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Les cultures privées de néonicotinoides

Les Etats-membres n’ayant pas réussi à s’accorder à l’unanimité, la Commission européenne devra trancher elle-même sur l’interdiction des néonicotinoides, ces substances qui font partie de plusieurs pesticides souvent utilisés. La logique voudrait que la Commission, qui initialement a demandé cette interdiction, reste sur ses positions. Mais…

Dans tout pouvoir, il existe des luttes internes. Et c’est sur ces luttes que comptent plusieurs parties prenantes pour un revirement de situation. Même s’il semble improbable aujourd’hui. Mais commençons par le commencement.

Rappel des faits. Le commissaire européen à la Santé, Tonio Borg, s’est prononcé pour l’interdiction unilatérales de tous les produits utilisant certaines molécules, les néonicotinoides. Ceci, en s’appuyant sur des thèses de l’EFSA (autorité européenne de sécurité des aliments). Mais les opérateurs concernés (Bayer, Syngenta…) se sont émus du fait que les études de l’EFSA pour donner cet avis manquaient de rigueur et donnaient des conclusions pour le moins hâtives. Les Etats-membres devaient donc se décider sur le dossier. Or, aucune unanimité n’a pu être obtenue. De fait, la décision revient à la Commission européenne.

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Passons aux interprétations. Il apparaît que c’est davantage au nom du principe de précaution qu’en regard à la légitimité des études faites très rapidement par l’EFSA que le Commissaire européen à la Santé s’est fondé dans ses demandes. Pour autant, l’interdiction pure et simple et sans discernement des différents types d’utilisation (quantités, lieux, mode d’utilisation…) pose des problèmes économiques non seulement aux marques, mais également aux utilisateurs, à savoir les agriculteurs. Par exemple, le Cruiser sur colza, édité par Syngenta, est concerné.

Un revirement est-il encore possible ?

Puisque les Etats-membres ne se sont pas décidés, il semble logique que la volonté du commissaire européen à la Santé soit adoptée, puisque c’est la Commission européenne qui doit décider. Pour autant, plusieurs communiqués (ceux de Syngenta, mais aussi d’Orama ou de la FNSEA) laissent à penser que la partie n’est pas encore totalement terminée. Les uns et les autres demandent en effet à la Commission de prendre le temps de se fonder sur des études plus longues avant de prendre une décision ferme.

Par rapport à ce qui est reproché à ces pesticides (d’être à l’origine de la disparition des abeilles), les arguments contradictoires ne manquent pas. D’abord l’observation d’agriculteurs céréaliers ayant également des ruches, qui le plus souvent précisent ne pas avoir constaté de lien de cause à effet entre les années à forte utilisation de pesticides et les années à faible densité d’abeilles : au contraire disent même certains, qui envisagent plutôt des causes d’ordre météorologique à la disparition des butineuses. Ensuite par rapport à l’utilisation des produits, parfaitement dosés pour les besoins, bien en-deçà des dosages exprimés dans les études de l’EFSA. Parlons également du mode d’application des produits : dans l’hypothèse où la Commission retoquerait officiellement les pesticides concernés, il faudrait les remplacer. Or, les molécules qui seraient utilisées alors, les pyréthrinoïdes, s’utilisent en traitement aérien et se dispersent dans l’air : est-ce écologiquement plus sain ?

Forts de ces arguments, les céréaliers d’Orama ou les agriculteurs de la FNSEA plaident en faveur d’une réévaluation de la situation, avec une recherche plus précise de tout ce qui impacte sur la mortalité des abeilles.

Comment, dès lors, peuvent-ils espérer un revirement ? En s’adressant à la tête de la Commission européenne. En gros, en espérant que son président José Manuel Barroso ne contredise Tonio Borg. Cela reste peu probable.

Au-delà de la question immédiate sur les néonicotinoides, une autre me vient à l’esprit, davantage sur le fond : si, dans quelques années, on se rend compte que la mortalité des abeilles s’accentue toujours, n’aura-t-on pas perdu un temps précieux en ne s’attaquant qu’à une des causes possibles, et en se donnant ainsi bonne conscience trop rapidement ?

Et vous, qu’en pensez-vous ? Pour en débattre, rendez-vous ci-dessous dans l’espace « Ecrire un commentaire ».

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