du fonctionnement des marchés des céréales et de leurs fondamentaux.
Ainsi, la principale menace des marchés est monétaire et non pas climatique. L’évolution des parités du rouble/euro ou de hryvnia/euro a beaucoup plus d’impacts sur le trafic commercial des céréales que l’annonce d’une mauvaise récolte, compte tenu du niveau des stocks mondiaux.
En revanche, les pays d’Europe orientale font preuve, sur leur marché intérieur, d’une très grande résistance. Peu utilisateurs d’intrants importés, les coûts de production des céréales sont faibles et surtout maîtrisés. Mais toute vente de grains en dollars génère des recettes supplémentaires appréciables. Elle accroît le pouvoir d’achat des producteurs en roubles ou en hryvnias.
Par ailleurs, le potentiel de production de ces pays s’exprime un peu plus tous les ans alors que la consommation de céréales est atone. Aussi, les quantités produites en plus sont systématiquement exportées, l’élevage ne constituant pas pour le moment un débouché porteur.
Aucun continent n’est à l’abri d’un hiver rigoureux ou d’un épisode de sécheresse intense mais les participants du Paris Grain Day appréhendent l’avenir avec une certaine sérénité. Les stocks mondiaux sont importants. Et les gestionnaires de fonds et les acteurs internationaux de la filière grain (les industriels, les opérateurs de marché) ne redoutent pas de nouveaux épisodes climatiques du type d’El Nino ou d’El Nina, aux cours des deux prochaines années.
Entre 2015/2017, l’El Nino avait épargné l’Australie mais il a généré un épisode de sécheresse en Indonésie et en Malaisie où les producteurs d’huile de palme ont subi d’importantes pertes.
Le El Nina a été plus modéré que prévu. Les perturbations climatiques engendrées ont été compensées par des périodes plus favorables. « Aux Etats-Unis, le temps a été sec au printemps 2016 puis chaud en début d’été sur les grandes plaines », souligne Sébastien Poncelet.
Lors de la conférence organisée par Agritel, les 150 participants du Paris Grain Day étaient dans l’attente d’une hausse des cours des céréales, actuellement trop faibles pour couvrir les coûts de production. L’intérêt des fonds financiers pour les matières premières alimentera ces prochaines hausses. Mais les prix pourraient ne pas remonter suffisamment pour redresser les situations financières des exploitations. Les fortes baisses de surfaces de blé implantées aux Etats-Unis ne se traduiront pas par des hausses tant que les stocks de fin de campagne resteront à leur niveau actuel.
En revanche, le marché des oléagineux restera porteur d’ici 2018. La demande mondiale de graines de soja croît de 4 % par an. Le colza et l’huile de palme alimentent les filières biodiesel en Europe et en Indonésie. Mais les pays importateurs net de tourteaux soja deviennent de plus autonomes en protéines végétales en développant les cultures oléo-protéagineuses.
Ci-dessous, fret ferroviaire de céréales, photo issue de Fotolia, lien direct : https://fr.fotolia.com/id/121607973.