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Et si, pour clore quinze ans de « carrière », je vous racontais l’histoire d’un journaliste agricole de 35 ans choisissant de passer de l’autre côté du miroir ? Adieu la presse, place à l’agriculture, et pas à moitié.
Vue des salons parisiens, l’agriculture est souvent dépeinte comme un secteur morose, vieillissant, se débattant pour ne pas disparaitre. Un discours relayé par les instances syndicales nationales, sans doute pour s’assurer la sympathie des pouvoirs publics. Mais ça, c’était avant. Il suffit d’entrer en contact avec la Safer ou de regarder « l’amour est dans le pré » pour comprendre qu’il n’en est rien. Ce métier stimule l’imaginaire urbain plus que jamais avec son authenticité, ses « vraies valeurs », sa vie au rythme des saisons. Sans doute une réaction de défiance vis-à-vis de l’économie financière stérile et moribonde.
Résultat, en zones de grandes cultures comme en régions maraichères, le problème n’est pas le nombre de candidats à l’installation, comme on l’entend trop souvent, mais bien la possibilité de trouver des terres sur lesquelles s’installer de manière viable.
Mais quelle idée, aussi, de s’installer ? Tout remonte à l’année 2010. Un énième soubresaut des marchés agricoles, le machinisme et les phytos revoient leurs budgets publicitaires à la baisse… Encore un magazine qui dépose le bilan, le mien. C’est reparti pour la course après les piges, la liberté et la précarité. Quinze ans de ce jeu de chaises musicales pour, au final, brasser de l’air, se faire des ulcères sur des virgules et payer son deux pièces en banlieue suffisaient.
S’installer dans un secteur que j’observe depuis si longtemps et que je croyais comprendre, pourquoi pas ? Banco, adieu Paris, direction le CFPPA de Hyères (on a fait pire), pour apprendre le métier.
S’installer, oui, mais dans quoi et comment ? Pour un « hors cadre familial », les options ne sont pas si nombreuses, à moins de disposer d’une fortune personnelle ou d’un très solide réseau local. Les grandes cultures ? Irréaliste. L’élevage ? Pas mieux. La maraichage ? Economiquement difficile vue la concurrence internationale.
Restent les niches. Dans mon cas, la raison s’est accommodée d’un coup de cœur. Ce sera la spiruline. Il s’agit d’une micro-algue dont le potentiel pour relever le défi alimentaire ne fait aucun doute, et dont la culture allie hyper technicité, inventivité et envie de défricher. L’esprit d’entreprise, du sens, l’espoir d’en vivre, c’est parti, la fleur au fusil. En juillet 2011, une opportunité se présente, me voilà parachuté en terre inconnue avec un embryon de ferme aquacole en Provence, au pied du Ventoux.
Une expérience qui change un homme à tout jamais. Passons sur les difficultés économiques, les nuits blanches à ressasser tout ce qu’il reste à faire pour caler la situation juridique, la production, l’atelier de transformation, la vente, la méconnaissances des organismes publics, l’absence de toute forme d’aide à l’installation faute de bonne case à cocher… Tout créateur d’entreprise a dû connaitre les mêmes insomnies.
Petit à petit, mois après mois, on surnage, on commence à prendre le contrôle des événements ou à entrapercevoir comment y parvenir. Une certitude, s’installer aujourd’hui dans l’agriculture ressemble furieusement à la création d’une TPE, le nerf de la guerre étant le client, la demande, le débouché. Si le process ne s’adapte pas à cette demande, c’est la mort.
Et la demande ne tombe pas du ciel. Point de coopérative, de filière amont ou aval, tout est à inventer : le produit, le conditionnement, le marketing… En plus de la production. Pour une culture si méconnue, cela demande des années de production à perte. Inimaginable économiquement sans une activité complémentaire.
Dans mon cas, je dois mon salut à la bienveillance des amis et ex-confrères de la presse ou de la communication agricole. Et l’équipe de Wikiagri y figure en bonne place. Ce sera donc mon seul conseil à destination des futurs installés « hors cadre », quel que soit le secteur : aussi difficile que ce soit, gardez un complément de revenu le temps de vous lancer.
Trois ans plus tard, le pari de la viabilité n’est pas encore gagné mais la voie est tracée et je n’échangerais ma place pour rien au monde. Il est temps de passer la seconde, de me consacrer pleinement à cette aventure qui me prend « aux tripes » et d’écrire ces dernières lignes journalistiques pour remercier ceux qui m’ont fait l’honneur de leur confiance durant ces quinze années de presse, lecteurs et confrères. Bonne chance à vous, ainsi qu’à tous les futurs candidats à l’installation.
Devenir agriculteur, l’aventure vaut la peine !
Je vous donne désormais rendez-vous sur le site et le blog de ma ferme http://www.spiruline-ventoux-luberon.fr
Ci-dessous : les bassins de spiruline.