L’usage des plastiques dans l’agriculture a été une solution pour pour améliorer les pratiques agricoles et d’élevage mais aussi pour faire face à la réfaction de la main d’œuvre en agriculture. Ils sont associés à l’industrialisation de l’agriculture et à l’augmentation de sa productivité. Dans l’élevage, l’enrubannage a révolutionné la production fourragère en facilitant la conservation de l’herbe. Les plastiques employés dans les serres ont permis l’essor de la culture hors sol.
Mais les outils et les équipements en plastique sont fabriqués pour être utilisés puis jetés. Jusqu’à récemment, le recyclage des plastiques n’a jamais été un enjeu.
L’Inrae associé au CNRS ont réalisé une expertise scientifique sur l’usage des plastiques dans l’agriculture et l’alimentation – leurs déchets, leurs recyclages et leurs impacts sur l’environnement et la santé – en analysant plus de 4 500 publications.
Pour la France, cette expertise sera une référence pour négocier le futur traité mondial pour lutter contre les pollutions plastiques.
Dans le monde, la consommation de plastiques ne cesse de progresser. Inexistante dans les années 1950, elle est dorénavant estimée à plus de 500 millions de tonnes par an.
En France en 2023, 20 % des plastiques consommés seraient destinés aux secteurs agricole et alimentaire, dont 91 % servent à l’emballage des aliments et de boissons et 9 % à l’agriculture. A l’échelle nationale, le taux de plastiques agricoles est de 1,8 %, ce qui représente, bon an mal an, quelques 120 000 tonnes de plastique.
De leur expertise, l’Inrae et le CNRS ont tiré plusieurs enseignements avec un certain sentiment d’impuissance et de dépassement à la fois.
« Un axe de recherche scientifique important sera désormais de documenter précisément les usages réputés essentiels des plastiques tout au long de la chaîne de valeur, pour identifier des scénarios réalistes de réduction de leur production et de leur consommation », défendent les experts.
« Plus de 10 000 substances potentiellement présentes dans les plastiques alimentaires mais seuls deux familles ont concentré les efforts de recherche : les phtalates et le bisphénol A (BPA) qui sont réglementés au niveau européen. Ils sont reconnus comme perturbateurs endocriniens, et de nombreuses études démontrent leurs toxicités, même à faible dose, chez tous les organismes, en particulier sur les fonctions reproductives ». Et « l’EFSA a signalé que l’exposition au BPA dépasse les seuils réglementaires pour la majorité de la population européenne ».
Tout au long de cycle de vie, les composants des plastiques migrent dans l’environnement et ils se dégradent sous forme de particules : macro- (plus de 5 mm), micro- (de 1 µm à 5 mm) et nanoplastiques (moins de 1 µm).
Tous les types de sols, même désertiques, sont contaminés par des microplastiques à des taux allant de 100 à 10 000 particules par kilogramme de sol dans le 1er mètre de profondeur. Les sols agricoles en particulier sont touchés.
Selon l’Inrae, les sols sont plus contaminés que les océans.
Les microplastiques contaminent la flore et la faune directement via l’environnement ou par transfert le long de la chaîne alimentaire, contaminant d’abord les organismes du sol et les plantes.
Par ailleurs, les microplastiques affectent la santé des animaux et des Hommes. Ils s’immiscent dans les poumons et sont présents dans le lait maternel ou le placenta. Ils impactent par conséquent la qualité des animaux d’élevage (croissance, production de lait). Ils véhiculent aussi des maladies.
Toxicité
« Tous ces effets, rencontrés chez des organismes très éloignés, révèlent un danger des microplastiques pour l’ensemble des organismes des écosystèmes », indique l’Inraé.
Par ailleurs, les deux instituts de recherche mettent l’accent sur l’irréversibilité des impacts des plastiques dans leur environnement. Leur emploi a été d’autant plus facilité « qu’il n’existe pas de réglementation spécifique aux plastiques qui dépendent de 3 cadres juridiques européens : les matériaux au contact des aliments, les produits chimiques et la gestion des déchets ».
Au niveau mondial 64 % des plastiques sont enfouis. Au plan européen, 42 % sont incinérés et 35 % sont recyclés (le double d’il y a 15 ans). En France, ils sont collectés pour être recyclés (35 %), incinérés (33 %) et enfouis (32 %).
L’analyse du cycle de vie est le principal outil utilisé pour évaluer la durabilité des plastiques. « Mais ces méthodes sont incomplètes et ne s’intéressent généralement pas à tous les impacts environnementaux, hormis les émissions de gaz à effet de serre ou la diminution des ressources non renouvelables », déplore l’Inrae.
Les plastiques recyclables, une fausse bonne idée : « La priorité donnée au recyclage peut détourner, par exemple, des stratégies de réemploi et renforcer l’idée que consommer du plastique reste acceptable, freinant des changements culturels profonds, notamment dans les manières de s’alimenter », affirment les scientifiques.
La nécessité d’une réduction de la production de plastiques est un constat partagé par la communauté scientifique. Mais dans l’ensemble, les moyens mis en œuvre pour limiter l’emploi des plastiques sont limités car ils n’ont pas été créés pour être recyclés.
Par ailleurs, l’augmentation de déchets plastiques, même collectés ou triés, s’accompagne d’une augmentation de déchets mal gérés.
Enfin, les alternatives aux plastiques étudiées, bien que biosourcées, demeurent des plastiques et la complexité de leur recette de fabrication et de leur traitement reste identique, souligne l’Inrae.