Les clignotants au vert. L’année 2019 démarre dans un contexte d’offre et de demande plus équilibré, selon Coop de France métiers du lait. Mais après deux crises en 10 ans pendant lesquelles des éleveurs désemparés ont produit à perte, les jeunes éleveurs craignent de s’installer et de prendre la succession de leurs ainés, proches de l’âge de la retraite.
Des prix corrects ne suffisent plus pour rendre une filière attractive et faire oublier le désarroi des dizaines de milliers d’éleveurs qui ont produit du lait à perte pendant plusieurs années. Les passifs des bilans des exploitations portent les cicatrices des années de crise alors que les entreprises laitières faisaient des bénéficies.
Damien Lacombe, président de Coop de France métiers du Lait se réjouit que le marché soit assaini. On ne décompte plus que 300 000 tonnes de lait écrémé en poudre dont 100 000 tonnes environ en intervention. En 2017 et 2018, ils avaient atteint 500 000 tonnes.
Mais comme les mesures de restriction de la production de lait ont tardé à être prises pendant la crise, « on retient que la stratégie de la Commission a coûté 2,3 milliards d’euros aux éleveurs européens et a conduit à une subvention de 140 millions d’euros pour les transformateurs dont une partie s’apparente de toute évidence à une subvention à l’exportation, analyse le think tank Agriculture stratégies. Or la valeur des stocks de poudre n’excédait pas 600 millions d’euros ! »
En conséquence, même si la conjoncture est plus favorable, le prix actuel du lait ne permet pas à la fois aux producteurs de lait de dégager un résultat décent et d’éponger les manques à gagner de deux années de crise sans sacrifier une fois de plus son niveau de vie en réduisant au minimum leurs prélèvements privés.
Selon Eurostat, la tonne de lait payée aux éleveurs oscillait en France entre 355 € et 365 € depuis l’été dernier. Les écarts de prix entre les principaux pays producteurs sont faibles, de l’ordre de 15 à 20 €. Les producteurs néerlandais vendent toujours plus cher leur lait que leurs collègues français mais la différence ne porte plus que sur 10 à 15 € environ par tonne de lait alors qu’elle était de près de 60 € fin 2017.
Quant à l’année 2019, elle « démarre dans un contexte d’offres et de demandes plus équilibré qu’en 2018 et 2017 », explique Coop de France métiers du lait. Parmi les grands pays exportateurs mondiaux de produits laitiers, seule la Nouvelle-Zélande connait une forte hausse de production. « Celle des Etats-Unis est très réduite et l’Australie voit sa production reculer nettement en janvier 2019 par rapport à janvier 2018 » en raison de la sécheresse qui l’a affectée sur l’ensemble de son territoire.
Chaque crise laitière accélère dans l’Union européenne la concentration de la production de lait dans les mains d’un nombre plus faible d’éleveurs « en mode survie » et conduit même à sa disparition dans certains bassins traditionnels. Ce qui met en péril dans ces zones l’ensemble de l’industrie de la collecte et de la transformation laitière.
Aussi, la dernière crise a renforcé le problème de renouvellement des générations des éleveurs, de leur succession et de la transmission de leur exploitation.
« La question du renouvellement des générations se pose de manière urgente pour assurer la pérennité du modèle », résume en d’autres termes Coop de France. Or la France est un des rares pays exportateurs de produits laitiers qui dispose d‘un potentiel de production en mesure de se développer alors que ses concurrents sont contraints de freiner leur expansion pour des questions climatiques (l’Australie notamment) ou de superficie (Irlande, Nouvelle-Zélande, Pays-Bas).
Coop de France constate que les jeunes éleveurs sont attirés par le modèle coopératif. Depuis 2015, les 800 nouveaux producteurs coopérateurs représentent 60 % des nouveaux installés. Mais cela ne suffit pas pour limiter l’hémorragie démographique.
Les coopératives affirment pourtant déployer d’importants efforts pour installer des jeunes éleveurs : 95 % des coopératives laitières proposent des dispositifs particuliers affirme Coop de France métiers du lait en leur accordant des prix majorés et des volumes de lait à produire.
A défaut de trouver un nouvel associé, les éleveurs pourraient recruter des salariés mais la profession manque d’attractivité. Elle ne séduit pas les jeunes diplômés.
« La filière laitière propose des emplois variés, aux compétences diverses : plus de 60 métiers sont liés à la filière laitière et sont souvent méconnus. 3 000 personnes sont recrutées en CDI chaque année sur la transformation laitière, explique Coop de France. Mais 15 % des offres restent non pourvues avec un délai de recrutement qui peut atteindre 12 mois. »
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