L’économie de partage, ou « sharing economy », bouscule de nombreux secteurs d’activité. Quelles menaces et quelles opportunités ce nouveau paradigme représente-t-il pour l’agriculture en général et la prestation de travaux en particulier ?
Une connexion internet, un smartphone, une application dédiée, et il n’en faut pas plus pour réserver une place en covoiturage, disposer d’une voiture avec chauffeur, emprunter une perceuse, faire une machine à laver chez un habitant de son quartier, échanger ou vendre des légumes de son jardin, partager son dressing, louer un espace de stockage dans une cave ou un garage, prendre un repas chez son voisin ou passer une ou plusieurs nuits chez un particulier au bout du monde. A travers cette énumération, on aura identifié sans peine quelques-uns des acteurs de cette économie du partage, tel que Blablacar pour le covoiturage et Airbnb pour l’hébergement chez des particuliers.
L’économie du partage concerne aussi la finance via l’échange d’épargne sinon le « crowdfunding », ou financement participatif, qui permet à un porteur de projet de lever des fonds auprès de particuliers, contournant les banques, avec des premières déclinaisons en agriculture.
Le secteur des services n’est pas le seul concerné. Selon l’auteur américain Jeremy Rifkin (source : La nouvelle société du coût marginal zéro, éditions Les liens qui libèrent), chacun d’entre nous sera, à moyen terme, potentiellement fabricant d’objets via les imprimantes 3D, et/ou producteur d’énergie via les « smart grids », les réseaux d’électricité intelligents. Industrie, énergie, transports, tourisme, alimentation, finance… De nombreux secteurs d’activité sont impactés par l’émergence de cette nouvelle économie où, derrière chaque consommateur, se cache un « consomm-acteur ».
Toujours selon Jeremy Rifkin, l’économie collaborative est ni plus ni moins porteuse d’un nouveau capitalisme, où le partage prime sur la possession, où l’horizontalité des échanges l’emporte sur l’organisation verticale et pyramidale. Revente, don, troc, location, emprunt, recyclage : toutes les formules sont possibles pour optimiser son budget sinon son (petit) business, tout en réduisant au passage, si possible, son empreinte écologique. Si les nouvelles technologies sont à la source de cette économie collaborative, le facteur humain est éminemment prégnant, les jeunes générations et les réseaux sociaux étant à la manœuvre et la confiance étant la pierre angulaire du système. Le contexte de crise ou l’effet de mode seraient totalement étrangers au phénomène.
« Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme », Lavoisier (1743-1794). L’économie collaborative est-elle si nouvelle ? Qu’en est-il en agriculture ? En agriculture justement, les Cuma, créées au sortir de la deuxième guerre mondiale, concernent aujourd’hui 40 % des exploitations agricoles, à travers plus de 11 000 structures réparties sur tout le territoire. Adhérer à une Cuma, n’est-ce pas se départir de la propriété individuelle d’un bien au profit d’une organisation collective, supposant un minimum de relations sociales pour organiser les chantiers et gérer les parcs de machines en bonne intelligence ? Recourir à une entreprise de travaux agricoles, ruraux ou forestiers, n’est-ce pas tout autant renoncer à la propriété et témoigner d’une confiance absolue à un prestataire pour des chantiers aussi cruciaux que les semis, la protection phytosanitaire ou encore la récolte ?
Là encore, le modèle, plus que jamais actif avec environ 23 000 entreprises, pourvoyeuses de plus de 74 000 emplois salariés, n’est pas vraiment nouveau puisque l’origine des entreprises de travaux remonte au début du XXe siècle. Les ancêtres des ETA (entreprises de travaux agricoles) passaient alors de ferme en ferme pour faucher, lier et battre le blé. Cuma, ETA : on n’oublie pas les Cercles d’échanges de machines, fédérés au sein d’une association (Ancema) et bien entendu l’entraide, plus difficile à matérialiser car souvent informelle. Quel agriculteur n’a jamais donné un coup de main à son voisin ?
L’entraide entre agriculteurs fait malgré tout l’objet d’un encadrement juridique, dont les origines remontent à 1962 avec la loi d’orientation de la même année. Extraits. « L’entraide se réalise entre agriculteurs par des échanges de service en travail et en moyens d’exploitation. Elle peut être occasionnelle, temporaire, ou intervenir de manière régulière chaque année. Il s’agit d’échanges de journées de travail, de services, d’outils ou de machines dans des chantiers communs. L’entraide implique la notion d’échanges, de réciprocité totale ou partielle. Lorsque le total des services échangés est inégal, une soulte peut être versée par l’un des échangistes afin d’arriver à un équilibre.«
Chaque année, un barème est publié afin de servir de base de calcul entre les exploitants la pratiquant mais ce barème n’est pas conçu dans une logique de facturation et l’entraide ne saurait se substituer aux tarifs pratiqués dans le cadre de prestations individuelles. Bref, depuis pas mal de temps et selon plusieurs formules qui, cumulées, concernent peu ou prou tous les agriculteurs de France, l’agriculture et le secteur du machinisme en particulier pratiquent l’économie collaborative, peut-être sans le savoir, mais non sans à-propos.
Dans quelle mesure l’accueil à la ferme, via un réseau comme Gîtes de France, avec ses 60 ans d’existence, ne procède-t-il pas d’un « Airbnb rural » ?
Le concept d’économie collaborative peut-il être poussé plus loin dans le domaine des matériels, notamment en prestation de services ? Pas sûr. On remarquera tout d’abord que le développement de la « sharing economy » s’opère, par essence, dans le registre du CtoC, du consommateur au consommateur, et non du BtoC (Business to Consumer) ou du BtoB. L’économie collaborative est donc plutôt synonyme de danger que d’opportunité pour les acteurs professionnels. Si l’on ne peut pas qualifier les agriculteurs de consommateurs, les ETA sont depuis longtemps rompues à la concurrence que ceux-ci exercent en réalisant des travaux chez d’autres agriculteurs, avec des limites juridiques… peu limitantes : un maximum de 30 %, plafonné à 50 000 €, du chiffre d’affaires tiré de l’activité agricole. Sur une base de 300 000 exploitations agricoles professionnelles, un tant soit peu suréquipées, c’est une véritable armada que les agriculteurs peuvent déployer au service des agriculteurs, donc au détriment des entrepreneurs, et paradoxalement, sans trop se soucier de la concurrence du fait que la prestation est pour eux est un business secondaire. Du collaboratif pur et dur, étant entendu que l’économie du partage s’appuie sur un fondement intangible : la sous-utilisation d’un bien.
C’est tout l’inverse des ETA, confrontées à la concurrence (entre ETA), qui ont pour seule vocation la prestation de travaux et qui n’ont pas vraiment intérêt à voir leurs machines croupir sous les hangars, saisonnalité mise à part. Cela n’empêche pas l’échange de bons procédés entre entreprises à l’occasion de coups durs (pannes, accidents du travail…), voire l’association ponctuelle pour des travaux en commun sans garanties absolues sur un risque de détournement de clientèle.
En janvier 2009, lorsque la tempête Klaus s’est abattue sur le bassin aquitain, la Fédération nationale des entrepreneurs des territoires (Fnedt) a organisé une bourse de travaux afin de mobiliser des hommes et machines extérieures au secteur en renfort des entreprises locales submergées par l’ampleur de la tâche, 300 000 hectares de forêts étant ravagées entre 40 % et 80 %. De nombreuses entreprises françaises et étrangères ont répondu à l’appel, permettant de gérer la sur-exploitation de bois induite par la tempête. Mais certaines, notamment étrangères et pas exactement assujetties aux même impôts et taxes que les entreprises françaises, ont pris racine en Aquitaine. « Sharing economy » ok but business is business.
Constitué à l’automne 2014, Miimosa fonctionne sur le principe du don contre don. En échange de leur don en numéraire, les particuliers reçoivent des produits et services en proportion de leur don et bien évidemment en lien direct avec la nature du projet. Vous soutenez à hauteur de 50 euros la construction de serres tunnels destinées à étoffer la production de légumes bio ? Le maraîcher vous offre une visite guidée de l’exploitation et un assortiment de légumes frais du potager. Vous soutenez à hauteur de 150 euros la relance d’une fabrication de beurre à la ferme ? Outre une demi tome de fromage, vous recevez une invitation pour quatre personnes pour un repas cochon grillé à la ferme avec en prime la participation à la traite des vaches.
Les premiers projets mis en avant par Miimosa sollicitent des financements compris entre 3000 euros et 15 000 euros. Ils n’ont donc pas vocation à se substituer aux financements traditionnels mais présentent plusieurs atouts pour les deux parties. Les intérêts pour les porteurs de projets comme pour les contributeurs sont multiples. Pour les premiers, le crowdfunding permet d’obtenir un financement à moindre coût et sans dossier administratif à produire. Il permet par ailleurs de fédérer une communauté de personnes autour du projet, de dialoguer directement avec les contributeurs ou encore de développer la notoriété de l’entreprise. Pour les contributeurs, le crowdfunding permet de soutenir des projets et personnes choisis, de s’engager pour des modèles d’agriculture différents, de participer au développement du tissu économique local en vivant le projet de l’intérieur, sans oublier les contreparties en nature.
Notre illustration ci-dessous est issue du site Fotolia, lien direct : https://fr.fotolia.com/id/96133267.
En 1974, j’ai mis les pieds pour le première fois en Afrique, c’était au Maroc en voyage d’étude avec des étudiants de l’univ. Ce qui m’a surpris dès l’abord, c’est la libre circulation des troupeaux dans les campagnes: absence de clôtures. Les parcours de pâturage étaient partagés par les éleveurs/pasteurs. Fin 1975, idem pour les immenses savanes du Soudan que les pasteurs nomades parcouraient tout aussi librement. Au Burundi ensuite de 1978 à 1990, constat similaire: les agriculteurs/éleveurs d’altitude se partagent les parcours de pâturages naturels sur près du tiers du pays. L’économie de partage des éleveurs en Afrique est d’abord constitué par un foncier commun. C’est la pratique traditionnelle de l’élevage du gros bétail, alors que chez nous elle est beaucoup plus limitée (estives).
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« Donateur bien sous tout rapport recherche projet à aimer »
Cotcotcodon est la plateforme indépendante de financement participatif en France dédiée au terroir, à l’agriculture et l’alimentation.
L’idée est simple : permettre aux acteurs du terroirs, aux agriculteurs de solliciter, pour leur projet d’installation ou de développement d’activité,
des citoyens désirant encourager financièrement des initiatives agricoles. Nous constatons que de plus en plus de personnes souhaitent
devenir des acteurs de leur territoire, non plus seulement en achetant des produits de proximité, mais en apportant directement des fonds.
Cette formule s’adresse aux petites et moyennes exploitations, souvent les plus fragilisées par la conjoncture économique actuelle, qui veulent mettre en place
ou développer un atelier de diversification ou des circuits courts de commercialisation. Le producteur décrit son projet sur le site Internet en définissant des contreparties pour les financeurs.
Cotcotcodon l’accompagne pendant la période de levée des fonds, qui peut durer jusqu’à 60 jours.
D’ici fin décembre 2016, nous espérons atteindre notre objectif: contribuer à financer 100 projets.
La particularité de Cotcotcodon, par rapport aux autres plateformes de financement participatif, est
la gratuité du service – aucune commission sur les dons -,
les dons sont versés directement aux porteurs de projet,
et aucun objectif à atteindre pour percevoir les dons effectués.
Nous apportons un grand soin dans le choix des projets à financer et le profil des porteurs, pour donner toutes les chances de réussite aux campagnes de dons.
Le site Internet : http://www.cotcotcodon.fr