Un accord de libre-échange sur les produits agricoles entre le Maroc et l’Europe vient d’être ratifié au Parlement européen. Il est de suite critiqué par plusieurs syndicats européens d’agriculteurs qui craignent une concurrence accrue.
L’accord prévoit une libéralisation avec effet immédiat de 55% des droits de douane sur les produits agricoles et les produits de la pêche de l’Union européenne (contre 33% actuellement) et de 70% des droits de douanes sur les produits agricoles et les produits de la pêche du Maroc (contre 1% actuellement), cela sur une période de dix ans. En termes de valeurs, l’accord libéraliserait sans délai 45% des exportations de l’Europe vers le Maroc et 55% des importations européennes en provenance du Maroc.
Cet accord a de grandes vertus, et c’est bien sûr pour cela qu’il a été adopté. Mais aussi des contreparties qui font réagir les syndicats.
Les vertus consistent avant tout à favoriser l’avenir de relations durables des deux côtés de la Méditerranée. C’est stratégique, ce n’est pas neutre. Dans une résolution accompagnant leur vote, les eurodéputés ont estimé que le Maroc a « considérablement progressé dans la consolidation de la démocratie en réformant sa constitution et en tenant des élections régulières« , mais aussi que cet accord constitue une « mesure concrète de soutien en faveur d’une stabilisation politique et d’un développement économique réciproque durable« . Cette diplomatie a d’ailleurs été accueillie chaleureusement au Maroc, où le ministre de l’Agriculture Aziz Akhannouch a déclaré : « Toutes les instances européennes ont compris que le Maroc et la place des échanges bilatéraux doivent faire l’objet d’un traitement très positif.«
Pour autant, les syndicats agricoles européens réagissent. Et notamment le premier d’entre eux, le Copa-Cogeca, qui a exprimé dans un communiqué « sa grande déception à l’occasion du vote du Parlement européen portant sur le projet d’accord de libéralisation commerciale entre l’UE et le Maroc, indiquant qu’un tel accord aurait un effet dramatique sur le secteur européen des fruits et légumes, tout particulièrement les tomates« . Pekka Pesonen, secrétaire général du Copa-Cogeca, a même insisté en soulignant que « les importations en provenance du Maroc ne devaient pas répondre aux normes européennes – élevées – en termes de production : il s’agit là d’une préoccupation de premier plan« .
Il apparaît en fait que ce sont surtout les eurodéputés espagnols qui ont tenté de s’opposer au vote, car ce sont leurs producteurs de tomates qui seraient les plus menacés par cette nouvelle concurrence. Des médias espagnols rapportent même que ces producteurs veulent saisir la justice tant le préjudice est à leur avis énorme.
L’implication de l’Europe dans la stabilité économique d’un pays voisin est pourtant plus que nécessaire, indispensable. Cette implication est un facteur de paix, de dialogue. Le partenariat économique est un gage d’une relation saine, dont nous avons tous besoin. Le député européen Joseph Daul a d’ailleurs commenté son vote en faveur de l’accord en ces termes : « On a refusé l’accord de pêche, et ce sont les Chinois qui vont venir pêcher en Méditerranée, voilà comment ça va se terminer. Je ne veux pas me trouver en face des Chinois sur l’ensemble des marchés de Méditerranée.«
Précisons aussi que cet accord est bilatéral : là où les producteurs de tomates européens seront effectivement perdants, ceux de céréales verront leur capacité d’exportation accrues vers le Maroc. Un secteur agricole européen pâtit de cet accord, un autre en profite, et parallèlement le dialogue est réaffirmé avec un voisin : voilà le bilan de l’opération. Est-il ou non positif ? A chacun de se forger son opinion.