Alors que les agriculteurs sont la catégorie socioprofessionnelle la plus affectée par le burn out, un certain nombre d’innovations technologiques peuvent sans aucun doute constituer une solution concrète pour leur permettre de lutter contre l’épuisement professionnel.
Le 26 mars dernier, le gouvernement a décidé de créer au sein du ministère du Travail un groupe de travail sur la prévention du burn out professionnel. Celui-ci vise à « clarifier ce que recouvre le burn out dans l’objectif de donner des recommandations pour mieux prévenir ce syndrome ». Ce groupe de travail, composé de médecins et de psychologues du travail, devrait publier à l’été 2014 « des recommandations pour mieux prévenir ce syndrome ».
Mais qu’entend-on au juste par burn out ? Le burn out est une expression qui est passée dans le langage courant depuis quelques années. Il désigne un syndrome d’épuisement professionnel, qui concernait initialement certaines catégories professionnelles, comme les personnels soignants, avant de s’étendre à d’autres catégories même s’il n’existe pas encore de consensus véritable sur sa définition. Il tend néanmoins à se traduire par un état dépressif et divers autres symptômes spécifiques : irritabilité, impatience et susceptibilité, perte de contrôle de ses émotions (colère, crises de larmes), sentiment de tristesse, perte d’énergie et d’intérêt pour son travail, difficulté à faire face à un certain nombre de situations, insensibilité vis-à-vis de son entourage, troubles de la mémoire et de la concentration, surconsommation de café, de tranquillisants, d’alcool ou de junk food (chips, barres chocolatées…). Il peut se traduire également par des symptômes physiques : grosse fatigue, douleurs diverses, insomnie, allergies, hypertension artérielle, palpitations, problèmes digestifs, ulcères, baisse des défenses immunitaires se traduisant par des infections à répétition, etc.
Le burn out est lié à une exposition systématique au stress dans le cadre professionnel, que celui-ci soit le fait d’une surcharge de travail, d’objectifs difficilement réalisables, de responsabilités très importantes, de lourds engagements financiers, d’un isolement ou d’une absence de soutien social, d’une absence de reconnaissance de ses efforts, notamment sur le plan financier, ou d’un sentiment d’inéquité, d’un déséquilibre entre vie professionnelle et vie privée, ou encore d’un travail jugé routinier et monotone.
Ce que certains considèrent comme le « mal du siècle » d’un point de vue professionnel est devenu depuis quelques années un sujet de préoccupation pour les médias et les autorités publiques et sanitaires. En janvier 2014, un rapport a été ainsi publié sur le sujet par le cabinet d’évaluation et de prévention des risques professionnels Technologia, qui s’est fait connaître pour être intervenu chez France Télécom suite à la vague de suicide que l’entreprise a connue à la fin des années 2000. Celui-ci s’est appuyé sur une enquête menée auprès de 1 000 actifs. Il a permis d’établir pour la première fois une évaluation de l’étendue du phénomène d’épuisement professionnel qui est a priori beaucoup plus prononcée que ce que l’on croyait initialement puisque, d’après cette étude, 3,2 millions de personnes seraient en situation de risque élevé. Cela signifie que 12,6 % des actifs occupés sont concernés. A l’occasion de la publication de cette étude, Technologia a d’ailleurs lancé un Appel pour la reconnaissance de l’épuisement professionnel aux tableaux des maladies professionnelles, qui est soutenu par plusieurs syndicats, dont la Coordination rurale.
En effet, selon cette étude, la catégorie socioprofessionnelle qui semble être la plus affectée par le burn out est celle des agriculteurs, devant les artisans et commerçants et les cadres supérieurs. Ainsi, 35 % des agriculteurs interrogés disent qu’ils travaillent trop. Ils sont même 59 % à affirmer qu’ils ne peuvent pas ne pas travailler, tandis que 24 % tendent à combiner les deux, à savoir un travail excessif et un travail compulsif.
C’est davantage que les artisans et commerçants (20 %) et les cadres supérieurs (19 %). Ce sont également les exploitants agricoles qui répondent le plus favorablement à la question : « vous sentez-vous émotionnellement vidé par votre travail ? ». Ils sont 24 % dans ce cas, contre 13 % pour les cadres ou seulement 6 % pour les artisans et commerçants. Ils sont encore plus nombreux à être épuisés non seulement d’un point de vue émotionnel, mais aussi tout simplement d’un point de vue physique puisque 53 % se sentent épuisés à la fin d’une journée de travail (contre 23 % pour les artisans et commerçants et 17 % pour les cadres), 53 % se sentent usés à force de travailler et même, plus grave, 47 % se sentent fatigués lorsqu’ils se lèvent le matin et qu’ils ont à affronter une nouvelle journée de travail. D’ailleurs, pour 35 % des agriculteurs, au cours des 12 derniers mois, leur vie professionnelle a eu un impact sur leur santé (ce n’est pas le taux le plus élevé puisque ce taux était de 38 % pour les professions intermédiaires).
Le risque de burn out apparaît par conséquent très élevé au sein de cette catégorie socioprofessionnelle, même si ce n’est pas vraiment une surprise à partir du moment où les agriculteurs sont aussi la profession qui enregistre le plus grand nombre de suicides, comme on a déjà pu le voir dans la rubrique « Réflexions » de WikiAgri. Surcharge de travail, pénibilité des tâches, faibles revenus, surendettement, isolement social…, les facteurs qui avaient été avancés pour expliquer le taux de suicide élevé des agriculteurs sont également ceux que l’on peut mettre en avant pour tenter d’analyser les raisons de leur épuisement professionnel. Cette question du burn out est d’ailleurs désormais prise très au sérieux, au même titre que le suicide, par la Mutualité sociale agricole (MSA), qui a mis en place des cellules psychologiques afin d’aider les agriculteurs qui rencontrent des difficultés.
Alors, que faire pour lutter contre le burn out des agriculteurs ? Il est difficile de régler d’un coup de baguette magique la crise que rencontrent certains secteurs agricoles depuis quelques années ou de modifier de façon fondamentale un métier souvent difficile à exercer et source de faibles revenus. En revanche, il est certain que des avancées technologiques peuvent permettre de faciliter quelque peu la vie quotidienne de certains agriculteurs, en libérant un peu de leur temps. C’est notamment le cas pour les éleveurs qui doivent être très certainement plus affectés par le burn out que les autres agriculteurs, compte tenu de l’astreinte de la traite.
Parmi les innovations technologiques récentes, un article de la BBC en a ainsi mentionné une, promue par une entreprise écossaise, Silent Herdsman, qui pourrait changer la vie des éleveurs, puisque allant au-delà du seul détecteur de chaleur déjà couramment utilisé. Celle-ci a mis au point, en effet, un collier électronique muni d’un capteur électronique sans fil qui est porté par les vaches et les génisses. Ce capteur permet d’obtenir des informations sur ces dernières (leur état de santé, leur cycles de chaleurs, la quantité de lait qu’elles produisent) qui sont transmises à l’agriculteur via son ordinateur. Il peut dès lors surveiller la santé de son troupeau, identifier d’éventuelles maladies dès leur apparition et optimiser leur production de lait en contrôlant leur fertilité. Selon le témoignage d’un agriculteur écossais qui utilise ce procédé et qui était interrogé par la BBC, ce nouveau système « est très utile ; il nous permet de gagner beaucoup de temps dans le fonctionnement quotidien de la ferme, il nous donne plus de temps pour nos familles ». Il permet également de dégager plus de temps pour d’autres activités en lien avec le travail de la ferme.
Ce collier muni de capteurs électronique n’est d’ailleurs pas sans rappeler les colliers que portent les vaches d’agriculteurs qui ont recours à des robots de traite pour pouvoir être identifiées par les machines. Cette innovation est loin d’être nouvelle puisque cette technologie est commercialisée depuis la première moitié des années 1990 – elle l’a été initialement par deux entreprises néerlandaises (Lely et Prolion) –, et les premiers systèmes de traite automatique existent au moins depuis les années 1970. Elle se diffuse néanmoins de façon rapide ces dernières années. Même s’il existe différents modèles, les robots de traite, qui permettent de traire les bêtes sans intervention directe de l’agriculteur, présentent néanmoins un certain nombre de caractéristiques communes avec un box de traite au sein duquel la vache vient se placer d’elle-même pour être traite et qui est notamment composé d’un bras robotisé effectuant les tâches de nettoyage, de pose et de retrait des gobelets trayeurs.
L’acquisition d’une telle technologie, relativement onéreuse, soulève de nombreuses interrogations de la part des agriculteurs et des chambres d’agriculture, comme le grand nombre de brochures existant sur le sujet peut en témoigner. Une enquête publiée en décembre 2008 indiquait néanmoins que le gain de temps en cas de recours à un robot de traite était estimé à 2 minutes par vaches et par jour, soit tout de même 2 heures pour 60 vaches.
C’est certes loin d’être la panacée, mais la technologie peut constituer un moyen de libérer du temps de travail pour les agriculteurs à partir du moment où le travail d’une machine se substitue au travail humain et donc de prévenir en partie le risque d’épuisement professionnel… même si une innovation comme les robots de traite est aussi considérée comme une nouvelle source de stress, notamment lors de sa mise en route, ou s’il y a une panne… Ou pour son financement.
En savoir plus : www.burnout-institute.org/burnout/burnout_fr.php (définition du burn out de l’European Institute for Intervention and Research on Burn Out – le site contient d’ailleurs un test que l’on peut faire pour mesurer son degré d’épuisement professionnel), www.technologia.fr/ (site du cabinet à l’origine du rapport sur le burn out), www.technologia.fr/blog/wp-content/uploads/2014/01/Etude-burnout-apports-quanti.pdf (rapport sur le burn out publié par le cabinet Technologia en janvier 2014), www.appel-burnout.fr/ (appel à la reconnaissance du syndrome d’épuisement professionnel), https://wikiagri.fr/articles/suicides-des-agriculteurs-au-dela-de-letude/774 (article sur le suicide des agriculteurs paru en octobre 2013 dans la rubrique « Réflexions » de WikiAgri), www.bbc.com/news/uk-scotland-scotland-business-26705812 (article de la BBC sur le collier électronique pour les vaches), www.silentherdsman.com/ (site internet de Silent Herdsman, société écossaise qui commercialise le collier électronique pour les vaches), www.bretagne.synagri.com/ca1/PJ.nsf/TECHPJPARCLEF/17003/$File/5.%20le%20robot%20de%20traite%20pour%20se%20lib%C3%A9rer.pdf?OpenElement (étude de 2008 sur le gain de temps pour les agriculteurs qui ont recours à un robot de traite publiée par les chambres d’agriculture de Bretagne et des Pays de la Loire, l’INRA et l’Institut de l’élevage), www.chambres-agriculture-picardie.fr/fileadmin/documents/Aisne/FICHE_2_web.pdf (étude de la chambre d’agriculture de Nord Pas de Calais Picardie sur les avantages et les inconvénients des robots de traite).
Notre illustration : en agriculture, le burn out concerne au premier chef les éleveurs.
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le burn out! oui c’est vrai! la technologie c’est bien! mais c’est aussi un facteur important de productivité qui permet de charger encore plus la mule! on dégage du temps, super!!!! on peut se lancer dans de nouvelles activités!!!!!!!! et c’est reparti!!!!!!!!!!!