Le débat est au plus fort sur le glyphosate, que le gouvernement français voudrait arrêter avant la fin de son quinquennat, causant de multiples réprobations du monde agricole. Mais pourquoi un tel déchainement autour des produits issus de ce principe actif ?
D’un côté, un produit connu, utilisé fréquemment par un très grand nombre d’agriculteurs, et qui avec ses facultés de désherbant total est considéré comme très intéressant, pour débarrasser le sol de toutes ses mauvaises herbes avant le semis. De l’autre, des sonnettes d’alarme tirées d’un peu partout, et pas seulement de la part d’ONG que l’on pourrait considérer comme étant dogmatiques : ce principe actif est suspecté d’être cancérigène, et même à l’origine de malformations chez des nouveau-nés, animaux (consommateurs de cultures traitées avec ces produits) et même humains, selon des affirmations de documentaires diffusés sur les chaines de télévision.
Ce « risque santé », aujourd’hui, n’est pas officiellement confirmé. D’autant qu’il dépend aussi de l’utilisation des produits, des précautions suivies d’une part, et du mode de culture d’autre part, comme l’expliquait très bien Gilles VK dans sa vidéo reprise sur WikiAgri. Il semble ainsi que, aujourd’hui, en France, les utilisateurs soient dans leur globalité prudents et responsables. Et surtout que la pratique consistant à mettre le produit directement sur les cultures n’ait pas cours en France.
Pour autant, bien sûr, après de telles affirmations, à tort ou à raison, le doute subsiste. Mais pour les agriculteurs, ceux de la Fnsea qui ont manifesté dans Paris sur les Champs-Elysées, mais aussi ceux de la Coordination rurale, soit pour une large majorité, aucune hésitation : on ne peut pas se passer du glyphosate. Christiane Lambert, la présidente de la Fnsea est même vindicative sur le sujet dans la vidéo que voici :
Il apparait ainsi clairement que l’on préfère occulter le risque santé face à un autre risque : la perte de rendements. En d’autres termes, les agriculteurs en sont venus à un tel point avec les crises à répétition et autres aléas qu’ils ne peuvent plus se permettre le moindre écart au niveau de leurs trésoreries. Bien sûr, il n’y a pas que ça dans le débat. Le seul nom de « Monsanto » suscite depuis de longues années un déchainement de commentaires, certains justifiés, d’autres beaucoup moins élaborés aussi d’après des « fake news ». Mais si l’on se place uniquement du côté du producteur agricole, ce débat controversé autour de la multinationale n’a pas d’importance. En revanche, un produit qui évite les efforts pour désherber proprement à condition d’être bien utilisé, ça les intéresse.
Evidemment, il appartient ensuite à chacun d’être prudent dans cette utilisation, pour soi, et pour l’entourage. Cela fait partie de la responsabilité du chef d’entreprise agricole.
Pourquoi y a-t-il eu autant de débats autour du seul glyphosate, alors que ce qui est en jeu pour l’agriculteur, c’est la compétitivité de son exploitation ? Parce qu’il s’agit en fait d’un cumul. Au moment où les états généraux de l’alimentation doivent rebattre les cartes au niveau des marges, une décision est prise (certes en accord avec un autre calendrier, européen celui-là) en dehors de ces états généraux. Qui plus est, rien n’est prévu sur la compétitivité de l’entreprise agricole dans ces débats. Au-delà, les agriculteurs voient les crises qui perdurent, et une forme d’inertie par rapport à leurs problématiques devenues quotidiennes. S’il n’y avait eu « que » l’arrêt du glyphosate, sans doute la mobilisation agricole aurait-elle été moins importante, sans doute les techniques permettant de s’en passer auraient-elles circulé davantage, pour être examinées avec moins de critiques initiales.
En fait, la situation rappelle celle de l’écotaxe, qui avait vu l’émergence d’un nouveau mouvement de contestation en Bretagne, les Bonnets rouges : il s’agissait alors de la taxe de trop. Là, l’arrêt du glyphosate, c’est la mesure « écolo » de trop…
Il faut dire que l’on est très loin du concept de « croissance verte », où l’on rémunérerait l’effort écologique. Depuis plusieurs années, chaque mesure nouvelle concernant l’environnement devient un manque à gagner pour l’agriculteur, à un point tel que c’est l’une des causes de cet état de crise quasi perpétuel qu’il vit…
A quand une véritable politique de croissance verte ?