Comment les gouvernements européens interviennent-ils pour soutenir leurs éleveurs laitiers ? Comparaison entre les principaux pays.
Des pans entiers de la politique agricole commune restent nationaux. Entre les marges venues des règles de subsidiarité et les mesures qui relèvent de la compétence des Etats, de fortes disparités demeurent entre les agriculteurs dans la façon d’exercer leur activité. Les différentes politiques de soutien à l’investissement sont des exemples flagrants.
Essaimer les aides à l’investissement ou les concentrer sur un nombre réduit d’exploitations ? En production laitière, la Bretagne a opté, entre 2007 et 2013, pour la première stratégie, tandis que la Basse Saxe a choisi la seconde. Et au final, ces choix politiques se traduisent par des modèles et des systèmes de production forts différents.
Toutes les conditions étaient alors réunies pour favoriser le développement d’entreprises saxonnes de grande dimension, performantes, aidées par une réglementation environnementale lâche.
En Basse Saxe, la liste des matériels éligibles aux aides est plus étoffée et le plafond des subventions est plus important qu’en France. Aussi, la dotation moyenne allouée aux éleveurs français pour moderniser les bâtiments d’élevage étaient de 14 500 € pour un projet de 75 000 €. En Allemagne, les 272 millions d’euros réservés pour les filières animales ont permis de financer des projets subventionnés à hauteur de 75 000 € pour un niveau de soutiens au final équivalent.
Certes l’Allemagne a été rappelée à l’ordre par la Commission européenne pour être un plus vertueuse au niveau environnemental, mais il n’est pas question de remettre en cause sa politique laitière. Les critères restrictifs du nouveau programme d’investissement du Feader pour 2014/2020, dorénavant réservé aux exploitations de moins de 300 vaches visent seulement à corriger le tir en limitant l’accroissement de la taille des exploitations.
C’est donc en position de force, avec une longueur d’avance sur ses partenaires européens, et français en particulier, que l’Allemagne entame l’avenir. La transposition des règles environnementale restera moins contraignante qu’en France, semble-t-il.
Aux Pays Bas, la fin des quotas a libéré des capacités d’investissement. Depuis 2005, les éleveurs ont eu les moyens d’accroitre leur production de lait en consacrant les fonds auparavant destinés à acheter des quotas (jusqu’à 2 €/l) à la construction de bâtiments plus modernes et surtout plus grands pour livrer plus de lait. Les dépassements de quotas étaient ces dernières années systématiques car les montants des pénalités n’étaient plus dissuasifs.
En 2015, la production de lait est supérieure de 30 % à celle de 2005. Et les litres livrés en plus ont coûté moins chers à produire que les quantités de lait soumises au régime marchand des quotas.
Aux Danemark, le gouvernement intervient pour restructurer financièrement le capital des exploitations et leurs dettes qui dépassent parfois le montant des actifs. Les crédits du second pilier de la Pac financeront les programmes de relance des investissements avec un taux de subvention de 40 %.
Par ailleurs, un fonds de pension de 3 milliards de couronnes (plus de 400 millions d’euros), abondé à hauteur de 25 % par le budget du gouvernement, sera créé. Comme il servira d’apport à la reprise de fermes, il diminuera le poids des dettes des nouveaux installés. L’intervention du gouvernement danois est capitale car le gigantisme des exploitations fragilise leur pérennité en période de crises.
Cinquante années de Pac n’ont donc pas permis de bâtir une politique d’investissements européenne homogène. Elles ont même créé de nouvelles disparités entre les producteurs de lait des différents états membres!
Les programmes de développement agricole reposent sur des objectifs communs (compétitivité, restaurer et préserver des écosystèmes, améliorer la viabilité des exploitations, promouvoir l’utilisation efficace des ressources et favoriser la transition vers une autonomie plus forte des exploitations) mais leur traduction nationale n’a pas toujours été fidèle dans l’esprit.
Les nouveaux programmes de développement rural pour 2014-2020 vont tenter de réduire ces disparités. En France, le niveau moyen d’aides par projet devrait doubler et passer à 30 000 € car le montant de l’enveloppe du plan de compétitivité va passer à 350 millions d’euros par an. Mais l’essaimage restera la règle : jusqu’à 31 % des exploitations françaises bénéficieraient, selon les régions, d’un plan de modernisation contre 8 % au Danemark et 10 % en Basse Saxe.
Mais ramenés à la vache, les taux de subvention seraient très proches. Aux Pays-Bas, l’aide à l’investissement serait équivalente à celle allouée dans les Pays de la Loire (environ 52 €). Mais 26 % des exploitations ligériennes percevraient des aides à l’investissement contre 4% aux Pays-Bas.
Mais en France, la multiplicité des programmes de développement rural régionaux rendent par ailleurs leur comparaison plus difficile. « Il semble qu’un projet d’agrandissement assez standard ne sera pas traité de la même façon dans les différentes régions françaises, et que des projets particuliers trouveront plus ou moins d’écho et donc de soutien dans les programmes régionaux. C’est l’effet des pouvoirs confiés aux régions », souligne l’Institut de l’élevage.
Notre photo ci-dessous est issue du site Fotolia. Lien direct : https://fr.fotolia.com/id/79867976.