Le gouvernement américain a évalué à 867 milliards de dollars le coût du Farm Bill d’ici 2027. Pour les farmers, la priorité est donnée aux assurances agricoles et aux mécanismes contra-cycliques. Mais le premier poste budgétaire reste l’aide alimentaire : 326 milliards de dollars pour 2018-2022 sur les 428 milliards de dollars budgétisés.
« L’heure n’est pas à l’adoption d’un projet révolutionnaire, les agriculteurs ont besoin de stabilité et de visibilité », déclarait le sénateur Roberts (Parti républicain, Kansas), président de la Commission de l’Agriculture alors que l’an passé s’engageaient les négociations du nouveau Farm Bill pour 2018-2027.
Cette citation a été reprise par Ralph Ichter, président d’Euroconsultants, un des contributeurs du Cyclope 2019 dans un chapitre consacré aux « Politiques agricoles et alimentaires : entre élections et enjeux de société ».
Comme l’adoption de chaque nouveau Farm Bill requiert une majorité de 60 votes au Sénat américain et non pas la majorité simple, ces négociations sont apolitiques et aboutissent à un accord.
En fait, les enjeux de souveraineté alimentaire de la première économie mondiale outrepassent les questions partisanes entre les conservateurs et les démocrates.
Tel qu’il a été adopté, le programme agricole répond aux revendications formulées par la profession agricole, à savoir la préservation du budget agricole pour les dix prochaines années et la priorité donnée aux assurances agricoles et aux mécanismes de soutiens contra-cycliques.
Mais les éleveurs laitiers se voient dotés de nouveaux mécanismes de soutiens (cf encadré).
Le Farm bill 2018-2027 est doté d’un budget de 867 milliards de dollars dont 428 milliards de dollars pour 2018-2022.
La politique agricole américaine soutient et subventionne d’abord la consommation de produits agricoles et agroalimentaires. Elle représente 90 % des dépenses alimentaires des Américains.
Aussi, 326 milliards de dollars seront alloués d’ici 2022 pour financer les programmes d’aide alimentaire domestique et, des repas scolaires et d’aide à l’enfance.
Sinon, les farmers ont à leur disposition une batterie de dispositifs pour préserver sous une forme ou une autre leur chiffre d’affaires et leurs revenus.
L’assurance récolte est dotée d’un budget de 38 milliards de dollars et les soutiens aux productions de 31,4 milliards de dollars.
Pour contrer la volatilité des prix agricoles, le gouvernement prévoit d’ores et déjà une rallonge budgétaire de 400 millions d’euros par an
Une partie des aides allouées aux farmers est dorénavant déplafonnée. Le plafond de 125 000 dollars par exploitant ne s’applique désormais qu’aux aides versées au titre des programmes contra-cycliques ARC et PLC (lire plus bas).
« La gestion des risques économiques est devenue la priorité des agriculteurs : au fil des ans, les mécanismes de soutien du Farm Bill ont évolué vers l’assurance qui représente désormais le mécanisme fondateur du soutien agricole aux Etats-Unis », souligne Ralph Ichter, président Euroconsultants.
« Le programme qui assure le chiffre d’affaires des exploitations est en vogue dans les exploitations de polyculture élevage », ajoute l’expert.
Sur les dix dernières années, les subventions aux primes d’assurances et à leur mise en marché s’élevaient à 7,5 milliards de dollars par.
Parallèlement à l’adoption du nouveau Farm Bill, les agriculteurs ont obtenu l’assurance du gouvernement la possibilité d’embaucher jusqu’à 300 000 travailleurs saisonniers. Et ils seront payés 12,96 dollars par heure. Donald Trump, le président américain, s’est fixé comme priorité de lutter contre l’immigration clandestine, mais il n’a pas pu ne pas prendre en considération les requêtes des farmers qui manquent de main-d’œuvre.
Le bilan du dernier Farm Bill n’est pas bon. Les revenus des agriculteurs américains ont baissé. Estimés à 66 milliards de dollars en 2018, ils sont inférieurs de moitié à celui de 2013 (134 milliards de dollars).
L’institut de statistiques américaines, l’USDA, table sur des revenus inférieurs à 90 milliards de dollars au cours des dix prochaines années.
Toutefois, la baisse des revenus n’a pas dégradé la situation financière des farmers. Leur endettement n’excède pas 25 % de leur revenu même si la valeur de leurs actifs a entre temps diminué de 40 %.
On a dénombré une faible progression des faillites et la population active agricole est relativement stable.
30 000 éleveurs ont cessé de produire du lait entre 2003 et 2017. L’effectif moyen d’un troupeau laitier est passé de 275 vaches en 2002 à 900 vaches en 2012 et depuis il ne cesse de croître.
Les dispositifs de soutiens aux marges et aux revenus n’ont pas été efficaces pour maintenir en activité les 70 000 éleveurs dénombrés en 2002.
Depuis 2018, la politique de soutiens apportée aux « milkfarmers » vise à corriger le tir.
Les éleveurs bénéficient d’une « garantie marge » jusqu’à 9,5 dollars par 100 livres anglaises (soit 45,3 kg de lait). Ils peuvent couvrir entre 5 % et 95 % de leur production en payant une prime d’assurance bon marché.
Ce dispositif est complété par le Dairy Margin Coverage (DMC) et, par une assurance recette et une assurance marge spécifique à l’exploitation, comparable à ce qui existe pour les grandes cultures.
La DMC assure avantageusement la production de lait des 240 premières vaches d’un troupeau. « Au-delà de 240 vaches, les éleveurs souscrivent une assurance catastrophe quasi gratuitement », souligne Ralph Ichter.
L’ARC (Agriculture Risk Coverage) compense les variations du chiffre d’affaire sur 5 ans et les PLC (Price Loss Coverage) les écarts de prix, à partir d’un prix de référence fixe, lorsqu’ils sont bas.
Ci-dessous, ferme américaine (photo Adobe).