De la parcelle à la vente de l’électricité, une multitude de contrats lie les agriculteurs qui se lancent dans l’agri-voltaïsme et le photovoltaïsme. Ces activités mobilisent une partie des terres qu’ils exploitent et les toits de leurs bâtiments agricoles.
Pierre se lance dans la production d’électricité photovoltaïque sur une partie de son exploitation sans renoncer à son activité d’élevage. Sur deux de ses parcelles de 15 ha (P15) et de 18 ha (P18) seront plantés des panneaux solaires où paîtront des bovins. Le toit de la grange de Pierre sera aussi dédié à la production d’électricité photovoltaïque.
Pierre est propriétaire de la parcelle de 15 ha (P15), de sa grange, mais il loue la parcelle (P18) à un propriétaire (contrat de 9 ans renouvelable).
« Pour produire de l’électricité, Pierre sera lié par plusieurs contrats au propriétaire de sa parcelle P18, à l’installateur de panneaux photovoltaïque, aux autorités publiques, au constructeur du parc de panneaux qui seront installés sur le toit de la grange et à l’entreprise de distribution d’électricité », averti Raphaël Romi, avocat.
Un contrat engage les contractants. Comme les projets de Pierre sont spécifiques, ils requièrent des contrats particuliers, rédigés pour répondre précisément à ses demandes. Or, pour gagner du temps et pour limiter les frais, ses partenaires pourraient être tentés de lui soumettre des contrats standardisés qui omettent les particularités de ses projets.
Pour se lancer dans l’agri-voltaïsme, Pierre veillera à mettre au courant le propriétaire de la parcelle P18.
« Tous les baux ruraux permettent l’installation d’un parc de panneaux, sauf si une mention spécifique l’interdit, mais ces baux imposent le maintien de l’activité agricole sur cette parcelle », souligne Raphaël Romi.
L’énergéticien doit aussi accepter de collaborer avec l’exploitant en place, et non pas seulement avec le propriétaire.
Pour sécuriser son projet, Pierre tentera de renégocier la durée de son bail pour qu’elle corresponde à la durée d’utilisation et d’amortissement des panneaux et du contrat conclu avec l’énergéticien. Une simple promesse de renouvellement du bail peut suffire. Dans tous les cas de figure, une clause pourra aussi mentionner que l’activité agri-voltaïque est autorisée.
Aucune ambiguïté n’est permise. Si l’activité agricole n’est pas maintenue, il s’agira alors de photovoltaïsme. La parcelle P18 ne sera plus éligible aux aides PAC et le propriétaire sera dans son droit de résilier le bail et d’imposer la destruction de l’installation.
Pour construire le parc agri-voltaïque, deux options sont envisageables : soit Pierre est le maître d’œuvre, soit il confie l’installation des panneaux et la vente de l’électricité à une entreprise, à charge pour elle de lui verser un loyer. Dans le premier cas de figure, l’agriculteur veillera à ce que l’entreprise à laquelle il confie la construction d’un parc ait souscrit une assurance de parfait achèvement des travaux. Celle-ci impose à l’entrepreneur de réparer pendant cette période tous les désordres signalés au procès-verbal de réception des travaux.
L’autorisation de raccordement est un droit, mais il reste à savoir si son coût n’amputera pas la rentabilité des projets agri et photovoltaïques.
Pour le savoir, Pierre déposera une demande de raccordement à l’énergéticien qu’il aura choisi. Une étude de faisabilité technique sera lancée puis un devis sera établi.
Une fois l’installation livrée et en état de fonctionnement, la garantie décennale couvrira les dommages survenus après la réception des travaux par le maître d’ouvrage pendant 10 ans.
Le délai démarre le lendemain de la signature du procès-verbal de réception des travaux.
À noter que la responsabilité civile décennale n’implique pas automatiquement la responsabilité du constructeur, et elle ne couvre pas les pertes d’exploitation si la production d’électricité a cessé.
« On peut regretter que la durée de la garantie ne couvre pas la totalité de la durée d’utilisation des parcs couverts, explique l’avocat. Mais de très nombreuses entreprises n’auraient pas les moyens de souscrire des contrats d’assurance aussi longs ».
Une fois les installations en état de fonctionnement et raccordées, Pierre veillera à ce que les prix de rachats de l’électricité soient ceux stipulés dans le contrat de raccordement et de rachat. Et avant de signer les contrats de rachat, Pierre s’assurera que les prix négociés sont bien ceux fixés par arrêté ministériel.
Lorsque les travaux seront finis, Pierre bénéficiera de la garantie décennale dès que le contrôle de conformité aura été réalisé avant la mise en service.
Si Pierre confiait la construction et l’exploitation de ses parcs à un gestionnaire, il bénéficierait à la fois de la garantie de parfait achèvement des travaux, et de la garantie décennale pour que le projet soit rentable.
« Le critère de la réversibilité s’accompagne sur le plan opérationnel par la création d’une nouvelle exigence permettant de soumettre la création des installations agri-voltaïques à la constitution de garanties financières nécessaires au démantèlement et à la remise en état du site (article L. 314-40 Code de l’énergie), avertit Raphaël Romi. Ce dispositif fait l’objet d’un décret en Conseil d’État » (1).
(1) À l’heure où nous écrivons ces lignes, le projet de décret sur l’agrivoltaïsme n’est pas encore paru.