Des agriculteurs déjà engagés dans la méthanisation et le photovoltaïsme ne sont plus à un parcours du combattant près ! Ils porteront des projets agri-voltaïques sur une partie de leurs terres qui resteront cultivées ou pâturées.
Arthur est agriculteur et propriétaire de deux parcelles de terre (P1 et P2) sur lesquelles il souhaite édifier une centrale agri-voltaïque.
L’éleveur exploite lui-même la parcelle P1. C’est une prairie naturelle où paissent régulièrement des moutons et des vaches allaitantes. Mais l’exploitant loue à Alexandre, céréalier, la parcelle P2. Cette dernière cultivée en céréales est rattachée à une autre exploitation agricole en fermage.
Sur la parcelle P1 qu’il exploite en faire valoir direct, Arthur n’a aucune démarche juridique à entreprendre pour y édifier son futur parc agri-voltaïque. Mais avant de se lancer, il aura pris contact avec Enedis pour s’assurer qu’il pourra raccorder ses panneaux au réseau électrique afin d’y injecter l’électricité produite.
Arthur devra aussi obtenir l’autorisation administrative requise pour bâtir sa centrale, une fois son permis de construire déposé.
Il démontrera à la direction départementale du territoire comment il conciliera production d’électricité et production agricole. Par exemple, les panneaux installés apporteront l’ombre indispensable pour favoriser, en période estivale, la pousse de l’herbe des prairies pâturées par ses ruminants.
Pour la parcelle P1, Arthur signera directement le contrat de vente de l’électricité produite avec l’énergéticien. Le raccordement de sa centrale, du poste linéaire jusqu’au réseau, sera à sa charge.
Durant toute la phase de production d’électricité, Arthur devra préserver la vocation agricole de sa prairie en y mettant régulièrement paître ses moutons et ses vaches. Sinon, sa centrale agri-voltaïque sera alors illégale puisqu’elle aura alors été édifiée sur des terres agricoles qui ne sont plus destinées à cette activité.
Arthur pourrait alors être contraint de la déposer et de rompre son contrat de livraison d’électricité conclu avec l’énergéticien retenu.
L’énergéticien pourrait aussi engager des poursuites judiciaires en raison du préjudice subi parce qu’il achètera de l’électricité produite illégalement. Si Arthur cessait son activité d’agriculteur (départ à la retraite par exemple), il cherchera un successeur qui s’engagera – moyennant compensation – à poursuivre l’activité d’élevage sur la parcelle. Sinon, l’énergéticien pourrait rompre le contrat d’achat d’électricité qui le lie à Arthur.
Sur la parcelle louée P2, la réalisation du projet de centrale agri-voltaïque ne peut être envisagée sans l’accord d’Alexandre, l’exploitant en place, et éventuellement sans sa participation au projet.
Arthur pourrait demander à Alexandre de rompre par anticipation son bail moyennant indemnisation. Arthur édifierait alors sa seconde centrale en s’engageant à cultiver ses terres durant toute la durée de fonctionnement de la future centrale agri-voltaïque.
Arthur peut aussi associer Alexandre au projet ou, en cas de refus d’Alexandre, d’accepter de résilier totalement son bail rural. Arthur devra négocier l’acceptation du preneur d’une « association » au projet par avenant au bail rural.
À cette fin, un avenant au bail devra être conclu entre Arthur et Alexandre afin d’exclure du bail les emprises de la centrale photovoltaïque et définir les modalités de Cohabitation, par, notamment, d’éventuelles servitudes (liées notamment aux contraintes de sécurité, des conditions d’accessibilité de l’exploitant photovoltaïque…).
Un calendrier négocié avec Alexandre précisera en particulier les périodes pendant lesquelles des opérations de maintenance seront effectuées.
Comme la parcelle P2 restera soumise au statut du fermage, Alexandre est, par principe, tenu de la cultiver.
Pour autant, il est vraisemblable qu’Arthur souhaitera assurer le caractère « agri-voltaïque » des installations, notamment le maintien de la qualité d’agriculteur actif d’Alexandre, d’une production agricole significative devant être « l’activité principale de la parcelle » au sens des dispositions de l’article L 314-36 du Code de l’énergie, et de ce fait contractualiser un certain nombre d’obligations pesant sur Alexandre.
Pour Julien FORGET, avocat au sein du cabinet TERRESA, « l’articulation de ses « obligations », notamment au regard des modalités et type d’exploitation pesant sur le preneur, ne sont pas sans poser des questions au regard du caractère d’ordre public du statut du fermage… Des adaptations du statut du fermage seraient certainement les bienvenues afin d’éviter l’aléa judiciaire face à cet enjeu de compatibilité entre protection de l’exploitant et développement des énergies renouvelables… »
Une fois le bail révisé, le statut du fermage sera maintenu. Le montant du loyer restera encadré.
Mais comme le bail a été modifié – ou résilié partiellement – avec l’ajout « d’une clause restrictive », une indemnité sera vraisemblablement négociée entre les parties. Les modalités de fiscalisation de cette indemnité ou ces indemnités, dépendront de leurs objets (résiliation partielle du bail, engagement de maintien d’une activité agricole significative et principale sur la parcelle…), du caractère fixe ou variable de leur montant.
Cette indemnité ou ces indemnités pourraient ainsi être proportionnelles au montant de l’électricité vendue à EDF. Son montant est donc susceptible de varier d’une année à l’autre.
Si Alexandre cesse son activité agricole en cours de contrat, le contrat de bail devra être rompu. Faute de rupture amiable se posera la question des modalités de résiliation dans le cadre des dispositions du statut du fermage. Lorsque le bail rural aura pris fin, Arthur n’aura plus à verser d’indemnité de résiliation à Alexandre, mais il devra trouver un successeur qui s’engage à cultiver la parcelle P2, le nouveau bail devant de nouveau comprendre des clauses assurant la compatibilité des deux activités, obligations décrites ci-avant.
En compensation, Arthur versera une ou des indemnités négociées entre les parties, pouvant être proportionnelle au chiffre d’affaires tiré de la vente de l’électricité.
Le bail peut être remplacé par un contrat de prêt à usage pour une durée minimale correspondant à la durée restant à courir pour l’exploitation des installations agri-voltaïques, mais cette forme de mise à disposition précarise le statut de l’exploitant agricole par rapport au statut du fermage. Le prêteur a intérêt à définir conventionnellement l’usage du bien prêté au regard des exigences de l’agri-voltaïsme, à défaut les obligations légales renvoyant simplement à l’usage déterminé par la nature du bien, sujets à discussions et interprétation.
Si un contrat de prêt à usage est directement conclu avec un énergéticien, la résiliation du contrat conclu est très simple, en particulier si le maintien de l’activité agricole n’est pas assuré. Mais cet énergéticien devra rechercher un successeur sinon son installation ne sera plus légale. Mais c’est sans compter la DDT. Son avis est décisif. Elle tient à ce que les parcelles qui seront converties à l’agri-voltaïsme soient régies par le statut du fermage.
En s’engageant dans cette aventure photovoltaïque, Alexandre ne manquera pas de contacter sa compagnie d’assurance pour modifier son contrat d’assurance. Ce dernier stipulera qu’elle couvrira les potentiels dommages causés durant la phase d’installation puis d’exploitation du parc de panneaux qui sera édifié. Les panneaux et leurs pieux peuvent être endommagés par un tracteur ou son outil tracté durant les opérations culturales (hersage, traitement, etc.).
Arthur n’omettra pas non plus de signaler à sa compagnie d’assurance la nouvelle destination de sa parcelle louée.
Pour éviter tout conflit, Arthur et Alexandre demanderont chacun à leur compagnie d’assurance d’inclure dans leur contrat une clause de renonciation à recours réciproque. Autrement dit, chacune des parties abandonne son droit à recours à l’encontre de l’autre partie.
Si le porteur de projet est Alexandre. L’énergéticien pourra exiger un bail emphytéotique ou de carrière pour couvrir la période d’exploitation de la parcelle (voir l’article : https://wikiagri.fr/articles/empieter-sur-les-terres-agricoles-sans-compromettre-lactivite-agricole/).
La centrale de panneaux solaires accroît la valeur patrimoniale et économique de la parcelle reprise.
Arthur peut aussi vendre la parcelle P2 convoitée par son fermier pour que ce dernier en devienne propriétaire. Alexandre se retrouvera alors dans la même situation qu’Arthur, propriétaire exploitant de la parcelle P1.