En marge de la Semaine de la frite qui se déroule en Belgique, asssociée à une demande d’inscription au patrimoine de L’Unesco, tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur la frite sans oser le demander…
Les Belges souhaitent ainsi que les frites, le symbole par excellence de leur pays et de leur culture, soient inscrites au patrimoine culturel immatériel de l’Unesco. Ils défendent cette idée notamment à l’occasion de la Semaine de la frite, organisée du 1er au 7 décembre.
La Belgique veut faire inscrire l’un de ses plus grands symboles culturels, à savoir les frites, au patrimoine culturel immatériel de l’Unesco. A l’occasion de la quatrième Semaine de la frite, qui se déroule du 1er au 7 décembre autour du slogan « Tous ensemble pour notre frite belge ! », une pétition en faveur d’une telle reconnaissance peut même être signée en ligne (premier lien en fin d’article). C’était déjà le cas l’année passée.
Ce qui apparaît un peu au départ comme une bonne blague belge est donc tout à fait sérieux dans un pays culturellement déchiré entre flamands et wallons où, pour reprendre les propos de Bernard Lefèvre, le président de l’Union nationale des frituristes (Unafri), « la frite fait l’union »…
L’Unesco est l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture. Elle fait partie des institutions spécialisées des Nations unies. Elle présente la double particularité d’avoir son siège à Paris (et non à New-York ou à Genève comme la plupart des autres institutions des Nations unies) et d’avoir admis la Palestine en tant qu’Etat-membre en 2011. Mais l’Unesco est surtout connue auprès du grand public par son classement d’un certain nombre de lieux naturels et culturels. C’est le fameux patrimoine mondial de l’Unesco.
L’organisation classe ainsi au patrimoine mondial des sites naturels et culturels sur la base de dix critères : représenter un chef-d’œuvre du génie créateur humain, apporter un témoignage unique ou exceptionnel sur une tradition culturelle, offrir un exemple éminent d’un type de construction ou de paysage illustrant une période significative de l’histoire humaine, etc. etc. Mais l’Unesco distingue également le patrimoine culturel matériel du patrimoine immatériel, qu’elle a institué en 2001. Le premier est représenté par des sites et des monuments, comme en France, le Mont-Saint-Michel, le palais de Versailles, les cathédrales de Chartres, de Reims et de Bourges ou encore la place Stanislas à Nancy, tandis que le second correspond aux éléments suivants : « Les traditions orales, les arts du spectacle, les pratiques sociales, rituels et événements festifs, les connaissances et pratiques concernant la nature et l’univers ou les connaissances et le savoir-faire nécessaires à l’artisanat traditionnel. »
En France, le patrimoine immatériel de l’Unesco a surtout été connu lorsque le repas gastronomique à la française a été classé en novembre 2010. Contrairement à ce que l’on pourrait croire au premier abord, ce n’est pas la grande gastronomie française qui a été ainsi reconnue, mais plutôt le rituel identitaire « destiné à célébrer les moments les plus importants de la vie des individus et des groupes », à savoir les naissances, les mariages, les anniversaires, les succès ou les retrouvailles. L’Unesco met d’ailleurs l’accent sur le mélange de convivialité et de gastronomie que revêt ce repas à la française autour du choix attentif des mets, de l’achat de bons produits, du mariage entre mets et vins, de la décoration de la table, de la gestuelle spécifique pendant la dégustation ou encore du processus qui va de l’apéritif au dessert.
D’autres pratiques culturelles françaises ont été reconnues par l’Unesco comme le compagnonnage et le savoir-faire de la dentelle au point d’Alençon en 2010, l’équitation de tradition française en 2011 ou encore les fêtes bretonnes (Fest-noz) en 2012.
La pomme de terre provient de la Cordillère des Andes. Elle y poussait à l’état sauvage il y a environ 8 000 ans. Elle est arrivée en Europe vers 1570 suite à la découverte de l’Amérique. Elle a été popularisée en France par Antoine Parmentier à la fin du XVIIIe siècle.
L’origine de la frite à proprement parler fait l’objet d’une vieille querelle franco-belge, chacun s’arrogeant le privilège d’en avoir été l’inventeur. Pour les Français, la frite serait née à Paris à l’instigation de marchands ambulants sur le Pont Neuf après la Révolution française, d’où le surnom de « pomme frite du Pont Neuf ». Pour certains Belges, la frite proviendrait de Namur, dans le sud de la Belgique. Si l’on suit l’historien belge Pierre Leclerc, interrogée par La Voix du Nord, le 30 novembre dernier, on peut néanmoins penser que la frite « apparaît à la fin du XVIIIe siècle, à une époque où les graisses sont très rares et coûtent cher, où les pommes de terre sont considérées comme un aliment populaire. Ce sont les vendeurs de rue parisiens qui vont réunir cet aliment et ce mode de cuisson. Les premières frites étaient rondes. C’était des rondelles de pommes de terre. Elles arrivent en Belgique à la fin des années 1830 grâce à Frédéric Krieger, un forain qui a fait son apprentissage à Paris et qui a l’idée d’ouvrir sur les foires belges des baraques à frites. […] C’est lui aussi qui va, à partir de 1850, débiter les pommes de terre sous forme de bâtonnets ».
Les Belges tendent néanmoins à considérer que la frite fait partie intégrante de leur patrimoine culturel national, à la différence de la situation française. Ils tendent ainsi à souligner que si les frites se mangent généralement en garniture en France pour accompagner une viande, outre-Quiévrain, elles se mangent le plus souvent seules, après un passage par une baraque à frites. Le rapport annuel 2013-2014 de Belgapom, l’association professionnelle du négoce et de la transformation belges de pommes de terre, estime ainsi : « Peu importe le pays où la frite a vu le jour, force est de constater que la culture de la friterie trouve bel et bien son origine en Belgique. Nulle part au monde, le peuple est aussi intimement lié à la frite (ainsi qu’au chocolat et à la bière) ». Il en est de même pour le musée de la frite en Belgique, pour qui « la frite belge est certainement le produit qui caractérise le plus le savoir-vivre du belge. […] nous pouvons donc être fiers que la frite est un produit né en Belgique ».
Enfin, alors que la Belgique est, avec les Pays-Bas, le plus gros producteur de frites au monde, les frites belges sont également considérées comme les meilleures du monde car elles ne sont pas cuites dans de l’huile végétale, mais dans de la graisse animale (graisse de bœuf).
Aux Etats-Unis, les frites sont appelées généralement French Fries. Mais cette appellation a été au cœur de tensions internationales en 2003. En effet, à ce moment-là, la position de la France hostile à l’intervention militaire américaine en Irak a conduit certains aux Etats-Unis à vouloir débaptiser les French Fries pour les appeler les Freedom Fries ou bien les Liberty Potatoes. Ce fut le cas au sein des cafétérias de la Chambre des représentants, la chambre basse du parlement, ou de certains fast-foods. Cela n’a cependant pas duré très longtemps et les frites outre-Atlantique s’appellent toujours les French Fries au grand dam des Belges… L’association Belgapom propose d’ailleurs la chose suivante : « ne parlons dorénavant plus de « french fries » mais de « real Belgian fries » ».
La Flandre a déjà reconnu la frite et les friteries à son patrimoine culturel immatériel en janvier 2014. Il existe d’ailleurs dans cette partie de la Belgique, à Bruges plus précisément, un musée consacré à la friterie et aux frites, qui est unique au monde. Celui-ci a même organisé en 2014 une exposition consacrée à la pomme de terre et à la frite dans les tranchées en 1914-1918.
La Fédération Wallonie-Bruxelles et la Communauté germanophone de Belgique s’apprêtent également à reconnaître la frite à leur propre patrimoine culturel. Cela signifie donc que les trois principales communautés linguistiques de Belgique, qui sont compétentes en matière culturelle (il n’existe pas de ministère national de la culture dans ce pays), vont pouvoir pousser la proposition belge à l’Unesco.
En Belgique, un frituriste est une personne qui a une friterie, que celle-ci soit mobile (camion à frites) ou non. Il existe ainsi outre-Quiévrain une Union nationale des frituristes (Unafri). D’après des données fournies par l’Unafri, la Belgique compterait 5 000 friteries et plus de 90 % des Belges s’y rendraient au moins une fois par an. C’est d’ailleurs cette organisation qui pousse à la reconnaissance de la frite au patrimoine de l’Unesco. Elle a déposé un dossier dans ce sens auprès des différents gouvernements flamands et wallons.
Elle est également à l’origine de l’Ordre national du Cornet d’or pour « rendre hommage à tous ceux qui ont contribué à la culture de la frite belge par leur connaissance, leur talent, leur dévouement, leurs capacités ou leur idéalisme ». La plus haute distinction est celle de Grand officier « pour engagement exceptionnel en faveur du secteur de la frite et contribution inestimable pour la promotion de la culture de la frite ». Il reçoit alors une médaille avec un cornet de frite en son centre.
Il est aussi intéressant de noter que les Belges mettent la frite à toutes les sauces dans leur vocabulaire. Ainsi selon Bernard Lefèvre, le président de l’Unafri, « on doit veiller à associer tous les fritophiles du pays. La culture frituresque nous appartient à tous ». En 2013, le terme Frietchinees a été également considéré comme l’expression de l’année en Flandre. Il signifie « friturier chinois », de plus en plus de frituriers étant, en effet, d’origine étrangère.
Il s’agit d’un distributeur automatique de frites appelé « Coin Frites ». En Belgique, le premier a été installé en 2013 dans un supermarché à Bruxelles par la société BreakTime Solutions après avoir été testé en Inde et en Roumanie. Les frites sont cuites en une minute et demie dans de la graisse de bœuf et le cornet de 135 grammes coûte 2,50 euros. Mais au bout de quelques mois, celui-ci a été retiré en raison du faible succès rencontré auprès de la clientèle. Les frituristes belges peuvent donc être rassurés…
En 2013, le groupe Burger King, le numéro trois mondial des restaurants fast-food, a lancé des frites light dans ses restaurants américains baptisées « satisfries ». Ces frites sont censées être 40 % moins grasses et contenir 30 % de calories en moins que dans les portions classiques servies par Burger King. Elles semblent cependant avoir été un échec commercial.
Ce sont les friteries ou les baraques à frites en Belgique, le terme étant bien entendu néerlandais. Elles font l’objet de préoccupations en Belgique car nombreuses sont celles qui ferment dans le pays. En 2009, une exposition a même été organisée à Waterloo sur le thème des « Fritkots, une espèce en voie de disparition »… En outre, certains Belges pestent contre l’industrialisation de la frite, les Fritkots et les restaurants recourant de plus en plus couramment à des frites prédécoupées en usine ou même surgelées. La Belgique a d’ailleurs été en 2013 le plus gros producteur de frites surgelées en volume en Europe. Au passage, en France, la mention « fait maison » exclut les frites surgelées, à la différence des autres légumes surgelés.
Il est à noter qu’il existe en Belgique un guide établissant un « classement des meilleures friteries et snacks en Belgique » sur la base des points de vue des internautes et de l’équipe d’un site spécialisé, Fritmap.com.
Un selfrite est un selfie, c’est-à-dire une photo de soi que l’on prend avec son smartphone, mais avec un cornet de frites… Le ministre de l’Agriculture wallon René Collin a d’ailleurs twitté en novembre 2014 « un selfrite […] pour faire entrer la frite dans l’histoire ! ». Le site de la Semaine de la frite a lancé un concours « selfrite » où il est possible de gagner un fritkot mobile…
En savoir plus : www.semainedelafrite.be (site de la Semaine de la frite en Belgique), http://fr.unesco.org (site de l’Unesco), http://whc.unesco.org/fr/criteres (critères de l’Unesco pour un classement au patrimoine mondial), www.unesco.org/culture/ich/index.php?lg=fr&pg=00002 (partie du site de l’Unesco consacrée au patrimoine culturel immatériel), www.unesco.org/culture/ich/index.php?lg=fr&pg=00011&RL=00437 (partie du site de l’Unesco consacrée au repas gastronomique à la française), www.unesco.org/culture/ich/index.php?lg=fr&pg=00011#tabs (partie du site de l’Unesco consacrée au patrimoine culturel immatériel français), www.cnipt-pommesdeterre.com/histoire (partie du site du Comité national interprofessionnel de la pomme de terre consacré à l’histoire de la pomme de terre), www.lavoixdunord.fr/region/les-belges-veulent-inscrire-leurs-frites-a-l-unesco-et-ia0b0n2523191 (entretien avec l’historien Pierre Leclerc sur l’origine des frites publié par La Voix du Nord le 30 novembre 2014), http://belgapom.be/fr (site de Belgapom, l’association professionnelle du négoce et de la transformation belges de pommes de terre), http://belgapom.be/_files/downloads/jaarverslag2013-2014-FR.pdf (rapport annuel 2013-2014 de Belgapom), www.frietmuseum.be/fr (site du musée de la frite à Bruges), www.navefri-unafri.be/_francais/index.asp (site de l’Union nationale des frituristes-Unafri), www.lavenir.net/article/detail.aspx?articleid=DMF20141126_00564631 (source de la citation de Bernard Lefèvre, le président de l’Unafri), www.breaktime.be (site de la société BreakTime Solutions, créatrice de la machine à frites), www.fritmap.com/fr/classement-meilleures-friteries-belgique (classement en ligne des meilleures friteries de Belgique), https://www.facebook.com/AgricultureWallonie (page Facebook consacrée au concours « selfrite »).
Notre illustration est une copie d’écran de la home page du site internet de la semaine de la frite.
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