Le drame qui s’est produit autour du projet de barrage de Sivens a contribué à faire connaître son existence même aux yeux du grand public. Les médias ont néanmoins peu abordé son objectif réel qui est avant tout de nature agricole. Pour mieux comprendre, point par point.
La plupart des Français ont entendu parler pour la première fois du projet de barrage, ou de retenue d’eau, de Sivens dans le Tarn le 25 octobre dernier à l’occasion du décès d’un jeune militant. Les médias ont alors mis l’accent sur les circonstances du décès et les polémiques politiciennes qui l’ont suivi, notamment entre le gouvernement et les leaders d’Europe Ecologie Les Verts, ainsi que sur les controverses autour de la construction du barrage et la poursuite du projet, le Conseil général du Tarn, le maître d’ouvrage du barrage, décidant finalement le 31 octobre de suspendre les travaux.
On a cependant très peu parlé des objectifs même du barrage en question qui sont avant tout de nature agricole et du contexte plus global qui a présidé à la décision de le construire. Dix questions peuvent être posées à ce propos.
Ce projet se situe dans le bassin-versant d’un affluent du Tarn, le Tescou, sur la commune de Lisle-sur-Tarn à une cinquantaine de kilomètres au nord-est de Toulouse. Le Tescou, et son affluent, le Tescounet, sont des petits cours d’eau, dont le débit peut même être nul durant certaines périodes sèches. Le bassin-versant du Tescou concerne les départements du Tarn, du Tarn-et-Garonne et, dans une moindre mesure, de Haute-Garonne.
Il s’agit du Conseil général du Tarn, qui est géré par la gauche et dont le président est le sénateur socialiste Thierry Carcenac. On l’a vu, c’est le Conseil qui était compétent pour décider de suspendre les travaux.
Une première étude a été effectuée dès 1989 par la Compagnie d’aménagement des coteaux de Gascogne (CACG). Un projet d’aménagement a été envisagé par la suite à plusieurs reprises, en 1993, en 2000 et en 2005. Mais c’est seulement en 2012 que l’enquête d’utilité publique a émis un avis favorable relatif au projet de retenue d’eau. Celui-ci a été autorisé ensuite par la préfecture du Tarn en octobre 2013. Cela a conduit à la première occupation du site, d’autant que le Comité scientifique régional du patrimoine naturel et le Conseil national de la protection de la nature avaient, de leur côté, émis des avis défavorables. C’est la CACG qui est en charge de la construction de la retenue d’eau. La « mise en eau » était initialement prévue pour l’hiver 2015-2016.
Si l’on reprend les termes utilisés dans le rapport du Conseil général de l’Environnement et du Développement durable (CGEDD) du ministère de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie qui avait été commandé par Ségolène Royal, le ministre de l’Ecologie, le 29 septembre dernier et qui lui a été remis en octobre, l’objectif du barrage de Sivens est de « créer une retenue de 1 500 000 mètres cube sur la rivière le Tescou » grâce à une digue de 12,8 mètres de hauteur et d’une longueur de 315 mètres en vue de « compenser les prélèvements d’irrigation effectués en été sur la rivière Tescou, par stockage d’un volume équivalent en période hivernale ». Ce barrage est censé être complémentaire d’un autre projet, celui du barrage de Thérondel, situé sur un affluent du Tescou, le Tescounet, qui a été réalisé en 2009. Selon les auteurs du rapport du CGEDD, la spécificité de ces deux barrages est qu’ils sont alimentés par des cours d’eau à faible débit en hiver comme en été.
Selon le rapport du CGEDD, la retenue d’eau vise à « permettre la sécurisation de l’irrigation dans un territoire rural où l’agriculture se maintient difficilement, bien qu’il s’agisse de l’activité économique principale ». Le président du Conseil général du Tarn parle quant à lui, d’un « projet déclaré d’intérêt général et d’utilité publique, pour l’avenir d’un territoire rural en souffrance, le maintien et le développement d’une activité agricole diversifiée avec des exploitations de taille modérée et la préservation de la qualité de l’eau ».
Les opposants au barrage contestent son utilité même, notamment parce qu’il contribuerait à détruire une « zone écologique d’intérêt majeur ». L’Appel lancé par Europe Ecologie Les Verts à propos de ce projet parle d’« un barrage inutile, coûteux et symbole d’une agriculture dépassée ».
Selon le Conseil général du Tarn, les deux retenues d’eau de Sivens et de Thérondel bénéficieraient à 81 exploitations agricoles. Les opposants au projet indiquent que seuls 19 exploitations pourraient bénéficier du barrage de Sivens. D’après le rapport du CGEDD, 30 exploitations pompent en moyenne chaque année le long du Tescou, 46 exploitations déposent une demande chaque année et 70 sont qualifiées d’ « intéressées ».
Outre le Conseil général du Tarn, le projet de retenue d’eau de Sivens est également soutenu par les élus des communes environnantes et par la Chambre d’agriculture du Tarn. Dans un communiqué publié le 28 octobre 2014, cette dernière estime que « les réactions d’opposition au projet de barrage de Sivens ont pris ces derniers jours, une dimension disproportionnée devant laquelle la profession agricole de nos départements très ruraux, se trouve totalement désemparée ». Pour la chambre, le barrage a, en effet, pour objectif de « maintenir une agriculture familiale qui s’exerce dans des conditions relativement difficiles dans le bassin versant du Tescou où la pénurie d’eau est une réalité incontestable ».
La FNSEA a également apporté son soutien au projet. Le 29 octobre dernier, Xavier Beulin a d’ailleurs qualifié les opposants au barrage les plus radicaux de « djihadistes verts », ce qui a suscité une polémique, en particulier avec le mouvement Europe Ecologie Les Verts.
D’après le rapport du CGEDD, le territoire du bassin-versant du Tescou est occupé à hauteur de 88 % par les activités agricoles, même si en l’espace de dix ans (2000-2010), le nombre d’exploitations a été réduit de 29 %, passant ainsi de 1 038 à 738. Il en est de même pour les surfaces irriguées qui ont diminué d’un tiers et ne représentent désormais que 12,5 % de la surface agricole utile. Les auteurs du rapport indiquent d’ailleurs que les cultures sèches ou faiblement irriguées (céréales à paille, sorgho, tournesol) se sont développées ces dernières années.
Malgré son déclin, l’agriculture reste tout de même l’activité économique principale de ce territoire. C’est la raison pour laquelle, selon le quotidien La Croix daté du 3 novembre, « la colère gronde aussi chez les agriculteurs », comme peuvent en témoigner les réactions de plusieurs agriculteurs locaux.
Pierre Bretou, un agriculteur de 53 ans dont l’exploitation se situe à proximité de la forêt de Sivens, explique ainsi que « ce projet, on en parle quasiment depuis que je me suis installé, en 1985. On touchait enfin au but, et voilà que des gars qui ne connaissent rien à la vie d’ici viennent tout détruire. C’est insupportable ». L’une des questions-clefs pour les agriculteurs locaux réside, en effet, dans la gestion des contraintes hydriques. Pierre Bretou indique ainsi que « La production intensive que dénoncent les écologistes, dans cette vallée, ça n’existe pas. Ce qui existe, c’est le manque d’eau dont nous souffrons régulièrement ». Il en conclut d’ailleurs que « nous sommes des exploitations fragiles. Et ce barrage, c’est pour nous une sécurité, la possibilité de survivre. […] Avec l’accès à l’eau, c’est notre avenir qui se joue ».
Bertrand Durrieu, un autre agriculteur mentionné par La Croix, lui, va même jusqu’à défendre à la fois le barrage et… la culture bio : « Les opposants disent aux agriculteurs locaux : passez au bio, moins consommateur d’eau, et mettez en place des circuits courts de distribution. Ça tombe bien : c’est exactement ce que je fais depuis 2010. Mais le bio aussi, sur des terres qui ici sont excellentes mais très sèches, demande beaucoup d’irrigation ! Comme exploitant bio et favorable au barrage, je les agace au plus haut point. »
Ce projet de barrage s’inscrit également dans un contexte plus large, qui consiste à faire face à des contraintes hydriques croissantes dans la région et à l’impact du changement climatique, notamment pour le secteur agricole. Thierry Carcenac, le président du Conseil général du Tarn, indique d’ailleurs que « les travaux menés à la demande du Comité de Bassin par l’agence de l’eau Adour Garonne, à savoir l’étude Garonne 2050, prédisent un déficit en eau marqué sur le bassin de la Garonne dans les prochaines années, et ce quels que soient les scénarios retenus en termes d’usages futurs ».
La Synthèse de l’étude sur les besoins et les ressources en eau à l’échelle du bassin Garonne indique, en effet, qu’à l’horizon 2050, le sud-ouest de la France pourrait connaître une augmentation de la température moyenne annuelle entre 0,5°C et 3,5°C. Cela signifie que les étés devraient être caractérisés dans la région par des périodes de canicule et de sécheresse. Les auteurs de cette synthèse prévoient en conséquence des « baisses annuelles de débits de toutes les grandes rivières du sud-ouest, comprises entre 20 et 40 % ». Dans un entretien accordé au Monde le 28 octobre dernier, Thierry Carcenac mentionne à ce propos que le département du Tarn « achète chaque année 20 millions de m3 [d’eau] pour un peu plus d’un million d’euros »
Trois enseignements peuvent être tirés de cette « affaire » ultramédiatisée. Le premier est qu’il est symptomatique de ce qu’est la démocratie d’opinion, à savoir une dérive de la démocratie représentative où les élus sont dans une logique de suivisme par rapport au « bruit médiatique », aux courants d’opinion les plus audibles qui peuvent s’exprimer dans les sondages et dont la société civile se présente souvent comme le porte-parole.
Le deuxième enseignement est qu’il existe à l’évidence une « bataille » des systèmes de valeurs sur différents enjeux où le point de vue écologiste tend souvent à prédominer sur celui de nature économique et notamment celui des agriculteurs. On peut le voir sur d’autres sujets intéressant ces derniers comme les biotechnologies, les produits phytosanitaires, l’élevage intensif (bien-être animal, algues vertes), etc.
Enfin, le troisième est une certaine tentation de la décroissance en France dont témoignent les différents blocages qui se produisent un peu partout sur le territoire par rapport à des projets qualifiés d’« inutiles » par les militants et qui concernent très souvent les agriculteurs et l’utilisation de terres agricoles : Notre-Dame des Landes, la ferme des 1 000 vaches, EuropaCity, etc.
En savoir plus : www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/144000641/0000.pdf (rapport du Conseil général de l’Environnement et du Développement durable du ministère de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie intitulé « Expertise du projet de barrage de Sivens (Tarn) »), www.tarn.fr/Fr/Actualites/Pages/Discours-du-President-du-Conseil-general.aspx (discours d’ouverture du président du Conseil général du Tarn lors de la séance du 31 octobre consacrée à la retenue d’eau de Sivens), http://eelv.fr/2014/10/13/sivens-lappel/ (Appel d’EELV intitulé « Sivens, l’Appel ! » lancé en octobre 2014), www.tarn.chambagri.fr/fileadmin/DocInternet/actualites/communique-SIVENS_TARN_TARN_et_GARONNE.pdf (communiqué de la Chambre d’agriculture du Tarn publié le 28 octobre 2014), www.lepoint.fr/societe/sivens-la-fnsea-denonce-les-djihadistes-verts-29-10-2014-1876846_23.php (citation de Xavier Beulin sur les « djihadistes verts »), www.la-croix.com/Actualite/France/A-Sivens-la-colere-gronde-aussi-chez-les-agriculteurs-2014-11-03-1258369?xtor=EPR-9-%5B1300736272%5D (article de La Croix du 3 novembre sur la colère des agriculteurs locaux), www.garonne2050.fr/documents/093843synthese_garonnen2050ncb.pdf (Synthèse de l’étude sur les besoins et les ressources en eau à l’échelle du bassin Garonne), www.lemonde.fr/planete/article/2014/10/28/sivens-il-n-est-pas-possible-que-des-gens-violents-imposent-leur-decision-a-tous-les-autres_4513988_3244.html (entretien accordé par Thierry Carcenac au Monde le 28 octobre 2014).
Notre illustration ci-dessous est une copie d’écran d’une vidéo de BFM TV sur le barrage de Sirvens que l’on retrouve sur ce lien (deuxième vidéo proposée) : http://www.bfmtv.com/societe/barrage-de-sivens-segolene-royal-appelle-a-l-evacuation-du-site-844611.html
Je confirme les propos de reg 17, Mr Benoit Biteau soit disant agriculteur et malheureusement élu de la région Poitou-Charentes participe au déclin de l’agriculture régionale, pour information la région subventionne les agriculteurs irrigants pendant 5 ans pour qu’ils arrêtent irriguer. Après 5 ans tous les droits auront disparus ainsi qu’une partie de la production et la rentabilité des exploitations concernées; ce sont des subventions distribuées pour arrêter de travailler……. on marche sur la tête !
Ces gens là sont très dangereux pour l’agriculture Française, pour son économie et pour notre avenir.
RDV sur le barrage de Sivens samedi 15 novembre pour soutenir nos collègues du sud, ne nous laissons pas mener par des bandes de marginaux improductifs qui paralyse tous les projets porteur d’avenir pourtant si nécessaire en ce moment.
Ce sont tous les Français qui souhaitent que la France avance qui doivent soutenir ce projet et pas seulement les agriculteurs.
Elus , OPA, instituts, simple citoyens ……… tous à Sivens
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Je voudrais savoir ce que font les syndicats lorsque au journal de 20 heure du 4 novembre sur TF1 un certain Benoit Biteau parle de sont maïs en culture sèche ! Le problème c’est qu’il ne fait à plus de maïs et il a été filmé dans le champ d’un voisin irrigant . Ce voisin a essayé de contacter TF1 mais personne ne veut l’écouter . Voilà un sujet qui sert à désinformé les gens contre les agriculteurs irrigant