foncier agricole

Lutte contre l’accaparement des terres agricoles, décision jeudi… Ou après la Présidentielle !

La proposition de loi sur la lutte contre l’accaparement des terres agricoles, dont le résultat est très attendu par la profession, doit désormais passer en commission mixte paritaire ce jeudi 9 février 2017. Si jamais elle n’était pas acceptée, cela signifierait, vraisemblablement, un renvoi au-delà de l’élection présidentielle, avec toutes les incertitudes que cela comporte.

ACTUALISATION du jeudi 9 févrirer
ajout en fin d’article de la décision de la commissioon mixte paritaire

Le calendrier parlementaire du moment est riche, et pour cause puisque, en raison de la campagne officielle pour l’élection présidentielle, la session est proche de son dénouement, fin février. Dès lors, toutes les lois en suspens doivent avoir trouvé leur aboutissement avant cette date.

C’est notamment le cas de la proposition de loi sur la lutte contre l’accaparement des terres agricoles, à l’intérieur de laquelle s’est bizarrement ajouté un volet sur le biocontrôle (pas inintéressant, mais sans rapport).

Rapide flashback : un volet « foncier agricole » était apparu dans la loi Sapin 2 de la modernisation économique, avant d’être retoqué par le Conseil constitutionnel, qui estimait que ce n’était pas sa place. D’où une proposition de loi à part entière sur le sujet.

Au départ inspiré de l’achat de 1 700 hectares de terres agricoles dans des groupes financiers chinois dans l’Indre, il s’est agi de renforcer les dispositifs de protection du foncier agricole. Deux propositions de loi ont été inscrites, par Daniel Gremillet (LR) au Sénat, puis par Olivier Faure et Dominique Potier (PS) à l’Assemblée nationale (ce sont ces derniers qui ont ajouté le volet « biocontrôle »). C’est finalement le deuxième texte qui est examiné.

Lors de son intervention au Sénat en tant que rapporteur de la proposition de loi, Daniel Gremillet a souligné les causes du phénomène de l’accaparement des terres : « L’acquisition de terres par des acteurs hors agriculture est un phénomène qui se développe rapidement. Le faire-valoir direct des terres par les agriculteurs ne cesse de baisser depuis 50 ans et est désormais minoritaire. Des montages juridiques permettent de conserver la propriété des terres dans le cadre familial, par exemple à travers les groupements fonciers agricoles ou les groupements fonciers ruraux. Mais, on assiste aussi à l’arrivée d’investisseurs, dans les terres agricoles comme dans les forêts. Le prix des terres est en effet plutôt bas en France par rapport à nos voisins européens – 6 010 € en France en 2014 pour les terres et prés libres, contre 2 à 3 fois plus au Danemark, en Allemagne ou en Italie. Les fermages rapportent peu, mais la montée des prix des terres agricoles peut laisser espérer d’importants gains en capital.« 

Daniel Gremillet appelle à « un grand texte foncier », une loi complète uniquement dédiée au foncier agricole

Les failles de notre système qui ont autorisé l’acquisition de terres par des investisseurs chinois tiennent à deux niveaux, qui sont devenus les deux piliers de la proposition de loi : « 1. on oblige les sociétés à acquérir des terres à travers une société dédiée au portage foncier ; 2. ensuite, on étend le droit de préemption des Safer aux cessions partielles de parts sociales« , toujours selon les propos tenus par le sénateur Daniel Gremillet lors de son intervention.

Toutefois, après son passage à l’Assemblée nationale, le texte a montré quelques failles : le dispositif préconisé « méritait d’être affiné« , commente Daniel Gremillet, cette fois interviewé par WikiAgri, « de manière à ce qui est déjà soumis au contrôle des structures ne soit pas impacté« . En d’autres termes, que les formes sociétaires agricoles qui autorisent des cessions de terres sous une forme qui fonctionne déjà n’aient pas à pâtir d’une révision des textes ne visant que les excès du type « investisseurs chinois ». C’est le sens de l’un des amendements, adopté à l’unanimité, de Daniel Gremillet.

Etrangement donc, un volet « biocontrôle » s’est ajouté à la même loi. Ces dispositions « n’ont strictement rien à voir avec le foncier agricole« , regrette Daniel Gremillet, qui aurait préféré aller plus au fond des choses sur la seule question du foncier. Il prône à cet égard « un grand texte foncier« , avec ne préalable une mise autour de la table des agriculteurs, des propriétaires ruraux et des Safer. Il s’agirait de revoir « les possibilités d’associer des apporteurs de capitaux extérieurs au monde agricole. Car ces investisseurs sont nécessaires et un partenariat de long terme doit être noué pour alléger le fardeau financier des agriculteurs mais en même temps leur garantir un droit pérenne d’utilisation des terres de leur exploitation.« 

Dispositions sur le biocontrôle

Concernant le biocontrôle, les députés avaient souhaité favoriser son usage prioritairement aux produits phytosanitaires. Daniel Gremillet, tout en préservant cet esprit, a ajouté un amendement pour qu’il reste possible d’utiliser un produit phytosanitaire dans l’hypothèse où l’équivalent en biocontrôle n’existe : « Il existe par exemple un champignon qui détruit nos buis qui ne peut pas être éradiqué par le biocontrôle, il me semble important que dans un cas comme celui-ci nous puissions continuer à traiter la maladie pour éviter l’extinction de l’essence d’arbre touchée.« 

Enfin, sur les CEPP, certificats d’économie de produits phytosanitaires, le sénateur des Vosges a remplacé une disposition punitive (« qui nous mettait en contradiction avec les règles observées dans les autres pays européens« ) par une incitation.

Calendrier : commission paritaire mixte ce jeudi

Désormais, après avoir été adopté à l’Assemblée puis amendé au Sénat, le texte doit faire l’objet d’un examen en commission mixte paritaire, ce jeudi 9 février. Dès lors, soit il est adopté, et donc définitivement, et n’attendra plus, comme toute loi, que ses décrets d’application… Soit il repasse à l’Assemblée, puis au Sénat pour une adoption avant fin février… Les chances seraient alors bien maigres pour son adoption avant l’élection présidentielle !

Alors que, pendant ce temps, la question du foncier reste préoccupante, et urgente. N’est-il pas question d’un nouvel investissement chinois en terres agricoles, cette fois dans la Nièvre ? Des chiffres sont même avancés, 250 hectares à 15 000 € l’unité, soit 5 ou 6 fois la valeur, de quoi susciter la tentation…

ACTUALISATION du 9 février après la décision de la commission mixte paritaire

Un communiqué de presse du sénateur Daniel Gremillet donne le résultat de la commission mixte paritaire :

« 
(…) Députés et sénateurs se sont mis d’accord sur la mise en place d’ici trois mois de nouveaux outils pour mieux appréhender les cessions partielles de parts sociales en faveur d’une meilleure transparence des ventes de terres agricoles.

Au Sénat, Daniel Gremillet a fait adopter des amendements pour préciser le dispositif et ne pas pénaliser les exploitations existantes quelles que soient les formes sociétaires. L’accord trouvé en CMP entérine ce principe et maintient le droit de préemption des terres agricoles aux sociétés titulaires d’un bail conclu avant le 1er janvier 2016.

L’accord trouvé porte également sur la mise en place d’une exception à l’interdiction faite aux collectivités territoriales d’utiliser des produits phytopharmaceutiques classiques à partir du 1er janvier 2017 lorsque la survie d’une espèce végétale est en jeu et qu’aucune solution alternative n’existe, proposée par Daniel Gremillet au Sénat. « Aujourd’hui, le problème se pose pour les buis qui peuplent nos jardins à la française et qui sont décimés par un champignon pour lequel aucune solution biologique n’existe. Sans l’adoption de la mesure que je propose, nous sommes condamnés à voir disparaître ces buis, parfois centenaires et qui constituent notre patrimoine » s’est alarmé l’élu vosgien.

Les particuliers, eux, pourront faire appel à des professionnels intervenant dans le cadre d’une prestation de service et disposant d’un agrément et d’un certiphyto.

Enfin, l’accord trouvé en CMP rétablit la sanction financière des opérateurs économiques ne disposant pas d’assez de CEPP (Certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques) mais impose une évaluation à mi-parcours de l’expérimentation avant 2020. Une mesure qui devra nécessiter « toute notre attention au cours des prochains mois », a plaidé Daniel Gremillet qui a marqué son attachement à une écologie plus positive que punitive, privilégiant l’accompagnement vers de meilleures pratiques plutôt que l’alourdissement des charges pesant sur les agriculteurs et les opérateurs économiques.

L’accord trouvé en CMP aujourd’hui devrait être ratifié par l’Assemblée nationale et le Sénat dans les 15 prochains jours, avant la fin de la législature.
« 

 

Ci-dessous, le sénateur Daniel Gremillet.

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