Dans le cadre d’un plan d’action pour l’huile d’olive, la Commission européenne avait programmé l’interdiction de réutiliser les contenants (les bouteilles) de façon à éviter des fraudes (il y en a) et l’utilisation d’autres huiles que celle de l’étiquette. Sous la pression de l’Angleterre, des Pays-Bas mais aussi de la France, elle est revenue sur ses intentions.
La production d’huile d’olive est une spécificité européenne. Elle concerne principalement des pays comme l’Espagne, le Portugal ou l’Italie, mais nous avons aussi, en France, quelques oléiculteurs, même s’ils ne sont pas nombreux. Pour les consommateurs, l’huile d’olive doit être synonyme de qualité, il est donc important qu’elle soit tracée.
Or, il est une pratique courante, principalement dans les restaurants, qui consiste à réutiliser la bouteille une fois vidée. Le problème est que la nouvelle huile ajoutée ainsi ne provient plus obligatoirement de la même source. Chez des commerçants peu scrupuleux, ou ayant des fournisseurs qui le sont à leur place, une autre huile que celle inscrite sur l’étiquette de la bouteille peut se substituer à l’originale. Bien sûr, dans un sens de gain économique, c’est-à-dire avec des risques réels d’une qualité moindre, gustative et sanitaire.
Pour éviter toute forme de trafic, la Commission européenne a donc planché depuis un an, dans le cadre d’un plan global sur l’huile d’olive où d’autres mesures sont également discutées, sur une décision qui devait être prise dernièrement : interdire purement et simplement la réutilisation des bouteilles. Cela devait passer, grâce notamment à l’appui de la France (confirmé à chaque réunion précédente), et malgré la contestation de l’Angleterre ou des Pays-Bas, pays où les restaurateurs invoquaient un surcoût inhérent à cette mesure. Pourtant, parallèlement, il faut savoir que l’interdiction de la réutilisation des bouteilles est déjà en vigueur en Espagne et au Portugal, et avec de bons résultats, sans surcoût majeur pour les professionnels de la restauration.
Seulement voilà, lors du dernier Sommet européen, il y a eu une volte-face de la France sur le sujet. La mesure ne sera pas adoptée au niveau européen à cause de ce revirement. La majorité entre les pro et les anti a ainsi changé de camp.
Aussitôt, au nom des producteurs agricoles, le syndicat européen des agriculteurs et des coopératives le Copa-Cogeca a dénoncé la « pression politique » qui pénalise consommateurs et producteurs. Son secrétaire général, Pekka Pesonen, a ainsi développé son propos : « Il est totalement ridicule de la part de la Commission de simplement retirer cette mesure en raison de la pression politique. Elle fait l’objet d’une discussion depuis plus d’un an, jouissait du soutien de 15 Etats membres et est passée par toutes les procédures juridiques appropriées. Il s’agissait véritablement d’une mesure très simple, positive pour tous, qui représentait un premier pas positif dans la mise en oeuvre du plan d’action de la Commission visant à améliorer la viabilité, la qualité et la compétitivité du secteur européen de l’huile d’olive, produit dont les bénéfices en termes nutritionnels et de santé sont nombreux. Peut-être cette mesure n’a-t-elle pas été suffisamment bien expliquée, mais il était nécessaire d’interdire les bouteilles réutilisables et les « aceiteras » traditionnellement présentes sur les tables des restaurants. Ces derniers ont tendance à utiliser des bouteilles réutilisables et à les remplir d’huile d’olive (de différentes catégories) et d’autres huiles sans informer les consommateurs, ce qui n’est pas souhaitable et ne peut qu’être jugé injuste vis-à-vis du consommateur. L’augmentation des coûts qu’aurait engendrée cette mesure était négligeable et ne constituait en aucun cas une excuse pour ne pas l’adopter. Il est totalement inadmissible que la Commission soit complètement revenue sur sa position et ait cédé à la pression politique de cette manière, sans aucune discussion avec les Etats membres et l’industrie. Je l’invite à revoir sa décision.«
Les renseignements que nous avons pu recueillir par ailleurs sur cette affaire montrent bien que c’est le revirement français qui est à l’origine cette absence de mesure, qui aurait rassuré les consommateurs, et assurer les producteurs qu’on n’utilisait pas leurs étiquetages à des fins frauduleuses. Ce revirement trouverait son explication soit par une demande de nos propres restaurateurs, soit dans un jeu d’alliance complexe avec l’Angleterre et les Pays-Bas. Dans tous les cas, il s’opère au détriment des consommateurs comme des producteurs, les uns et les autres réclamant une traçabilité maximale sur tous les produits. Et il va à l’encontre des récentes demandes de plusieurs ministres français en faveur d’une traçabilité totale pour l’ensemble de l’agroalimentaire.
Pour info, les autres mesures du plan « huile d’olive » qui doit entrer en vigueur au 1er janvier 2014 concernent l’affichage du nom complet de vente du produit en un seul corps de texte sur l’étiquette, ou encore les conditions de stockage (optimales) pour veiller à ce que les consommateurs disposent des informations correctes. La date de péremption pour toutes les catégories d’huile d’olive doit également être standardisée.
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