Le divorce du Royaume-Uni avec l’Union européenne remettra en cause les stratégies industrielles des grands groupes agroalimentaires installés sur son sol. Mais avec une livre affaiblie, le Royaume-Uni pourrait avoir les moyens de renforcer sa sécurité alimentaire en produisant plus de lait, de porcs et de volailles. Et être plus compétitif pour exporter ses produits.
« On ne reviendra pas en arrière, on avancera autrement. » Selon Jean-Paul Simier, directeur de Bretagne développement innovation à Rennes, spécialiste de l’économie des filières animales et coauteur du Cyclope 2016, le Brexit revêtira avant tout une dimension institutionnelle et se traduira par le retrait du Royaume-Uni de tous ses engagements communautaires. Mais l’Union européenne perdra un contributeur net au budget européen puisque la Grande-Bretagne verse plus d’argent qu’elle n’en perçoit en retour de la Commission européenne de Bruxelles.
« En revanche, l’intrication des deux économies britannique et européenne rend « la séparation impensable et matériellement impossible » », défend Jean-Paul Simier, reprenant à son compte les propos de Robert Schumann tenus en 1950, lors de la fondation de la Ceca (communauté européenne du charbon et de l’acier, ancêtre de l’Union européenne). Aussi, les prochaines négociations commerciales veilleront à limiter les dommages collatéraux d’un divorce économiquement contre nature. Et comme l’agriculture britannique repose sur la Pac, la seule politique mutualisée de l’Union, le volet agricole de ces prochaines négociations, entre les deux parties, prendront un caractère particulier. En jeu, pour la France, son excédent commercial 11 milliards d’euros et de 3 milliards pour l’industrie agro-alimentaire. Notre pays exporte du vin, des produits laitiers, du Cognac etc Sinon, l’engorgement des marchés intérieurs de produits invendus est assuré pour encore de nombreuses années.
« Avec une Livre sterling dévaluée, la Grande-Bretagne plus compétitive pourrait reconquérir une partie de sa souveraineté alimentaire. La baisse d’une monnaie a souvent plus d’impact qu’une taxe douanière pour protéger un marché ! », soutient Jean-Paul Simier. Le Royaume-Uni pourrait aussi relancer certaines productions agricoles sur le déclin depuis une quinzaine d’années comme par exemple les cultures de légumes. Mais il est aussi fortement déficitaire en porcs et en lait.
Aussi paradoxal que cela puisse paraître, la Grande-Bretagne hors de l’Union aura un avantage comparatif majeur vis-à-vis des autres pays tiers sur le marché européen puisque l’ensemble de son économie est déjà aux normes. Toutefois, on n’imagine pas l’UE à Vingt-sept ne pas prendre de mesures, pour protéger son marché intérieur, des importations britanniques de viande ovine meilleur marché, par exemple. La France en achète à elle-seule 40 000 tonnes par an !
« Au niveau international, les accords bilatéraux et les règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) seront appliqués à Vingt-sept comme ils le sont actuellement à l’échelle des Vingt-huit. Sinon, l’Union européenne devra payer des pénalités à l’ensemble des membres de l’OMC ! », explique Jean-Paul Simier. Autrement dit, accords commerciaux et les quotas d’importations de viande bovine et de poulets congelés négociés avec le Brésil ou de découpes de volailles saumurées de Thaïlande ne pourront pas être dénoncés. Mais les Etats membres de l’Union européenne se partageront à Vingt-sept, avec 60 millions de consommateurs en moins, les quotas d’importation appliqués à Vingt-huit jusqu’à présent.
« De même, la Grande Bretagne ne quittera pas non plus l’Union en récupérant les accords à droits réduits d’importations de viande ovine du Commonwealth qui ont été repris par l’Union européenne lorsqu’elle l’a intégrée en 1973 », rapporte Jean Paul Simier.
Le Brexit soulève l’avenir des politiques d’investissements des grands groupes industriels des pays tiers en Grande Bretagne qui pourraient ne plus avoir accès au marché des Vingt-sept, une fois le divorce prononcé avec l’Union. Le prochain divorce de la Grande Bretagne avec l’UE Brexit remettra aussi en cause la stratégie d’intégration et de développement de l’industrie européenne des grands groupes danois et néerlandais, entre autres. L’industrie charcutière transforme massivement de la viande de porcs importée des Pays-Bas, du Danemark et d’Allemagne. Et bien que le Royaume-Uni soit le troisième producteur européen de lait (14 millions de tonnes), les Britanniques consomment près de 500 mille tonnes de fromages néerlandais, allemands et bien sûr français.
Enfin, des industriels et des exportateurs qui se sont installés dans l’Union européenne pour conquérir ses vingt-huit pays membres pourraient rencontrer des difficultés en se contentant d’un marché unique amputé du Royaume-Uni.
Bovins viandes : exportations britanniques 40 000 tonnes ; importations 88 000 tonnes.
Lait : troisième producteur européen avec 14 millions de tonnes – grand importateur de fromages (500 000 tonnes par an).
Fruits, légumes : importateur net. La Bretagne exporte environ 17 % de sa production de choux-fleurs.
Production ovine : 40 000 tonnes de carcasses exportées chaque année en France.
Production porcine : 1 million de tonnes importées par an.
Notre illustration ci-dessous montre un élevage ovin de la province anglaise de Cornouaille, et est issue du site Fotolia. Lien direct : https://fr.fotolia.com/id/110111863.