Le recul de la monnaie américaine par rapport à l’euro a accentué la chute des prix des céréales sur le marché européen de près de 14 % en deux mois.
Rien ne se déroule pas comme prévu. Au fur et à mesure de l’avancée des récoltes de céréales dans l’hémisphère nord se dessine la campagne de commercialisation 2017/2018, avec son lot de surprises.
En cette fin d’été, la première surprise est russe. Selon Agritel, qui tenait une conférence de presse le 31 août dernier, la production de blé atteindrait 82 millions de tonnes ; un niveau jamais atteint depuis la fin de la période soviétique.
La deuxième surprise vient des Etats-Unis. La récolte de blé américaine serait la plus faible des 50 dernières années, en raison de la sécheresse survenue au printemps, occasionnant des pertes importantes. Et le prix de vente actuel ne couvre que 50 % des frais de cultures (3 dollars le boisseau pour un coût de 6 dollars, sachant qu’un boisseau équivaut à 27,2 kilogrammes de blé). Aussi, les farmers optent pour le soja, plus rémunérateur.
La troisième surprise, et non la moindre, est la dévaluation rapide du dollar intervenue en quelques mois depuis l’accession de Donald Trump aux commandes des Etats-Unis.
L’arrivée des récoltes russes sur le marché a fait diminuer les prix payés aux producteurs en France, comme attendu. Mais l’ampleur de la baisse surprend. Le recul du dollar constaté depuis le mois d’avril dernier accentue en euros la chute des prix en dollars. Résultat, la tonne est payée 30 € de moins. A 130 € la tonne, le prix payé ne couvre pas les coûts de production estimés à 164 € en moyenne dans les zones intermédiaires, selon Agritel.
Les primes Pac vont donc financer une partie des charges de production de l’année pour compenser le manque à gagner de 200 € par hectare (30 € x 7 tonnes de rendement en moyenne au niveau national). Mais surtout, les céréaliers n’auront pas les moyens de combler les pertes de trésoreries de près de 600 € par hectare subies l’an passé consécutivement aux rendements catastrophiques de l’an passé.
Le fonctionnement des marchés des céréales à l’export sera guidé en Europe par l’évolution de la parité euro dollar. Avec un euro trop élevé, les importateurs étrangers opteront pour des blés d’autres origines que française. L’excellente qualité du blé français se paye et mais elle ne s’achète pas à n’importe quel prix. Le recul du dollar de la tonne de blé sur le marché de Chicago a accentué, en euros, de 14 % la baisse des prix sur le marché européen observée depuis début juillet.
Début juillet, la tonne de blé était à 175 € au port de Rouen et à 205 dollars (soit 181 €) à Chicago avec à l’époque un euro à 1,13 $. Sii l’euro avait déjà été à 1,20 $, la tonne de blé aurait été de 171 € sur le marché américain. Ce qui aurait mécaniquement diminué le prix au port de Rouen.
Au prix actuel sur le marché de Chicago (150 dollars la tonne), la faiblesse de la monnaie américaine accentue de 8 € le recul de la tonne de blé observée sur le marché américain en dollars. Une baisse qui se répercute mécaniquement sur le marché européen et sur le prix payé au producteur.
A l’échelle de l’exploitation, ces volatilités monétaires sont différemment perçues. Tout dépend de la date de vente des premiers lots de blé par les agrculteurs.
Le retour de la France sur le marché mondial n’est pas en soi une surprise, il était même attendu, même si seules 18.4 millions de tonnes de blé sont disponibles à l’export vers pays tiers, hors de l’Union européenne.
Dans un contexte fortement concurrentiel, la forte teneur en protéines du blé (12 % en moyenne) sera très appréciée par les pays acheteurs. Les blés allemands et russes souffrent cette année d’un déficit important de protéines. En Allemagne, la qualité n’est pas au rendez-vous en raison des précipitations survenues cet été et en Russie, les bons rendements ont généré mécaniquement une dilution des protéines dans les grains. Les apports d’engrais azotés n’ont pas été suffisants pour soutenir les taux à un bon niveau.