Quel que soit son angle d’observation, la filière porcine française montre des retards multiples en performances techniques et économiques qui dégradent sa compétitivité. Le processus n’est pas nouveau. Mais la fermeture il y a un an du marché russe aux produits agricoles européens conjuguée aux distorsions de concurrence a mis la filière française à genou
Le gouvernement a tenté de prendre à bras le corps le dossier de la filière porcine. On a vu tout l’été Stéphane Le Foll à l’ouvrage, rencontrant plusieurs fois les acteurs du secteur. Toutefois, il n’est pas parvenu à tous les convaincre.
En témoigne les deux dernières réunions organisées fin août par le ministère de l’Agriculture sur les promotions et la rénovation des relations commerciales dans la filière porcine. Il manquait autour de la table le SNIV-SNCP et Coop de France. Les représentants des abattoirs privés, coopératifs et des groupements de producteurs ont estimé que ce ne sont pas les promotions et la contractualisation « qui permettront à la filière porcine de sortir (…) d’une crise dont la dimension risque de s’amplifier dans les prochains jours, une fois passée la période de la rentrée. »
Ce qu’ils veulent ? De la compétitivité, et rien d’autre, au travers de trois actions prioritaires. Un, la généralisation de l’indication de l’origine des viandes sur les produits transformés, de charcuterie et les plats préparés. Deux, une mobilisation pour l’export et en particulier la reprise des négociations avec la Fédération de Russie. Trois, une réduction des distorsions des concurrences en matière sociale et fiscale, et un rapprochement des normes.
Même si ses services disent qu’ils y travaillent, le ministère français renvoie les absents de marque à une réunion du conseil des ministres européens de l’Agriculture, le 7 septembre prochain à Bruxelles. Le 7 septembre, c’est demain. Mais on sait qu’à Bruxelles, tout est compliqué quand il s’agit d’hamorniser ou d’avoir une position commune.
De toutes façons, n’est-il pas déjà (trop) tard pour une France du cochon tombée de 27 millions de porcs en 1999 à 24,3 millions en 2014 (source : Marché du Porc Breton) ? Une France de l’élevage de porc qui n’a pu se restructurer depuis les quinze dernières années en raison du choix fait par l’Etat de privilégier le retour de la qualité de l’eau ? Et où « 30 % des éleveurs sont actuellement endettés à plus de 100 % », selon Michel Rieu, responsable du pôle économie de l’Ifip, institut technique de la filière porcine ?
Le secteur ne parviendra pas à s’en sortir sans un vaste plan de modernisation de ses structures, poursuit Michel Rieu. L’Ifip avait estimé que le manque d’investissements cumulé par l’élevage en France représentait, au milieu des années 2000, 2,5 à 3 millards d’euros. Dix ans plus tard, cette estimation reste d’actualité, tant les bâtiments ont été peu rénovés, sauf à l’occasion « de la mise aux normes bien-être des truies gestantes, en 2012 », dit Michel Rieu.
Mais comment investir sans visibilité ? Avec des distorsions de concurrence qui demeurent, tant dans l’industrie (coût horaire d’un ouvrier en abattoir de 20 euros en France contre 12-13 euros en Allemagne) que dans l’application des normes ? Pour Guy Dartois, éleveur à la retraite qui fut président de Cooperl Arc Atlantique de 2004 à 2013, « il faut réussir à abaisser les charges pour que les éleveurs réinvestissent. Evidemment, tous ne le feront pas. Le modèle naisseur engraisseur de la France à 180 truies doit évoluer vers 300-400 truies en moyenne. Les abattoirs ne pourront pas faire l’économie de la robotisation, plus avancée dans les abattoirs d’Allemagne et du Danemark. »