eta 11 semaine 37 couverture

Les dérobées dans la poche

Dans un secteur du Soissonnais, en partie constitué de terrains irrigués, les cultures industrielles, légumières ou à vocation énergétiques se sont taillées une place de choix dans le paysage en culture principale ou en dérobée. Pour l’ETA BD-Agri cela implique une précision millimétrique dans la gestion des chantiers de préparation post-récolte ainsi que les semis. Pas de place aux temps morts et respect des sols avant-tout. 

Après les pois de conserve récoltés à la fin du printemps, être prêt à faire feu pour semer du maïs ensilage en culture énergétique. Après les premières moissons d’orge ou de colza, encore se tenir prêt à semer le plus tôt possible des haricots pour la surgélation ou encore des couverts énergétiques d’avoine-pois ou de seigle-vesce pour les méthaniseurs en injection directe pour l’agglomération toute-proche. Car ici, sur les plateaux du Soissonnais, les terres de limons à haut potentiel associées à des capacités d’irrigation importantes, permettent aux systèmes d’exploitation de grandes-cultures d’envisager fréquemment deux cultures dans l’année et devaloriser chaque   couvert. Voici-donc   à   quoi   ressemble les transitions d’intercultures pour l’ETA BD-Agri créée en 2009 à Chaudun dans l’Aisne, et qui travaille à l’intérieur d’un cercle de 50 km de rayon autour de Soissons. Menée par son responsable Jacky Baes, cette dernière s’est organisée pour faire feu rapidement entre la chaîne de récolte et de semis et se prépare à mettre encore le pied sur l’accélérateur l’an prochain. En effet, le phénomène des dérobées n’est pas près de décélérer dans le secteur. L’arrivée d’une ligne de raccordement au gaz à la ville de Soissons a notamment vu se cabler dans le secteur un chapelet de trois méthaniseurs (le troisième est en construction et compte l’EARL familiale comme investisseur). Dans cette région qui ne comporte presque pas d’élevage, la montée en puissance de ces unités crée logiquement de la demande pour l’implantation de nouvelles cultures dérobées.

Un contre-la-montre

« Après une récolte, au lieu d ’envisager de produire un couvert le plus facile que possible à détruire, nous visons au contraire un semis très précoce pour un couvert foison- nant et productif. Cela permet de récolter plus de biomasse dans le cas d’une culture intermédiaire à vocation éner- gétique (Cive) et de gagner du temps de développement pour une culture légumière comme le haricot de surgéla- tion par exemple, constate Jacky Baes. En plus de cela, un couvert semé tôt aura plus de temps pour jouer son rôle en faveur de la restructuration du sol et de restituer de l’azote dans le cas de la présence d’une légumineuses ». Ainsi dès qu’une place est libérée par une culture, c’est un contre-la montre qui se joue pour le semis d’interculture. Idéale- ment une dérobée est semée trois jours après la récolte et au plus proche du travail du sol pour ne pas perdre l’humidité bénéfique à la levée présente dans la terre fraî- chement travaillée. Cela implique une grande réactivité et une gestion agile des plannings en lien avec les clients agriculteurs. En plein cœur des moissons, épaulé par une quinzaine de chauffeurs dont environ cinq saisonniers, Jacky Baes constitue trois équipes. Une pour les moissons, une pour les épandages de fumier solide principalement et l’autre pour le travail du sol et les semis. Les trois moissonneuses équipées de coupe à tapis en 9 et 10 m, tournent alors en simple poste avec un chauffeur attitré par machine. « J’ai aussi un quatrième chauffeur « volant » qui prend le relais des chauffeurs de mois- sonneuses à tour de rôle. Je prof ite de cela aussi pour organiser les repos des chauffeurs. C’est important pour eux d’avoir des moments pour lâcher la pression. Par ailleurs, je travaille aussi en commun avec une ETA amie du Pas de Calais avec laquelle nous faisons transhumer une moisson- neuse avec chauffeur pour prof iter du décalage des maturités ». L’ETA moissonne ainsi chaque année entre 2000 et 2400 ha de cultures d’hiver. Une fois le champs libéré des pailles, ou sur paille broyée, l’idéal est de passer un engrais organique qui aidera à la décomposition des restes de la culture précédente. C’est là qu’intervient l’équipe d’épandage avec deux épandeurs automoteurs Vervaet Panien à 5 roues. « Dans le secteur,  nous  n’avons  pas  d ’élevage, mais nous avons la chance de disposer du fumier des champignonnières qui représente 50 % des 35 000 t à 40 000 t que nous épandons chaque année, avance Jacky Baes Nous sommes associés à un projet de méthanisation. L’an prochain nous pourrons épandre également du digestât liquide de méthaniseur via une rampe Listech également en partie en post-moisson ».

L’équipe chargée du travail du sol et du semis intervient idéalement après un épandage, pour les déchaumages, labours ou pseudo-labours afin de semer rapidement dans la foulée. Les labours, déchaumages et roulage sont encore souvent pratiqués par les agriculteurs eux-mêmes   dans ce secteur. L’ETA intercale alors son chauffeur avec semoir au sein du chantier de l’agriculteur.

Concernant le travail du sol, l’entrepreneur privilégie les outils de travail du sol non porté pour limiter les contraintes sur les parties mécaniques du tracteur. Le matériel de semis en revanche est systématiquement porté ou semi-porté pour gagner en vitesse de travail. A noter également que tous les outils de travail du sol et les semoirs sont montés en largeur de travail de 6m, ceci pour rationaliser l’ensemble des chantiers. Les besoins en puissance de traction sont ainsi rela- tivement importants pour travailler sur cette largeur.

Conserver les sols

Avec la mise en place de dérobées, la structure des sols est parfois mise à rude épreuve. « Par exemple après un pois de conserve la parcelle laisse une bonne structure pour semer un blé derrière. Si on y intercale un maïs en dérobée, alors l ’effet de structure gagné par le pois peut être perdu pour le blé, détaille l ’en- trepreneur. Nous sommes dans ces configurations-là certainement encore plus vigilants au respect des sols ». L’ETA a investit depuis plusieurs années dans des pneumatiques larges et à basse pression. L’investissement dans des roues jumelées a été mis à l’étude, puis laissé de côté. « Nous travaillons au sein d’un cercle de 50 km de rayon autour de Soissons. Nous faisons beaucoup de route. Pour rester dans les normes routières,nous  ne  pouvons  pas  dépasser  les  3,50m  d ’en- combrement en largeur sur la route », souligne Jacky Baes. S’il est trop coûteux d’installer le télé-gonflage sur les tracteurs déjà présents sur l’ETA, les prochains achats se feront avec télé-gonflage du moins pour les tracteurs de tête. Toujours par souci du respect des sols, les chauffeurs sont expérimentés pour réaliser des tracés sans manœuvre de marche arrière. Aux champs, l’ETA est équipée d’un transbordeur à céréales et d’un autre à bette- raves également pour limiter le ballet des remorques. Cela permet aussi de faire tourner au maximum les matériels de récolte et d’arrachage, sans temps mort. La totalité des 450 ha de maïs grain battus par l’ETA passe ainsi de la machine au transbordeur qui alimente directement la flotte de camions vers le séchoir. En céréales à paille, le transbordeur répond à une demande des clients pour charger des camions directement, et’économiser ainsi une rupture de charge logistique.

Largeur – Tout le matériel de travail du sol et de semis est en 6m afin de rationaliser l’organisation et le suivi des chantiers

Si les moissons sont réalisées en simple poste, Jacky Baes organise des doubles postes jour-nuit pour certains travaux. Il en va des épandages de fumier, des chantiers de récolte des betteraves et de pommes de terres. Les labours d’hiver sont également organisés en double postes au plus fort de l’activité. Travailler à plusieurs postes nécessite une bonne gestion de la fatigue et des machines, mais c’est une clé pour amortir le matériel. Les quatre tracteurs de tête font entre 250 et 400 cv et tournent entre 1200 et 1500 h par an. Les trois tracteurs de queue tournent 800 h par an environ. 

La performance se joue à l’atelier

A l’ETA BD-Agri, la clé dans la gestion des travaux d’implantation des dérobées, passe aussi par l’atelier qui occupe à temps plein 1,6 UTH, pour les campagnes d’été et d’automne. Le chef d’atelier est d’astreinte jour et nuit lors des moissons ; il peut être appelé à tout moment en cas de panne.

L’ETA mise aussi sur le confort de travail en atelier qui est abrité sous un hangar neuf. Il est équipé d’un véritable magasin de pièces détachées récupéré auprès de l’atelier d’une concession agricole. BD-Agri a d’ailleurs signé une convention avec la MSA pour mettre l’atelier aux normes. En plus de la mezzanine, des descentes de prises d’air et d’électricité sont assurées qui évitent de voir traîner des fils et tuyaux au sol. Pour faciliter les dépannages dans le cas de pannes plus lourdes, l’ETA s’est habituée également à ne travailler qu’avec un seul concessionnaire de confiance en l’occurrence le concessionnaire Class et les établissements Dachy.

Une spécialisation dans l’engrais localisé

L’entreprise BD-agri s’est rapidement tournée   vers des outils de   localisation de l ’engrais au  semis sous des formes à la fois solides et liquides. En betteraves,  l’ETA  propose également  l’incorporation de l ’ herbicide Avadex. L’engrais en localisé est aussi proposé pour les plantations de pommes de terres. « La localisation de l ’engrais au semis permet des économies d ’ intrants allant jusqu’ à 30 % », souligne le responsable de l’ETA.

Texte et photos: Alexis Dufumier

 

Article Précédent
Article Suivant