Logement : Vont-ils oser l’expropriation ?

Après le blocage des loyers, le permis de louer, le déclassement énergétique des logements par un DPE contestable et contesté, il est indubitable que ces mesures vont créer une grave crise de disponibilité des logements locatifs.

Les pouvoirs publics ont déjà pris en compte (partiellement ?) ce problème et ont pris des mesures pour tenter d’y remédier. Comme les subventions s’avèrent insuffisantes pour permettre aux bailleurs de financer les travaux de mise aux normes énergétiques, ils ont envisagé, par le biais du portage ciblé de permettre à des organismes d’acheter (à un prix dévalué) les appartements que les propriétaires ne peuvent mettre au niveau des normes de décence et de consommation énergétique prévues par la loi.

Après avoir acheté, ces organismes (HLM ou structures ad hoc) pourront remettre les logements aux normes grâce à des subventions spécifiques (payées par les impôts des contribuables) et les revendre ensuite à un prix « maîtrisé ». Que doit-on entendre par cet adjectif ?

Obliger un propriétaire à vendre un bien artificiellement dévalué par des normes excessives à un prix forcément exagérément dévalué est une forme d’expropriation déguisée.

Mais certains veulent aller plus loin

Une proposition de loi vient d’être déposée à l’Assemblée nationale par un groupe de 12 députés Les Républicains le 25 avril 2023. Elle vise à « permettre aux communes de procéder à des expropriations simplifiées des logements vacants afin de les remettre sur le marché immobilier. »

Dans l’article 1er §1, ce projet vise à attribuer aux conseils municipaux un doit d’exproprier les constructions à usage d’habitations lorsqu’elles sont vacantes et non remises sur le marché de l’immobilier dans un délai d’un an.

L’§2 étend ce droit aux constructions ayant eu un autre usage que l’habitation lorsque celles‑ci sont dégradées et inutilisées, alors qu’elles pourraient être mises sur le marché immobilier.

Un objectif géopolitique et social

Sur le double constat de pénurie de terrains constructibles et de désertification rurale, ce projet vise à permettre d’envisager la repopulation rurale, en remettant disponibles des logements inoccupés ou des transformations de constructions rurales en habitations.

Sous-jacent à ce projet, et bien évidement occulté, on ne peut pas ne pas faire le rapprochement avec les récentes affaires de Callac ou de St Brévin les Pins. Certains problèmes liés à l’immigration étant liés à la disponibilité de logements et à la concentration numérique des personnes accueillies, la tentation est grande de disperser celles-ci dans l’espace rural.

Ce projet ne peut qu’être favorablement accueilli par les municipalités. Outre qu’il résout le problème de la désertification, qu’il permet d’envisager de maintenir les effectifs dans les écoles et d’apporter de nouveaux consommateurs aux commerces locaux encore existants, il propose surtout aux maires de voir leur assiette de taxes foncières augmenter, par la mutation de bâtiments agricoles exonérés de taxes foncières sur les propriétés bâties vers des logements fiscalisés. Il existe quand même une contrainte économique : pour bénéficier du préfinancement par l’Etat de l’expropriation, les communes doivent s’engager à remettre le bien exproprié sur le marché de l’immobilier dans un délai de 3 mois. Si la commune envisage elle-même la réhabilitation en logement locatif, elle devra s’engager à rembourser le préfinancement dans un délai de 1 an après la signature du premier bail.

Quelles conséquences ?

Si ce projet semble séduisant en apportant des réponses aux problèmes de logement, en imposant une mixité sociale voulue par les dirigeants (pas toujours bienvenue comme précités Callac et St Brévin), on peut de prime abord envisager des conséquences beaucoup moins enthousiasmantes.

Ces constructions rurales inoccupées sont presque toujours voisines d’autres habitations, mais aussi de constructions utilisées par les agriculteurs ou les producteurs locaux.

Pour mieux illustrer la situation, je vais prendre un exemple simple et courant : Dans une exploitation d’élevage, les bâtiments de la ferme ont été construits autour de l’habitation ancestrale occupée par les grands-parents, l’exploitant ayant construit sa propre habitation à proximité pour des raisons d’intimité familiale. Au décès des grands-parents, leur maison n’a pas pu être louée, car l’environnement de l’élevage entraînerait des conflits de nuisance de voisinage. De nombreux agriculteurs, pourtant parfaitement en conformité avec la réglementation régissant leurs entreprises, ont été condamnés à des dommages et intérêts conséquents pour nuisances olfactives ou sonores de voisinage.

Si la municipalité peut, par le biais de l’expropriation imposer dans ce local inoccupé un voisinage à l’agriculteur, il sera soumis à des litiges à répétition, avec indemnités à répétition et croissantes par la récidive, car le voisin exigeant aurait tort de ne pas profiter d’une manne aussi facile en portant plainte tant que le préjudice de trouble de voisinage n’aura pas cessé.

Ces charges supplémentaires, dans un contexte économique déjà tendu, ajoutées au climat délétère de la situation précitée conduiront à la suppression de l’entreprise.

Ainsi, pour loger quelques personnes, on risque de supprimer des entreprises de production alimentaire dans un contexte de dépendance grandissante d’importation de ces denrées essentielles.

Armand PAQUEREAU

Article Précédent
Article Suivant