Comment nos éleveurs laitiers appréhendent-ils l’après quotas laitiers de 2015 ? Et que comptent faire les autres pays européens en la matière ? Quelles bases communes à tous les éleveurs laitiers européens peuvent-elles être défendues ? WikiAgri a profité d’une journée d’information européenne organisée par le Copa-Cogeca pour tenter de répondre à ces questions.
Une visite d’exploitation laitière à Frelinghien, dans le département du Nord, tout près de la frontière belge, fut le contexte choisi par le Copa-Cogeca (fédération européenne des syndicats d’exploitants agricoles et des coopératives) pour communiquer sur sa façon d’appréhender l’après quotas laitiers, à un niveau européen qui tienne compte des volontés de chaque pays membre. Un exercice loin d’être simple, car j’ai pu constater en l’occurrence que tous les pays n’appréhendent pas du tout de la même façon ce changement de politique laitière, en discutant tant avec les éleveurs français présents qu’avec les visiteurs européens, irlandais et allemands notamment.
Commençons par les exploitants français. J’en ai interrogé quatre, qui ont chacun un point de vue différent, alors qu’ils ne sont distants entre eux que de quelques kilomètres.
Sébastien Verschave tient son Gaec de la Belle Promenade avec deux associés, sa mère et son oncle. Sur deux sites qui font en tout 100 hectares, il a quelques productions végétales (maïs, blé, pommes de terre, petits pois, haricots…), 85 vaches laitières pour un quota de 900 000 litres de lait. Il est jeune, encore fraîchement installé, et pour lui l’après quotas ne l’incite pas forcément à produire plus de lait, en tout pas beaucoup plus : « Je suis très attentif aux nouvelles régulations qui vont venir à la place des quotas. Tant que l’on aura les capacités techniques et humaines de le faire, on produira plus. Mais je tiens à maîtriser ma production. A conserver la dimension humaine. Bien sûr, on peut toujours s’équiper, mais le travail de l’éleveur reste indispensable. »
Venue en voisine, Christine Delefortrie est en EARL avec son mari sur 70 hectares, avec peu ou prou les mêmes productions végétales que son voisin, un accueil pédagogique pour les écoliers locaux, et un quota de 430 000 litres de lait. Pour elle, clairement, les contrats sont appelés à jouer le rôle régulateur des quotas : « On compte sur les contrats. Ici, 95 % des éleveurs appartiennent à l’organisation de producteurs, et c’est elle qui négocie les prix, en l’occurrence pour nous avec Danone. Les contrats passés entre l’organisation de producteurs et Danone doit être notre garantie, de même que les quotas l’étaient jusqu’à présent. Pour ce qui est de produire plus, si je peux, je le ferai, mais sans augmenter ma charge de travail non plus. Et comme, au niveau du foncier, on est coincés entre l’agglomération lilloise et la frontière belge, on ne peut pas s’étendre. Il me paraît plus important d’avoir des prix maintenus par contrat que de produire plus.«
Egalement voisin, Christophe Destombes, en EARL avec sa fille sur 55 hectares (céréales, pommes de terre, fourrage), a un quota de 350 000 litres de lait. Il est en SCL (société civile laitière) à trois associés, le quota total de cette SCL étant de 800 000 litres de lait, avec 85 vaches. « Nous avons 110 places dans la SCL, dit-il, alors nous, nous allons prendre ces 25 vaches supplémentaires pour profiter au maximum de nos installations existantes. Nous allons optimiser l’existant, sans rechercher à investir davantage.«
Philippe Traché, dernier voisin immédiat de l’hôte de la journée présent, est en Gaec à deux avec un troisième associé, balman. Leurs 100 vaches produisent un quota de 900 000 litres de lait. Pour lui, pas question d’augmenter le cheptel. « Le tout, c’est le prix du lait. C’est ce qu’il faut surveiller. Et je me demande comment celui-ci va évoluer si nous avons des voisins européens qui augmentent leurs productions beaucoup plus que nous. Parce que pour s’agrandir, et notamment repenser le plan d’épandage, ce ne sera pas simple.«
Venu de Bruxelles dans le car affrété par le Copa-Cogeca, l’Irlandais Conor Mulvihill (« european affairs manager » selon sa carte de visite) m’a renseigné sur le contexte de son pays. « Notre gouvernement a annoncé qu’il voulait augmenter la production laitière de 50 % d’ici à 2020. Mais il s’agit surtout d’un discours politique. Car nos coopératives n’ont pas la même vision des choses. Pour augmenter la production, il faut être équipé pour au niveau de notre industrie, et aussi profiter de conditions météorologiques favorables, car 95 % de notre cheptel vit en extérieur et est élevé à l’herbe. Et de toutes façons, il faut relativiser : la production totale de l’Irlande aujourd’hui n’est que de 5,5 milliards de litres, nous n’allons pas bouleverser le marché européen, même si la promesse gouvernementale était finalement tenue.«
Pour le contexte germanique, c’est un confrère journaliste allemand (basé à Bruxelles donc) qui m’a renseigné. L’Allemagne compte profiter de l’après quotas pour augmenter sa production, ce serait de l’ordre de 7 % à l’horizon 2020. La production laitière allemande a la particularité de subir particulièrement la volatilité des cours, puisque avec peu de valeur ajoutée. Ces 7 % iraient donc dans la direction de la valeur ajoutée (fromages, en copiant ce que nous faisons en France à ce sujet…), la masse globale demeurant très axés sur les marchés, dont les Allemandes restent friands.
Le producteur laitier gallois Mansel Raymond, également président du groupe de travail « Lait et produits laitiers » du Copa-Cogeca, a décrit le dispositif mis en place dans le Royaume-Uni : « Nous avons adopté un « code des pratiques volontaires » selon lequel un maximum de 37 % de la production laitière va aux coopératives, avec des contrats qui peuvent être dénoncés par les éleveurs si les prix ne sont pas tenus. Le fait qu’il n’y ait que 37 % de la production vers les coopératives met les éleveurs en position de force par rapport à elles, et les prix sont maintenus.«
Le même Mansel Raymond s’est bien sûr exprimé au nom du Copa-Cogeca, en expliquant les trois axes sur lesquels il peut intervenir au nom des producteurs de tous les Etats, malgré les diversités. « La volatilité des prix est un défi majeur, et nous sommes soumis aux conditions climatiques. Si l’on regarde le revenu laitier européen moyen de ces dernières années, il a baissé de 9 % entre 2000 et 2007, de 40 % entre 2007 et 2009, pour se rétablir, difficilement, ensuite. Parallèlement, ces dernières années, les coûts de production ont augmenté, et représentent désormais 30 % du prix du lait. Nous avons donc besoin d’instruments pour soutenir les éleveurs pendant les périodes difficiles. Ils sont trois : l’intervention publique, le stockage privé, et les restitutions à l’export. Le Copa-Cogeca va insister pour que ces instruments soient utilisables, et au mieux. Parallèlement, nous observons que les marchés à terme sont importants pour combattre la volatilité (Ndlr : notre interlocuteur irlandais commentant que les producteurs de son pays seraient les premiers à y aller), et les assurances ont leur rôle à jouer pour réduire les effets de cette volatilité. Par ailleurs, les organisations de producteurs, telles que celles que vous avez en France, peuvent contribuer à réduire les coûts de production.«
Deux élus syndicaux français sont également intervenus dans cette journée européenne. Thierry Roquefeuil, président de la FNPL (fédération nationale des producteurs de lait), a également insisté sur la volatilité des prix : « Nous avons besoin d’instruments de gestion des marchés. On ne peut pas laisser les marchés seuls tout faire. »
Henri Brichart, 2e vice-président de la FNSEA en charge du lait (et accessoirement prédécesseur de Thierry Roquefeuil à la FNPL) a pour sa part axé son discours sur les déclinaisons nationales de la future Pac, en donnant son avis sur la répartition des aides en France : « En France, nous avons un système particulièrement historique. Les aides à l’hectare laitières sont plus importantes que les autres. De fait, la convergence des aides risque de fragiliser le secteur laitier. Le gouvernement semble opter pour une prime sur les premiers hectares qui accentuerait ce phénomène. Pour ma part, je préférerais que l’on réfléchisse au couplage des aides, puisque la future Pac le permet à nouveau. »
Et vous, qu’en pensez-vous ? Pour en débattre, rendez-vous ci-dessous dans l’espace « Ecrire un commentaire ».
Photos ci-dessous, Sébastien Verschave, jeune éleveur laitier français, et le Gallois Mansel Raymond, le « monsieur lait » du Copa-Cogeca.
Bonjour Martin,
je ne pense que ce soit les éleveurs laitiers français qui ont souhaité la fin des quotas. Même s’il y avait quelques critiques (il y en a toujours, ne serait-ce que parce qu’aucun système n’est parfait), les laitiers français sont globalement plutôt satisfaits des quotas. Mais la décision est européenne, elle est désormais irréversible, donc il vaut mieux s’y préparer. En France, la solution pour trouver un autre système qui encadre vient des contrats, passés entre les organisations de producteurs d’une part et les industriels de l’autre. Mis en place par le gouvernement précédent, ils ne sont pourtant pas encore actifs partout, il reste des soucis, il va falloir accélérer avant 2015, date officielle de la fin des quotas.
bonjour a tous ,
ah bon , on compte sur les contrats !
deja ,la moitié des eleveurs laitiers français en coops donc qu apporte la nouvelle contractualisation de BLM pour eux ?
ensuite les autres reunis en op verticale face a leur collecteur ,on pourrait savoir si ils y trouvent leur bonheur en ce moment pour negocier les prix par exemple ?
je pense que blm a instauré la contractualisation (avant le decret sur les op ,d ailleurs !,comprenne qui pourra!) pour surtout permettre aux industriels privés ou coops de leur garantir un volume d approvisionnement sur la durée ! pas sur que ça marche comme prévu !!
ensuite on peut lire : » c est l europe qui a imposé l arret des quotas » , surement mais ,l europe c est qui ? ,c est pas un peu nous aussi …
est ce que les representants professionnels des laitiers français et des coops françaises y ont mis la meme determination que les representants des betteraviers ,j en doute ….
juste une anecdote vécue : lors de l ag d une gde coop betteraviere ,le directeur a dit » notre objectif est de vous payer la tonne de betterave le plus cher possible »
en ag de gde coop laitiere ,on entend » allez y ,il nous faut du lait ,ne vous inquietez pas ,on va trouver les debouchés (+10 % apres 2015) ,et le prix ? ,on n est pas les derniers et les eleveurs ont encore des marges a gagner sur leur cout de production (par rapport aux meilleurs ) » ….
et le contexte allemand :
si un journaliste allemand explique que les industriels allemands font moins de valeur ajoutée que les français ,comment se fait t il qu il n y ait pas de difference au niveau prix perçu en elevage (sur qq années ) ?
nous ne sommes pas encore sortis des quotas administratifs que ,deja ,chacun fait ce qu il lui plait !!
apres le tunnel allemand a sens unique ,le cabinet independant qui remplace le cniel pour le prix B ,un nouveau né :l indice « mdd » ;c est surement ça qui va aider pour les négos avec les gms en ce debut d année!!
si un resp lait passe par ici ,pourrait il nous eclaircir sur le « projet ja » ,surtout avec les aop par bassin , car ,a lire l intervention du vice pdt ja sur « l eleveur laitier » ,j ai du mal a comprendre sa position vis a vis des cooperatives ,notamment pour les aop !
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Je suis producteur laitier au Québec et j’aimerais savoir: quel est le sentiment dominant envers l’abolition des quotas? La menace plane sur nous et l’exemple de notre voisin (USA) où les prix garantissent la misère nous inquiète beaucoup.