Les moissons ont démarré en France et nous sommes de plus en plus nombreux à voir dépasser de la barre de coupe de la moissonneuse batteuse, de larges îlots de ray-grass qui semblent chaque année devoir être de plus en plus importants. Leur résurgence serait liée à la diminution des familles de molécules actives d’herbicides selon les uns ; au non-respect des rotations longues selon les autres… Pour les combattre, le retour à l’agronomie est souvent mis en avant. D’un autre côté, de nouveaux outils d’aide à la décision ont vu le jour et se déploient actuellement sur le terrain. Je pense notamment à ceux basés sur l’analyse par test PCR (comme pour le covid) des mutations au niveau du gène codant la synthèse de l’enzyme ALS.
À côté de ces approches, il en est une qui, me semble-t-il, n’a pas été suffisamment explorée. Je pense à celle qui est de comprendre « l’écologie » du ray-grass pour agir ensuite sur les facteurs qui le rendent tellement compétitif sur son milieu. Dans son ouvrage « Les plantes bioindicatrices, guide de diagnostic des sols », l’ancien agriculteur et botaniste français Gérard Ducerf, a fait ce travail d’inventaire des différents facteurs pour un catalogue assez vaste d’adventices. Il donne une longue liste de caractères du sol favorable au ray-grass, parmi lesquels il n’est pas facile de se repérer. Différents agronomes qui ont travaillé sur les ray-grass résistants font cependant le lien entre la pullulation des ray-grass avec le déficit de magnésium par rapport au potassium au niveau de la CEC (1), de même que la pauvreté du sol en argile. Un agriculteur de Seine-Maritime, que j’avais rencontré en 2016, avait résolu le problème des ray-grass résistants en deux ans, en améliorant l’activité biologique, la texture et l’équilibre minéralogique de son sol.
Un cas particulier ne vaut bien sûr pas pour généralité. Cependant, que des mécanismes de « résistance des sols » à certains types d’adventices existent, est une évidence. Chacun a pu constater que certaines parcelles sont systématiquement exemptes de telle ou telle adventice, que le seul facteur « stock de semence du sol » ne suffit pas à expliquer.
En s’inspirant de la nature, il y a donc sans doute beaucoup de pratiques à découvrir ou à redécouvrir, et qui permettraient d’améliorer la lutte contre toutes ces plantes indésirables et qui posent aujourd’hui de plus en plus de soucis. Par ailleurs, ces pratiques encore très confidentielles peuvent être élargies aux autres aspects de la santé des plantes cultivées. Les sols ont en effet aussi la capacité « d’offrir » des résistances aux maladies et aux ravageurs notamment, par des mécanismes biologiques, physiques, ou chimiques. C’est l’agronome français (cocorico) – Francis Chaboussou – qui en a apporté le plus de preuves et de très nombreux exemples dans un ouvrage déjà assez ancien et baptisé « santé des cultures ». En maîtrisant demain, les mécanismes de « résistances naturelles des sols », l’immense avantage pour l’agriculture sera de ne pas avoir à subir les phénomènes de résistance, avec un impact sur l’environnement sans doute bien moindre.
Alexis Dufumier
(1) Capacité d’échange cationique
Par Rédaction Wikiagri
Equipe de rédacteurs Wikiagri
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