port de rosario

L’agriculture représente 30 pour 100 des recettes fiscales de l’Argentine

L’agriculture est un secteur vital pour les finances publiques argentines. Interventionniste, l’Etat joue son rôle d’arbitre pour encaisser devises et taxes sur les exportations et maîtriser les prix à la consommation des denrées alimentaires.

L’agriculture argentine assure 9 % du PIB pour la seule production, 20 % si l’on intègre la transformation et la distribution. L’agriculture, c’est aussi 10 % de l’emploi et 55 % de la valeur des exportations. Les taxes à l’exportation appliquées aux produits agricoles constituent la troisième recette budgétaire de l’Etat. La contribution globale de l’agriculture aux recettes fiscales est proche de 30 %. Avec l’activité minière ou encore l’industrie automobile, l’agriculture permet de compenser des secteurs déficients tels que l’énergie (en dépit de ressources non négligeables) ou l’industrie manufacturière. Après la crise de 2001, qui a vu l’économie argentine s’effondrer (chute du PIB de 11 %, chômage de 20 %) sous le poids d’une dette extérieure colossale, l’agriculture a contribué à la restauration des comptes de la nation.

En 2014, l’Argentine reste bannie des financements internationaux, ce que le pays compense avec sa balance commerciale (+ 7,3 Mds € en 2010) et l’augmentation de la masse monétaire.

20 à 35 % de taxes sur les exportations de grains

La demande mondiale et l’envolée des cours des matières premières agricoles au cours de la décennie passée a largement participé à la reprise économique, symbolisée par un taux de croissance moyen de PIB de 8,9 % entre 2003 et 2008 (1,9 % en 2012) et un taux de chômage ramené à 7 %. L’Etat argentin applique des taxes à l’exportation de 35 % sur le soja, 32 % sur le tournesol, 25 % sur le maïs, 23 % sur le blé, 20 % sur l’orge et le sorgho.

Malgré la taxe de 35 %, le soja reste la culture, pour ne pas dire la spéculation, la plus rémunératrice pour les producteurs. L’Etat use d’autres moyens pour orienter la production sur cet oléagineux, comme par exemple les restrictions d’autorisations d’exportations de blé ou l’application de quotas sur les exportations de viande bovine, provoquant une chute des prix et forçant ainsi une réorientation de la production vers… le soja. Des mesures qui, au passage, permettent de juguler les prix intérieurs des aliments de base (farine, viande). Exporté à 96 %, le soja argentin alimente de nombreux élevages à travers le monde mais quasiment pas les bovins autochtones, très largement alimentés par l’herbe pâturée avant d’être finis, le cas échéant, par un séjour de quelques mois en station d’engraissement (feed-lot).

70 % des terres louées à l’année

Si le soja constitue une rente pour l’Etat, les niveaux de marge générés par l’espèce sont relativement faibles. En 2008, l’instauration de la taxe de 35 % sur le soja a provoqué la colère des agriculteurs qui, en bloquant les routes, ont tenté d’affamer le grand Buenos-Aires, qui concentre 30 % de la population argentine. Le gouvernement n’a pas cédé. Agraria, une des quatre organisations syndicales agricoles argentines, représentant les petits producteurs (100 à 300 ha), estime que ses adhérents ne peuvent pas vivre de la culture du soja. Le syndicat souhaiterait que l’Etat module les taxes en fonction des surfaces cultivées. En vain. Conséquence : les petits propriétaires louent leurs terres à plus gros qu’eux, sinon à de grandes organisations financières, dénommées pool de semis, aux capitaux argentins ou étrangers, moyennant un loyer annuel pouvant représenter jusqu’à 40 % du revenu brut par hectare.

Une dérogation aux baux de trois ans permet aux propriétaires de renégocier chaque année leurs contrats de location, ouvrant la porte à la surenchère et poussant les locataires à privilégier systématiquement la culture la plus rentable, c’est à dire le soja, au mépris ici ou là de l’agronomie. En 1988, 80 % des terres agricoles étaient exploitées par des agriculteurs propriétaires. En 2010, 80 % des terres sont gérées par des pools de semis plus ou moins conséquents. Le prix de la terre a été multiplié par quatre entre 2000 et 2012. Une très bonne terre à maïs (90 q/ha en sec) se négocie près de 16 000 $ dans la Pampa humide (Est).

Réseaux de transport peu performants

Dépourvus de toute subvention et avec pour seul filet de sécurité le possibilité de contracter des assurances récolte, les agriculteurs argentins n’ont pas d’autre choix que la rentabilité à marche forcée. Bien que contribuant largement au budget de la nation, ils se désespèrent de voir l’Etat ne pas investir le moindre peso dans les infrastructures de transport, dont l’état pénalise la profession. Le réseau routier est en effet sous-dimensionné et sous-entretenu, ce qui provoque des engorgements au moment des récoltes. Chance : la concentration de la production de grains dans la pampa humide minimise les distances pour rallier les principaux ports. Le transport ferroviaire a quant à lui fait les frais de la politique menée dans les années 1990 et reste à ce jour exclu du transport des grains.

Une agriculture très concentrée

Le recensement de 2008 fait état de 276 581 exploitations agricoles, ce qui porte la moyenne des surfaces à 560 ha par exploitation. 3000 exploitations de plus de 10000 ha exploitent plus du tiers de la Sau argentine tandis que 10 000 exploitations cultivant entre 2500 et 10000 ha exploitent un quart de la Sau. La concentration trouve son paroxysme avec les pool de semis, des organisations économiques capables de mettre en culture des dizaines de milliers d’ha de terre. Un des plus gros d’entre eux, le groupe Los Grobo, gère ainsi 400 000 ha. « Les pools de semis ont permis de développer une agriculture hyper compétitive, en rationalisant la gestion des moyens humains et matériels, explique Daniel de Laguarigue, ingénieur agronome français, représentant de Florimond-Desprez en Argentine et président de Semameris, une entreprise semencière. Un pulvérisateur traite 15 000 ha/an et une moissonneuse-batteuse récolte 10 000 ha/an ».

L’Argentine attire également les investisseurs étrangers, qui louent ou achètent des terres à différentes fins (agriculture, bois, minerais). Le mouvement, initié dans les années 90 en Patagonie, a été réfréné depuis par la législation. 17 millions d’ha, soit 7 % du territoire, appartiennent à des entreprises et grosses fortunes étrangères.

 

En savoir plus : https://wikiagri.fr/articles/argentine (retrouvez tous nos articles concernant l’Argentine sur ce lien).

Ci-dessous, installation portuaire à Rosario, sur le fleuve Parana, à 300 km en amont de Buenos-Aires.

Ci-dessous, affichage des cours du blé, du maïs, du soja et du sorgho à l’entrée de la coopérative Afa à Bigand.

Ci-dessous, les Zerboni sont agriculteurs depuis six générations. Tous ingénieurs agronomes, ils pratiquent la rotation et non la monoculture de soja.

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