L’agriculteur est un fidèle de la marque Fendt « pour la fiabilité et le faible niveau de décote ».
Agriculteur sur 600 ha dans le Calvados et entrepreneur né, Christian Duchemin participe à une filière valorisante « sans pesticides de synthèse après la levée ». Son projet de biogaz lui permettrait à l’avenir également de produire des digestats et de se passer des engrais de synthèse. Rencontre.
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Si je n’avais pas fait ce métier, j’aurais gâché ma vie. J’aime trop ce que je fais », lâche Christian Duchemin au détour de la conver- sation. Aujourd’hui 64 ans au compteur, cet agriculteur entrepreneur regarde en arrière avec la satisfaction d’avoir vécu sa vie comme il la voulait et il se donne encore 10 ans de travail avant de raccrocher les crampons. Fils d’ouvrier en mécanique, il n’était pourtant pas naturellement prédestiné à devenir agriculteur. Il s’y est lancé par choix et par passion. C’est ainsi que les agriculteurs se tournent davantage vers la culture de la pomme de terre jugée plus rému- nératrice et dont ils avaient déjà débuté la production à l’installation avec 2 ha. Trente-sept ans plus tard la SCEA (La société civile d’exploitation agricole) devait en cultiver presque deux cents fois plus avec 350 ha en 2021. Aujourd’hui l’exploitation familiale compte environ 600 ha et un atelier de vaches allaitantes et d’engraissement de taurillons (600 têtes en tout).
Dès le démarrage de la production de la pomme de terre dans les années 80, Christian s’oriente vers le débouché de la grande distribution avec son client historique Promodès (racheté ensuite par le groupe Carrefour). S’ajouteront ensuite à la liste des clients, super U et grand Frais. En parallèle du déve- loppement de la production, Christian développe sa propre marque « la ferme du val d’Odon » et investit dans le conditionnement et le transport. Revendue depuis peu à un négoce local (D2N), cette activité emploie une soixantaine de personnes.
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Pendant toute cette période, l’agriculteur innove sur la partie conditionnement. Il développe notamment l’activité de pommes de terre sachet et de pommes de terre épluchées pour les grandes surfaces ainsi que pour les restaurateurs. Avec ses équipes, il met aussi au point un sachet de pomme de terre fraîches micro-ondables.
Depuis plusieurs années, l’agriculteur souhaitait aussi répondre aux attentes sociétales visant à réduire l’utilisation des produits de synthèse lors de la culture. Après cinq ans de travail mené en ce sens par la mise en place d’essais avec des obtenteurs de variétés et des fournisseurs de solutions en agroécologie, il est ainsi parvenu à caler un itinéraire technique sans traitements après la levée. Ce mode de production est distingué sur les sachets par une mention valorisante. Il s’autorise encore un voire deux herbicides ciblés en prélevée. Par ailleurs il concède avoir recours au cuivre, mais à des doses très faibles : « bien plus faible qu’en agriculture biologique, pour ne pas pénaliser les sols. Nous maintenons des rendements proches de ceux du conventionnel à environ 50 t/ha. Cependant le coût de la protection en agroécolo- gie est 3 à 4 fois supérieur. Nous devons répercuter au moins 15 % de surcoût sur le prix de vente des pommes de terre à la distribution (Carrefour). Nous continuons de monter en puissance sur cette filière. En 2021, nous en cultivions 80 ha. Pour 2022 nous en avons prévu 120 ha. Malgré la progression de ces plantations en agroécologie, nous avons décidé de réduire production de pommes de terre dans son ensemble. Nous en avons cultivé 350 ha en 2021 et nous passerons à 250 ha en 2022, pour pouvoir mieux gérer les plannings au sein de l’exploitation agricole. En effet, pour respecter les rotations, nous sommes obligés de nous déplacer loin en tracteur, jusque dans l’Eure ce qui représente beaucoup de temps passé sur la route. Aujourd’hui nous sommes six à travailler sur la SCEA mais pour bien faire il fau- drait que nous soyons huit. Malheureusement nous avons beaucoup de mal à recruter des personnes formées et motivées ».
« Mon grand-père était agriculteur et mon père avait 5-6 ha à côté, nuance-t-il. Quand nous nous sommes lancés en 1984 avec ma femme, nous avons choisi l’élevage de mouton. C’est une superproduction pour démarrer, car l’argent tourne très vite. Mais l’affaire du Rainbow warrior nous est tombée sur la tête en 1985. Pour se faire pardonner d’avoir fait couler le bateau de Greenpeace en Nouvelle-Zélande, le gouvernement français a levé les droits de douane sur la viande de mouton. Les cours se sont effondrés. Nous venions de faire un nouveau bâtiment, mais nous avons quand même dû abandonner ».
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En plus du développement de la filière agroéco- logie, Christian et son fils Anthony se sont lancés un nouveau défi avec un projet de méthanisation en tête. La demande de permis de construire a été faite pour un projet en injection calibré pour produire 6000 m³ de biogaz pour la commune de Villers Bocage basée à 7km du site de la ferme. L’in- vestissement prévu se chiffre à 4,5 millions d’euros. L’unité est réfléchie dans une logique d’économie circulaire. Les fumiers issus des 600 bovins présents fourniront la moitié des besoins du digesteur. L’autre moitié sera essentiellement assurée par du maïs et des cultures intermédiaires à vocation énergétique (Cive). « Nous voulons utiliser uniquement des matières de grande qualité. Nous souhaitons pouvoir bien doser la composition des matières fermentescibles à l’entrée pour obtenir un digestat de composition fertilisante adapté aux besoins de fertilisation des pommes de terre. Cela nous permettra de ne plus utiliser d’engrais de synthèse sur les pommes de terre et d’améliorer encore le niveau d’exigence pour la filière agroécologie. A l’échelle de l’exploitation, la méthanisation réduira de 50 % nos besoins en engrais azotés minéraux ! », anticipe Christian Duchemin. A côté de cet investissement, les agriculteurs ont aussi déjà en tête un projet d’installation de panneaux photovoltaïque sur des bâtiments.
Pour l’accompagner dans tous ses projets, la SCEA a besoin de financeurs. Or certains investissements sont difficilement finançables par les banques. C’est le cas notamment pour les investissements non directe- ment productifs comme la mise en place d’essais de parcelles conduites en agroécologie. Les exploitants ont en partie trouvé la parade en ayant recours au financement participatif via la plate-forme dédiée à l’agriculture Miimosa. Un premier appel de fonds en 2019 a permis de récolter 50 000 € pour financer des essais en agroécologie. Le deuxième a permis de récolter 120 000 € pour l’achat d’un semoir Lemken de semis direct en double trémie pour semer les couverts (seigle ou seigle-vesce), mais aussi le colza et les céréales. La double trémie permet de semer des mélanges ou de localiser l’engrais starter sur colza. « Nous avions besoin de l’argent rapidement pour cet investissement ce qui a été rendu possible avec la plateforme de financement, constate Chris- tian. En contrepartie, les particuliers cherchent sur la plateforme un rendement supérieur à l’épargne habituelle. Côté agriculteur, il faut accepter un taux d’intérêt d’environ 4 % à mettre en parallèle avec l’absence d’assurance emprunteur. En tant qu’agri- culteur, je pense aujourd’hui que nous avons besoin de nous rapprocher des citoyens dans de nombreux domaines alors pourquoi pas, pour nous financer ? Ce principe du circuit court de l’argent est une très belle idée, et j’aimerais que cela puisse aller encore beaucoup plus loin. L’échéance est actuellement limitée à 7 ans. Avec des échéances plus longues on pourrait financer du foncier par exemple ».
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La production de pommes de terre en agroécologie est valorisée dans une filière « Cultivées sans pesticides de synthèse après la levée ».
« Sans produit phytosanitaire de synthèse après la levée, nous maintenons des rendements proches de ceux du conventionnel à environ 50 t/ha. Cependant le coût de la protection en agroécologie est 3 à 4 fois supérieur », souligne Christian Duchemin.
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Auteur: Loïc Dufour