Frédéric et Vincent Schmitt sont entrepreneurs de travaux ruraux à Niederroedern, dans le Nord de l’Alsace. Le père et le fils sont spécialisés dans les travaux liés aux grandes cultures (blé, maïs, tournesol, colza et betteraves). La récolte des céréales (blé et maïs) est l’une de leurs activités principales. Ces dernières années, la météo, mais aussi différentes autres contraintes, les obligent à optimiser leur organisation pour pouvoir récolter rapidement toutes les parcelles de céréales de leurs clients. Enjeux et solutions sur la moisson de blé.
Les entrepreneurs sont situés à la pointe Nord Est de l’Alsace, à moins de 5 km de la frontière avec l’Allemagne. Les terrains sont fertiles et propices à la culture de céréales, le long du Rhin. Historiquement, l’Alsace a toujours été une grande productrice de maïs. Mais avec la diversification des cultures et l’obligation de couverture hivernale, les surfaces des autres cultures, et notamment du blé, ont augmenté. Le chiffre d’affaires lié aux travaux agricoles est représenté à 40% par les moissons de blé et de maïs. « La majorité de nos clients ont un profil de céréaliers ». La moitié de leurs 40 clients exploitent des cultures en Alsace et travaillent comme frontaliers, de l’autre côté du Rhin. Dans le secteur, on trouve aussi quelques exploitations d’élevage, mais elles se font rares.
Les entrepreneurs de travaux agricoles ont des « clients très fidèles ». Les structures dans la zone de travail de l’ETA, environ une trentaine de kilomètres autour du siège, ne sont pas très grandes. Les exploitations détenues par les « céréaliers-frontaliers » ont entre 8 et 65 ha. Les autres ont une SAU entre 70 et 120 ha. Les parcelles les plus grandes peuvent faire 20 ha, mais c’est rare, « on est plutôt entre 4 et 8 ha » selon Frédéric Schmitt.
Généralement, les moissons des cultures, se font en 3-4 semaines. Ces dernières années, il a remarqué que le blé était rentré en 7 jours maximum dans le secteur. « Les organismes stockeurs sont très à cheval sur la qualité du produit. Il faut éviter les mycotoxines qui peuvent s’installer rapidement ». Pour inciter à la qualité et donc à une récolte plus précoce, les collecteurs de blés proposent des primes. Pour l’ETA, le fait de moissonner tôt en saison entraînent plus de difficultés. « Les moissonneuses ont un besoin de puissance plus élevée. On doit aussi avancer moins vite pour limiter les pertes. C’est à cause des pailles encore vertes, même si les grains sont mûrs ». Frédéric Schmitt gère les chantiers avec 3 moissonneuses batteuses, dont 2 déjà amorties, mais qu’il garde en cas de besoins. « On débute entre 9h et 10h en fonction de l’humidité. Quand on fait des journées complètes, on finit vers 22h ou 23h ».
Frédéric Schmitt dit souvent qu’il faut y aller « au pifomètre », ou encore à l’intuition. Mais il connaît très bien ses clients et leurs terres. Ce qui fait de son flair une arme assez affûtée pour gérer les aléas. Quand vient la saison des moissons, il commence à scruter les parcelles, appelle les clients en prévision, pour prendre la température. « On sait que les moissons vont débuter dans les sols légers et sur les collines ». Les clients appelés vérifient soigneusement la maturité de leurs céréales, prennent des échantillons et rappellent l’entrepreneur, le cas échéant. C’est Frédéric Schmitt qui gère le planning de récolte. « La plupart des clients préviennent assez tôt : ils nous donnent les surfaces à récolter et on leur dit si le jour voulu correspond ou pas ». L’annonce du mauvais temps est toujours un stress supplémentaire pour les 2 entrepreneurs. Pour gérer au mieux, ils sont équipés d’une station météorologique Sencrop en réseau. Il leur est possible de vérifier les prévisions en temps réel et de savoir si quelques gouttes tombent là où ils ont prévu de moissonner. Dans ce cas, Frédéric Schmitt appelle l’exploitant concerné pour ajuster la fenêtre de tir. Il est heureux de pouvoir bénéficier de cet outil d’aide à la décision pour les moissons, mais aussi pour ses autres travaux, et notamment les semis et les traitements.
Parc machines
Une fois le planning établi, Frédéric Schmitt prévient les chauffeurs. « En général, on essaie de faire une journée complète chez le client : ça évite de trop se promener sur les routes. Parfois, ça ne colle pas, alors on programme deux exploitants dans la journée ». L’entrepreneur met un point d’honneur à optimiser les temps de trajets. La plupart des parcelles sont remembrées, ce qui est déjà un bon point, notamment à cause « des effets de bordure, et donc d’une baisse de rendement potentielle ». Par contre, le gérant de l’ETA Schmitt, essaie de sensibiliser aussi les exploitants sur le gain de temps et l’économie de carburant qu’une bonne organisation peut engendrer pour les deux côtés : « pas question de commencer à un bout du village, puis de se déplacer à l’autre bout et de revenir ». Les itinéraires sont ainsi faits par les exploitants de façon à optimiser les temps de trajet. « Les chauffeurs sont ensuite très autonomes. Ils ont un contact direct avec chaque client chez qui ils travaillent ». Alexandre, l’un des plus anciens salariés, et considéré comme le bras droit du gérant sur l’ETA, gère même les récoltes sur sa zone, le long du Rhin, près de son lieu d’habitation.
Pour éviter de laisser les machines à l’arrêt lorsqu’il y a « des trous » dans le planning, les parcelles de céréales de l’exploitation familiale, la Ferme Fleckenstein, sont intercalées à ces moments-là. Les machines ne sont ainsi jamais à l’arrêt. Afin de mieux connaître les temps de travail des machines, et leurs parcours, Frédéric et Vincent Schmitt ont investi dans un boîtier de géolocalisation SamSys, en août dernier. « L’objectif est de travailler avec des données objectives, les analyser, et prendre les décisions pertinentes associées » pour Vincent. Le boîtier suit également le nombre d’hectares travaillés, le rendement journalier de la machine et la consommation de carburant. La moisson de cette année 2023 sera la première saison sur laquelle il utilisera les boîtiers pour la récolte de blé.
Pour les moissons, Frédéric Schmitt facture à l’hectare. Les chauffeurs des moissonneuses notent le nombre d’hectares déclarés par le client sur un carnet. Avec le boîtier SamSys, les chauffeurs pourront même, cette année, imprimer un ticket de mission à la fin de la journée. L’occasion d’échanger sur les données avec les céréaliers et de comparer avec les situations de confrères, notamment en termes de consommation de carburant. « En comparant les récoltes sur des grandes et des petites parcelles, on voyait clairement que la consommation de carburant différait ». Il espère que les données récoltées en 2023 sur blé pourront lui donner des tendances pour optimiser sa marge, ou son organisation. Une fois les données entrées dans le système par les chauffeurs, elles sont transférées automatiquement sur l’ordinateur du gérant. Cela lui permet d’avoir une visibilité globale sur les missions, les machines et les hectares travaillés. Cela facilite l’édition des factures en fin de saison. La facture est généralement envoyée fin août, afin que l’ETA retrouve un peu de souffle, après avoir avancé les salaires, les réparations et le GNR, entre autres. Avec le contexte économique, les prix des carburants ont flambé. Pour ne pas perdre d’argent, Frédéric et Vincent Schmitt ont logiquement augmenté leurs coûts. Ils ont décidé de partir sur une hausse de 10 à 15% sur les prestations. D’autres ETA ont fait autrement : ils ont décidé de se ravitailler chez les clients. Mais les deux hommes préfèrent maîtriser cet aspect. « Un incident est vite arrivé, il suffit d’une impureté, d’une bactérie, d’une cuve moins propre… ». Frédéric Schmitt est prévoyant, étant donné qu’il a été confronté à ce problème, il y a quelques années. Le père et le fils connaissent et sélectionnent aussi soigneusement leur carburant et sa qualité auprès d’un fournisseur de confiance. « Le client paiera de toute façon, chez nous ou chez lui, au remplissage de sa cuve ».
Agriculture de précision et récolte de céréales : y aller ou pas ?
Frédéric Schmitt utilise déjà l’agriculture de précision pour gérer les épandages des engrais et les semis en modulation de dose. Pour semer le maïs, il utilise l’ExactEmerge de John Deere et fait de la coupure de rang, grâce au guidage RTK. « La précision est incroyable ! ». En ce qui concerne le blé, les deux moissonneuses batteuses les plus récentes de l’ETA sont équipées pour éventuellement faire de la cartographie. « Nous pourrions vérifier l’effet modulation de doses, visualiser l’hétérogénéité des rendements à l’échelle de la parcelle. Cela nous permettrait même de réduire des coûts potentiels, en optimisant l’apport d’engrais en fonction des zones ». Mais aujourd’hui, le gérant n’est pas prêt à passer le cap : « l’abonnement est trop cher pour seulement quelques jours par an ». Il note également que les petites structures ne sont pas demandeuses pour l’instant, et pas forcément équipées non plus.
Pour Frédéric Schmitt, les machines doivent être bien préparées avant de réaliser des prestations chez les clients. « Le soir ou le matin même, les chauffeurs prennent 45 minutes à 1 heure pour procéder à des vérifications : graissage, contrôle des filtres à air, plein de GNR,… ». Une tierce personne peut réaliser ces vérifications, lorsque les chauffeurs rentrent trop tard. « Cela leur permet de se reposer ». Si des machines venaient à casser en saison, il sait qu’il peut compter sur les services après-vente de ses concessionnaires John Deere et Claas. « Ils sont réactifs ». De manière générale, il est assez prévoyant et détient un stock de pièces suffisant. Il estime qu’il est très bien équipé, que son atelier est très fonctionnel et ses équipes compétentes. « C’est plutôt rare qu’on aille chez le concessionnaire quand on a de la casse : dans notre métier, si on n’aime pas visser les machines et qu’on aime pas la mécanique, il ne faut pas se lancer ! ». Lorsque la moisson est terminée, les machines reviennent pour être soufflées. Le gérant fait faire un check-up complet des moissonneuses. « On passe aussi un jet d’eau à l’extérieur, puis la batteuse est transformée pour d’autres types de récoltes ». Afin de maîtriser ses charges, Frédéric Schmitt fait réaliser la révision de ses moissonneuses-batteuses par ses salariés en hiver. « Cela permet d’anticiper clairement des casses pendant la saison ». Les pièces de rechange sensibles sont ainsi remplacées en préventif. « Si un roulement fait du bruit, on n’attend pas qu’il casse avant de le changer, même en saison » pour Vincent Schmitt.
Présentation de l’ETA et des structures associées
Aujourd’hui, Schmitt Frédéric (père) et Vincent (fils) travaillent de concert sur 3 structures juridiques. Vincent gère l’entreprise de travaux publics (2 salariés : Hendrick et Anthony) et l’exploitation agricole. Frédéric Schmitt gère l’ETA, avec deux salariés à temps plein (Alexandre et Elsa) et quelques saisonniers. En ce qui concerne la moisson des céréales et la conduite des moissonneuses-batteuses, l’ETA emploie 2 chauffeurs pour 3 machines. La mise à disposition des salariés entre les structures permet de gagner en souplesse lors des pics de travaux agricoles.
Le chiffre d’affaires de l’ETA se décompose comme suit :
Quelques dates :
1984 : Installation de Frédéric Schmitt sur l’exploitation agricole (céréales, betteraves).
1985-86 : Création de l’ETA par Frédéric Schmitt (semis maïs et betteraves, puis battage en 1987).
1986 : Achat d’une seconde moissonneuse-batteuse et embauche d’un salarié à mi-temps sur l’ETA.
1996 : Achat d’une première pelleteuse 16 tonnes.
2008 : A la fin de ses études agricoles, Vincent Schmitt, le fils de Frédéric, est salarié sur l’ETA.
2011 : Installation de Vincent sur l’exploitation agricole.
2011 : Création d’une nouvelle structure juridique pour les travaux publics, le transport et le chargement de betteraves : VFS Prestations. Gestion par Vincent Schmitt.