Le ministère de l’Agriculture a envoyé un mémorandum à la Commission européenne dans lequel il liste une série de mesures à prendre pour tenter de sortir les filières laitière et porcine de la crise. WikiAgri s’est procuré ce mémorandum qui sera défendu aujourd’hui à Bruxelles, en voici les grandes lignes.
« Outre les aides directes d’urgence aux éleveurs décidées à l’automne 2015, la crise actuelle nécessite une action temporaire sur le marché afin de rééquilibrer les flux commerciaux. De plus, des réponses structurelles sont nécessaires au niveau de l’Union européenne, étant donné la dimension européenne de cette crise. » Ces propos émanent du mémorandum élaboré pour préparer le Conseil européen des ministres de l’Agriculture de ce 15 février, et qui y sera défendu par Stéphane Le Foll. Il a été envoyé le 4 février dernier à la Commission européenne. Pour mémoire, un mémorandum est un avis donné, consultatif à la base, mais qui peut aussi donner lieu à des discussions jusqu’à des décisions, ce qui est espéré ici.
Les propositions contenues dans ce texte et discutées avec les représentants professionnels agricoles français, visent à trouver une issue aux crises laitière et porcine. Celles-ci n’épargnent aucun pays de l’Union européenne, même les plus libéraux. Mais les détracteurs de la dérégulation de la Politique agricole commune des années 2000 y verront ni plus ni moins des mesures visant à restaurer un certain nombre d’outils de régulation des marchés dont ils avaient combattu la suppression.
En production laitière, le mémorandum suggère à la fois des mesures conjoncturelles et structurelles. Ainsi, la reconduction de l’aide au stockage privé doit être assortie d’un relèvement temporaire du prix d’intervention de plusieurs centimes par litre assorti d’un engagement sur les volumes produits.
« Un mécanisme d’aides européennes octroyées aux producteurs ayant volontairement réduit leur volume de production en période de baisse des prix (sur la base du modèle adopté par une coopérative néerlandaise) pourrait aussi être instauré. » On ne parle plus de quotas mais ça y ressemble !
Toujours selon le mémodandum, l’Union européenne devrait aussi financer des campagnes de promotion des produits laitiers et se doter d’un outil de crédit export européen pour « favoriser les exportations en permettant aux entreprises exportatrices de proposer des solutions de financement à leurs clients étrangers, et donc de conclure des ventes ».
Par ailleurs, il reviendrait à un nouveau groupe de haut niveau d’envisager une révision pérenne des seuils de référence et des prix d’intervention (au même niveau depuis 2008), en tenant compte des parités de pouvoir d’achat entre les Etats membres. Le groupe de haut niveau en question devra aussi mettre au point des mécanismes innovants d’alertes de crises et de soutiens des exploitations, menacées par un fort déséquilibre de marché.
Certaines propositions contenues dans le mémorandum ont déjà l’objet de grands débats en France entre les acteurs de la filière laitière. Par exemple, « travailler sur un nouveau partage de la valeur ajoutée et sur le rééquilibrage des relations commerciales au sein de la chaine alimentaire, en vue d’une réglementation qui sanctionne les mauvaises pratiques, serait souhaitable ».
L’Union européenne devrait aussi se doter d’outils financiers pour soutenir les exploitations en difficultés et réfléchir à de nouveaux soutiens qui pourraient être apportés aux exploitations en zone de montagne (aides à la collecte par exemple).
Concernant le marché du porc, le mémorandum envoyé à la Commission européenne, des mesures d’aide au stockage privé renforcées, voire une réduction du nombre de truies mises en production pour ajuster les capacités de production à la demande et faire redresser par contre coup les cours de la viande porcine.
Le mémorandum argumente : « La réouverture du marché russe constitue un facteur déterminant pour résoudre la crise actuelle de la filière porcine. Une action diplomatique énergique doit être engagée rapidement par la commission européenne pour lever l’embargo sanitaire sur les gras et les abats porcin, qui sont concernés par l’embargo sanitaire mais pas visés par l’embargo politique russe. »
Toujours selon ce texte que doit défendre Stéphane Le Foll aujourd’hui, l’Union européenne doit aussi entreprendre « des actions pour ouvrir et pérenniser de nouveaux débouchés à l’exportation en travaillant tant sur les aspects tarifaires que sur les aspects non tarifaires ». Les barrières non tarifaires compliquent encore les exportations européennes, en particulier sur les marchés chinois, américains, australiens et mexicains.
Enfin, toujours selon les voeux émis dans le même texte, la Commission européenne devrait soumettre rapidement des propositions législatives pour faire figurer l’origine de la viande utilisée dans les plats préparés. Des mesures similaires d’étiquetage de l’origine devraient aussi être envisagées pour le lait et les produits laitiers.
Pour faire adopter ces propositions ce 15 février au Conseil européen des ministres de l’Agriculture des Vingt-huit, la France doit avoir des alliés. Un travail diplomatique en amont a été entrepris dans ce sens.
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