viande bovine charolaise

Filière bovine et négociations commerciales, la loi Egalim ne fait pas de miracles

Les éleveurs de bovins viande de la FNB n’en ont pas fini avec leurs démons. Les acteurs de la transformation refusent de négocier des prix d’achat de la viande bovine en se référant à un coût de production calculé en toute impartialité par des experts.

L’application de la loi pour l’équilibre des relations commerciales soulève de nouveau la question de savoir ce que vaut un bovin viande. En cette période de négociations commerciales, le dernier communiqué de la Fédération nationale bovine (FNB, association spécialisée de la Fnsea), daté du 19 décembre 2018, tire de nouveau la sonnette d’alarme. « Les acteurs de l’aval de la filière viande bovine font fi de l’esprit des états généraux de l’alimentation et retrouvent leurs vieux réflexes ». Selon la FNB, ils n’acceptent pas le coût de production de 4,64 € par kilogramme vif « pour produire une vache allaitante ». Or il a été « calculé par l’Institut de l’élevage selon une méthode que le médiateur des relations commerciales du ministère de l’Agriculture a qualifiée de robuste et représentative des différents systèmes d’élevage bovin viande français ».

Autrement dit, ces acteurs de l’aval ne souhaitent pas payer le prix de la viande à un prix de revient (coût de production moins les aides Pac, selon la définition retenue par la FNB) indispensable pour garantir une rémunération équivalente à deux smics, soit 50 738 € par an (1).

Le prix de revient n’est pas accepté par les acteurs de l’aval

Les éleveurs n’auraient donc pas d’autres choix que celui de renoncer à niveau de vie à peine décent pour satisfaire les industriels puisque ces derniers refusent de payer, au minimum, les animaux à leur prix de revient.

A ce jour, les aides Pac versées (premier et second piliers) à la filière bovins viande sont supérieures à la rémunération reçue. Toutes productions confondues (naisseur, naisseur-engraisseur, engraisseur), le revenu brut moyen (2) d’un éleveur est de 21 700 € en 2017 alors que les aides perçues s’élèvent à 37 700 €. Or une rémunération brute équivalente à deux smics équivaut à 50 738 €.

Non seulement le prix de la viande payé l’an passé aux producteurs ne finance pas les 13 000 € manquants mais en plus, une partie des aides est employée pour couvrir des charges d’exploitation.

A l’heure actuelle, le prix de vente des animaux ne contribue pas du tout à la constitution du revenu des éleveurs de bovins viande, toutes spécialités confondues !

Autrement dit, l’équilibre économique de la filière bovins (mais aussi ovins) repose sur le contribuable européen. En payant ses impôts, il vient au secours du marché en rémunérant l’éleveur. Mais le contribuable européen soutient aussi l’ensemble de l’économie amont puisque une partie des aides paie les charges d’exploitation des producteurs !

La réaction de la FNB vise ni plus ni moins à dénoncer ce sur quoi repose le fonctionnement de la filière bovine. Il ne satisfait aucune des parties, ni les éleveurs évidemment, ni le contribuable.

Les acteurs de l’aval et le marché de la viande sont en roues libres. Ils imposent des prix de la viande sans commune mesure avec les coûts de production des éleveurs et des contraintes auxquels ces derniers sont soumis. Les naisseurs vendent leurs bovins 250 € les 100 kilogrammes alors que le coût de production est de 448 €, selon l’observatoire français des prix et des marges (OFPM). Avec les aides, le produit de ces systèmes atteint péniblement le seuil de 400 € les 100 kg, ce qui réduit la rémunération mensuelle à 1.2 smic. Pour les engraisseurs, le déséquilibre est encore plus prononcé entre aides publiques et prix de vente puisque le revenu équivaut à 0,7 smic.

Pour les naisseurs-engraisseurs, qui selon l’OFPM, sont les éleveurs de bovins viande qui s’en sortent me mieux, il aurait suffi de payer le kilogramme 2,53 € au lieu de 2,43 € pour atteindre un revenu brut de 2 smics par mois.

Et les prix rémunérateurs pour les éleveurs alors ?

Des prix rémunérateurs, comme le revendiquent certains syndicats, devraient d’abord être, en toute logique, des prix de vente équivalents aux coûts de production avec des aides qui s’ajouteraient alors au revenu économique tiré de l’activité d’élevage. Par exemple, le coût de production de la vache de 4,68 €/kg évoqué par la FNB devrait être le prix de vente de l’animal avec des aides qui s’ajouteraient à ce produit.

Les éleveurs gagneraient alors mieux leur vie et les contribuables européens paieraient moins d’aides. L’activité d’élevage, rémunérée par le marché, serait ainsi dissociée de l’activité d’aménagement et d’entretien du territoire des producteurs, payée par le contribuable.

Evidemment, un tel scénario relève, dans l’état actuel de la situation, de l’utopie mais en cette période de négociations commerciales, il n’est pas inutile de rappeler certains fondamentaux afin que chacun prenne ses responsabilités !

Selon la FNB, l’éleveur de bovins viande doit pouvoir tirer une partie de son revenu (2 smics mensuels) du prix de vente de ses animaux en complément des aides reçues. L’association spécialisée ne revendique rien de plus. Ses adhérents auraient ainsi l’assurance de conserver leurs aides (environ 37 000 € par an).

(1) Une rémunération équivalente à un salaire moyen de 2 Smics équivaut à 50 438 € (2 x 1 480 x 1,42 x 12), et pour un Smic et demi, elle est de 37 830 € environ (1,5 x 1480 x 1,42 x 12). Ces montants incluent le montant des prélèvements obligatoires que l’éleveur devra s’acquitter.

(2) Revenu auquel sont déduits les prélèvements sociaux.


1 Commentaire(s)

  1. Décidément, cette paysannerie dont j’ai fait partie aura toujours été roulée dans la farine et ce n’est pas avec l ouverture aux marchés mondiaux que l’on s’en sortira mieux, bien au contraire, la guerre est ouverte tous les jours sur tous les marchés et sur toutes les denrées..

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